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Voyage au pays de la quatrième dimension

Gaston (William Adam) de PAWLOWSKI



DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur précédent dans la collection n° 56 suivant dans la collection
Dépôt légal : 1er trimestre 1962
Réédition
Roman, 256 pages, catégorie / prix : 6,00 FF
ISBN : néant
Format : 12,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
• Qu'est-ce donc que la quatrième dimension ? Pour la découvrir, G. de Pawlowski vous convie à l'accompagner dans ce Voyage, devenu l'un des classiques de la Science-fiction.
 
• Au cours de cette étonnante randonnée, nous voyons l'humanité passer de la tyrannie collectiviste, du Léviathan à la dictature des Savants Absolus, avant de parvenir à l'âge de l'Aigle d'or. En se familiarisant avec la quatrième dimension, retrouvera-t-elle le bonheur ?
 
• Les hommes auront-ils assez de persévérance pour se délivrer des maux engendrés par la dissociation de la matière dont les Martiens leur ont révélé leur secret et pour échapper à l'esclavage de la mathématique et de la technique pures, qui ont rendu inutile l'amour ?
 
• Parviendront-ils à déjouer les machinations de ces « homuncules » qui tentent de prendre en main la direction de la civilisation humaine ?
Critiques

    La première édition de cet ouvrage fut publiée en 1912, à une époque où la quatrième dimension ne figurait pas au pain quotidien de l'amateur d'étrange. Son auteur, Gaston William Adam de Pawlowski, vécut de 1874 à 1933. Il fit une carrière de journaliste, s'occupa de critique dramatique, et dirigea plusieurs journaux – dont les titres n'évoquent guère l'insolite littéraire : « Le Vélo », « Comœdia », « L'Opinion ». 

    Ce « Voyage » n'est pas présenté comme un roman. Il est précédé d'un « Examen critique », dans lequel l'auteur explique qu'il résulte de la juxtaposition d'une série de nouvelles, de fragments divers dont il augmentait irrégulièrement la substance.

    En vérité, ce « Voyage » ne peut guère être assimilé à un roman. Il lui manque un commencement, un milieu et une fin, ainsi qu'une action. On ne peut pas y voir une œuvre purement statique : des civilisations diverses sont évoquées, on parle de leur développement, de leur sclérose et de leur chute, mais ces divers événements sont présentés d'une façon extrêmement discontinue, incomplète, qui est évidemment le résultat de leur rédaction irrégulière. Gaston de Pawlowski n'a pas jugé nécessaire de les récrire pour en faire un tout.

    Les cinquante premières pages de ce volume sont occupées par l'« Examen critique » mentionné plus haut. En un style confus et assez prétentieux, l'auteur s'efforce de justifier son œuvre et d'en expliquer la signification. Quelle est, pour lui, cette quatrième dimension qui figure dans le titre ? Il répond explicitement à cette question : il faut voir, sous ce terme, « le symbole nécessaire d'un inconnu sans lequel le connu ne pourrait pas exister. La Quatrième Dimension, dans notre monde à trois dimensions, c'est cette variable dont l'existence est indispensable dans toute équation de l'esprit humain mais dont la qualité s'évanouit au contact des chiffres dès que l'on tente de lui donner une valeur particulière ». Dans le cours de son roman, il assimile (au chapitre XLVIII) cette quatrième dimension à ce que nous appelons aujourd'hui le subconscient. En fait, il s'agit principalement d'une sorte de perception spiritualiste, qui met les êtres vivants en contact les uns les autres plus parfaitement que nos sens ne le permettent, et dont les effets peuvent être rapprochés de ce qu'Olaf Stapledon décrivait sous le titre de « moment suprême » dans son « Star maker ». Pour Gaston de Pawlowski, cette recherche de la quatrième dimension revient encore à « créer Dieu par l'homme et en lui ». Ce qu'il raconte dans son livre, ce sont en fait les étapes laborieuses de cette recherche (dans une sorte d'histoire future de l'humanité) et les bienfaits dont les vivants furent gratifiés le jour où ils parvinrent au but. 

    L'idée centrale du roman procède d'une réaction contre le collectivisme (qui conduit à la notion du « Leviathan », l'état-monstre vivant) et le machinisme (dont un aboutissement peut être constitué par une technocratie myope). Cette réaction est saine et louable, et le lecteur ne peut que partager l'aversion qu'éprouve l'auteur à l'égard de l'une et de l'autre de ces formes de gouvernement. Mais l'expression que Gaston de Pawlowski donne à son aversion est confuse, pesante et, au total, assez peu convaincante. Il prône, au passage, la nécessité du style, et en vante les bienfaits ; mais il ne prêche guère par l'exemple. Ses développements sont imprécis, laborieux, et présentés avec une lourdeur à côté de laquelle l'anglais de Stapledon – pourtant assez lent – possède la vivacité d'un roman policier. Le message de Gaston de Pawlowski était éminemment valable il y a cinquante ans, et il demeure toujours digne d'être entendu. Malheureusement, les prétentions philosophiques, stylistiques et satiriques de l'auteur le desservent considérablement.

    Évidemment, la présentation d'une histoire (même future) de l'humanité ne se prête guère à un style alerte ou entraînant. Dans le cas présent, la situation se trouve aggravée par le fait que cette histoire résulte de la juxtaposition d'un certain nombre de fragments discontinus, qui exposent l'auteur à des contradictions (par exemple lorsqu'il s'agit du sort d'un couple primitif conservé comme échantillon : chapitres XXV et XL) et qui privent le lecteur de toute vue d'ensemble. Cet avenir est présenté en tableaux vagues, maladroitement esquissés, insuffisamment développés, et dont le schéma pessimiste finit par être lassant par sa monotonie : une invention nouvelle est faite ; elle provoque d'abord des résultats favorables à l'humanité ; mais des conséquences néfastes, imprévues aux premiers moments, accablent bientôt les hommes de leurs méfaits. Dans son « Examen critique », Gaston de Pawlowski parle de l'humour, qu'il assimile à l'esprit de doute, au scepticisme ironique qui doit faire équilibre à la froide et trompeuse certitude des sciences. Une fois de plus, on est obligé de constater qu'il n'utilise guère, dans son œuvre, les principes très louables qu'il expose. L'humour est un des Grands Absents de ce livre.

    L'action lui fait également défaut. On le remarque d'autant plus facilement que les premiers chapitres, évoquant la découverte fortuite de la quatrième dimension par le narrateur, se distinguent par des notations assez adroites, et dont le développement eût permis l'amorce d'une intrigue : cette boîte dont on peut atteindre l'intérieur sans avoir à en soulever le couvercle, cette diligence qu'on peut prendre n'importe où et n'importe quand, ne sont, sous la plume de l'auteur, que des artifices rapidement abandonnés, peut-être à cause de leur côté futile. En fait, Gaston de Pawlowski avait une thèse à défendre. Il n'a pas cherché à raconter une action.

    Était-il vraiment nécessaire de rééditer un tel livre ? À en croire le texte de présentation, on a parlé, à son propos, de « philosophie-fiction ». Hélas, le passage d'un demi-siècle n'a guère été favorable au second aspect de l'œuvre : il en a souligné les défauts beaucoup plus clairement que les qualités. Pourquoi ne pas avoir plutôt présenté au public l'ouvrage de Stapledon mentionné plus haut, « Star maker », dont on attend encore la traduction française ? Là, le terme de « philosophie-fiction » peut s'appliquer avec beaucoup plus de justesse. Le livre de Gaston de Pawlowski ne mérite une place que dans un musée de la science-fiction – et, plus exactement, dans une aile un peu désaffectée.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/6/1962 dans Fiction 103
Mise en ligne le : 29/12/2024


    La première édition de cet ouvrage fut publiée en 1912, à une époque où la quatrième dimension ne figurait pas au pain quotidien de l'amateur d'étrange. Son auteur, Gaston William Adam de Pawlowski, vécut de 1874 à 1933. Il fit une carrière de journaliste, s'occupa de critique dramatique, et dirigea plusieurs journaux – dont les titres n'évoquent guère l'insolite littéraire : « Le Vélo », « Comœdia », « L'Opinion ». 

    Ce « Voyage » n'est pas présenté comme un roman. Il est précédé d'un « Examen critique », dans lequel l'auteur explique qu'il résulte de la juxtaposition d'une série de nouvelles, de fragments divers dont il augmentait irrégulièrement la substance.

    En vérité, ce « Voyage » ne peut guère être assimilé à un roman. Il lui manque un commencement, un milieu et une fin, ainsi qu'une action. On ne peut pas y voir une œuvre purement statique : des civilisations diverses sont évoquées, on parle de leur développement, de leur sclérose et de leur chute, mais ces divers événements sont présentés d'une façon extrêmement discontinue, incomplète, qui est évidemment le résultat de leur rédaction irrégulière. Gaston de Pawlowski n'a pas jugé nécessaire de les récrire pour en faire un tout.

    Les cinquante premières pages de ce volume sont occupées par l'« Examen critique » mentionné plus haut. En un style confus et assez prétentieux, l'auteur s'efforce de justifier son œuvre et d'en expliquer la signification. Quelle est, pour lui, cette quatrième dimension qui figure dans le titre ? Il répond explicitement à cette question : il faut voir, sous ce terme, « le symbole nécessaire d'un inconnu sans lequel le connu ne pourrait pas exister. La Quatrième Dimension, dans notre monde à trois dimensions, c'est cette variable dont l'existence est indispensable dans toute équation de l'esprit humain mais dont la qualité s'évanouit au contact des chiffres dès que l'on tente de lui donner une valeur particulière ». Dans le cours de son roman, il assimile (au chapitre XLVIII) cette quatrième dimension à ce que nous appelons aujourd'hui le subconscient. En fait, il s'agit principalement d'une sorte de perception spiritualiste, qui met les êtres vivants en contact les uns les autres plus parfaitement que nos sens ne le permettent, et dont les effets peuvent être rapprochés de ce qu'Olaf Stapledon décrivait sous le titre de « moment suprême » dans son « Star maker ». Pour Gaston de Pawlowski, cette recherche de la quatrième dimension revient encore à « créer Dieu par l'homme et en lui ». Ce qu'il raconte dans son livre, ce sont en fait les étapes laborieuses de cette recherche (dans une sorte d'histoire future de l'humanité) et les bienfaits dont les vivants furent gratifiés le jour où ils parvinrent au but. 

    L'idée centrale du roman procède d'une réaction contre le collectivisme (qui conduit à la notion du « Leviathan », l'état-monstre vivant) et le machinisme (dont un aboutissement peut être constitué par une technocratie myope). Cette réaction est saine et louable, et le lecteur ne peut que partager l'aversion qu'éprouve l'auteur à l'égard de l'une et de l'autre de ces formes de gouvernement. Mais l'expression que Gaston de Pawlowski donne à son aversion est confuse, pesante et, au total, assez peu convaincante. Il prône, au passage, la nécessité du style, et en vante les bienfaits ; mais il ne prêche guère par l'exemple. Ses développements sont imprécis, laborieux, et présentés avec une lourdeur à côté de laquelle l'anglais de Stapledon – pourtant assez lent – possède la vivacité d'un roman policier. Le message de Gaston de Pawlowski était éminemment valable il y a cinquante ans, et il demeure toujours digne d'être entendu. Malheureusement, les prétentions philosophiques, stylistiques et satiriques de l'auteur le desservent considérablement.

    Évidemment, la présentation d'une histoire (même future) de l'humanité ne se prête guère à un style alerte ou entraînant. Dans le cas présent, la situation se trouve aggravée par le fait que cette histoire résulte de la juxtaposition d'un certain nombre de fragments discontinus, qui exposent l'auteur à des contradictions (par exemple lorsqu'il s'agit du sort d'un couple primitif conservé comme échantillon : chapitres XXV et XL) et qui privent le lecteur de toute vue d'ensemble. Cet avenir est présenté en tableaux vagues, maladroitement esquissés, insuffisamment développés, et dont le schéma pessimiste finit par être lassant par sa monotonie : une invention nouvelle est faite ; elle provoque d'abord des résultats favorables à l'humanité ; mais des conséquences néfastes, imprévues aux premiers moments, accablent bientôt les hommes de leurs méfaits. Dans son « Examen critique », Gaston de Pawlowski parle de l'humour, qu'il assimile à l'esprit de doute, au scepticisme ironique qui doit faire équilibre à la froide et trompeuse certitude des sciences. Une fois de plus, on est obligé de constater qu'il n'utilise guère, dans son œuvre, les principes très louables qu'il expose. L'humour est un des Grands Absents de ce livre.

    L'action lui fait également défaut. On le remarque d'autant plus facilement que les premiers chapitres, évoquant la découverte fortuite de la quatrième dimension par le narrateur, se distinguent par des notations assez adroites, et dont le développement eût permis l'amorce d'une intrigue : cette boîte dont on peut atteindre l'intérieur sans avoir à en soulever le couvercle, cette diligence qu'on peut prendre n'importe où et n'importe quand, ne sont, sous la plume de l'auteur, que des artifices rapidement abandonnés, peut-être à cause de leur côté futile. En fait, Gaston de Pawlowski avait une thèse à défendre. Il n'a pas cherché à raconter une action.

    Était-il vraiment nécessaire de rééditer un tel livre ? À en croire le texte de présentation, on a parlé, à son propos, de « philosophie-fiction ». Hélas, le passage d'un demi-siècle n'a guère été favorable au second aspect de l'œuvre : il en a souligné les défauts beaucoup plus clairement que les qualités. Pourquoi ne pas avoir plutôt présenté au public l'ouvrage de Stapledon mentionné plus haut, « Star maker », dont on attend encore la traduction française ? Là, le terme de « philosophie-fiction » peut s'appliquer avec beaucoup plus de justesse. Le livre de Gaston de Pawlowski ne mérite une place que dans un musée de la science-fiction – et, plus exactement, dans une aile un peu désaffectée.

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Première parution : 1/6/1962 dans Fiction 103
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