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L'Invention de Morel

Adolfo BIOY CASARES

Titre original : La invención de Morel, 1940   ISFDB
Traduction de Armand PIERHAL

Robert LAFFONT (Paris, France), coll. Pavillons précédent dans la collection suivant dans la collection
Dépôt légal : mars 1984
Roman, 170 pages, catégorie / prix : 35F
ISBN : 2-221-04306-5
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
Adolfo Bioy Casares déploie une Odyssée de prodiges qui ne paraissent admettre d'autre clef que l'hallucination ou le symbole, puis il les explique pleinement grâce à un seul postulat fantastique, mais qui n'est pas surnaturel. La crainte de tomber dans des révélations prématurées ou partielles m'interdit d'examiner le sujet, et les nombreuses et savantes finesses de l'exécution. (...)
L'invention de Morel (dont le titre fait filialement allusion à un autre inventeur insulaire, à Moreau) acclimate sur nos terres et dans notre langue un genre nouveau.
J'ai discuté avec son auteur les détails de la trame, je l'ai relue ; il ne me semble pas que ce soit une inexactitude ou une hyperbole de la qualifier de parfaite.
JORGE LUIS BORGES

Né en 1914 à Buenos Aires, Adolfo Bioy Casares, qui dirigea la revue littéraire « Destiempo » avec Jorge Luis Borges, reçut le Prix du Roman de la Ville de Buenos Aires pour cette Invention de Morel dont la première édition française, dans la collection « Pavillons », date de 1952. Il est également l'auteur de nombreuses nouvelles, du Songe des héros, de Journal de la guerre au cochon, de Plan d'évasion.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition UGE (Union Générale d'Éditions) - 10/18, 10/18 (1976)


     Plutôt que de déflorer le plaisir de ceux qui ne connaissent pas encore ce beau texte, et de rabâcher ce que les vieux lecteurs de FICTION connaissent depuis juin 1962, un « collage » à la manière de mon ami Guiot :
     « On pourra, par exemple, revoir agir les seins longtemps après qu'on les aura perdus ». LE RADICAL, 30 décembre 1895.
     « Eterniser une seule heure de l'amour — la plus belle — oh ! l'arrêter au passage, la fixer et s'y définir ! y incarner son esprit et son dernier vœu ! ne serait-ce donc point le rêve de tous les êtres humains ? » Villiers de l'Isle — Adam, l'Eve future.
     « L'horreur que certains peuples éprouvent à être représentés en images repose sur la croyance selon laquelle, lorsque l'image d'une personne se forme, son âme passe dans l'image, et la personne meurt ». Adolfo Bioy Casares.
     « Le cinéma est un phénomène dont on néglige depuis trop longtemps les affinités avec la mort. » Norman Mailer.
     THEME(S) : 1) (en parodiant Lord Acton) : Si le cinéma tue un peu, le cinéma absolu tue absolument.
     2) (en lisant Sparkenbroke de Charles Morgan) : art, amour et mort.
     SCHEME : le triangle parcouru deux fois : l'amour menacé par la mort se réfugie, se réifie dans l'art ; cet art inspire un nouvel amour, qui ne peut se consommer qu'en rejoignant l'art par la mort.

George W. BARLOW
Première parution : 1/11/1976
dans Fiction 274
Mise en ligne le : 2/4/2013


Edition Robert LAFFONT, Pavillons (1954)

[Critique des livres suivants :

- Chroniques martiennes de Ray Bradbury, Denoël Présence du futur n° 1

- Une étoile m'a dit de Fredric Brown, Denoël Présence du futur n° 2

- Ceux de nulle part de Francis Carsac, Gallimard Rayon fantastique n° 23

- Fuite dans l'inconnu de Jean-Gaston Vandel, Fleuve Noir Anticipation n° 34

Îles de l’espace d'Arthur C. Clarke, Fleuve Noir Anticipation n° 35

- L'Invention de Morel d'Adolfo Bioy Casares, Robert Laffont]

 

    Après Gallimard et le Fleuve Noir, les Éditions Denoël lancent, à leur tour, une collection d’anticipation scientifique romancée (pas uniquement S.-F., semble-t-il d’ailleurs, car le catalogue annonce pour paraître prochainement un ouvrage de H.-P. Lovecraft, un des maîtres britanniques du fantastique, de la sorcellerie et de la démonologie). Elle s’intitule « Présence du futur » et ses deux premiers-nés (Bradbury et Brown) sont l’un excellent, l’autre très bon.

    « Chroniques martiennes », de Ray Bradbury, est de la qualité de « Demain les chiens », de Clifford D. Simak, dont j’ai rendu compte il y a quelques mois. C’est l’histoire de la colonisation, du dépeuplement, de l’abandon et de la recolonisation de la planète rouge par les hommes. Le roman se présente sous forme de vingt-six chroniques, les unes assez longues, d’autres fort brèves, la plupart rattachées les unes aux autres par des liens assez lâches. Certaines sont de purs chefs-d’œuvre d’humour (« Les Hommes de la Terre », qui relate la façon étrange dont les Martiens accueillent les premiers Terriens), de terreur macabre (« La Troisième expédition », qui décrit le sort réservé à d’autres astronautes), de révolte contre la civilisation moderne (« Et la lune toujours brillante », où l’on voit un des conquérants de l’espace devenir l’allié des Martiens morts), de satire cruelle sur le sort des noirs américains (« À travers les airs »), ou, enfin, d’horreur sardonique (« Usher II »). J’arrête là l’énumération, car il me faudrait citer presque tout le livre. Comme dans la plupart de ses ouvrages, Bradbury, écrivain amer, cingle vigoureusement la culture de notre siècle et s’élève avec force contre les « tabous » venant du sommet de la pyramide. (N’imagine-t-il pas, dans un chapitre, que le gouvernement américain de la fin du XXe siècle a interdit les œuvres de Poe, les contes de fées et même les populaires nursery-rhymes ?) Sous ce rapport, il est proche d’un George Orwell, ce qui lui a parfois valu des piques de la part de certains critiques orthodoxes d’outre-atlantique. C’est d’ailleurs « une forte tête », un non-conformiste intégral qui, dans un pays de dictature, connaîtrait le camp de concentration. En formulant l’espoir qu’il ne lui arrive rien de tel, je ne puis que vous recommander ces « Chroniques martiennes », spécimen parfait d’une S.-F. intelligente, imaginative et admirablement contée.

    « Une étoile m’a dit » (Space on my hands), de Fredric Brown, est un recueil de huit nouvelles allant du « bon » au « très bon ». (Une seule m’a paru plus faible, « Mitkey », conte à tendances philosophiques qui tombe un peu à plat. Quelle idée aussi de « vaire barler doud au long afec l’agzent » le herr professor-Oberburger, ce qui rend la lecture irritante ?) Deux ou trois sont teintées d’un humour agréable (« Les Myeups », charmante ; « Anarchie dans le ciel », grandguignolesque ; « Un coup à la porte », spirituelle mais mélancolique, d’autres sont poignantes (« Quelque chose de vert » et « Tu seras fou », qui provoquera peut-être quelque colère chez les bonapartistes). Il n’y manque même pas un récit policier (« Tu n’as point tué »). « Cauchemar » rappelle un peu un roman de Maurice Renard, mais ces rencontres, dans le domaine du fantastique, sont inévitables. Il me serait difficile de désigner celle ou celles des nouvelles que je préfère. En fait, à l’exception de « Mitkey », je les ai toutes aimées et il ne me reste qu’à souhaiter que les lecteurs de cette chronique partagent mon opinion.

    Événement au « Rayon Fantastique » (Gallimard) : un roman français, « Ceux de nulle part » de Francis Carsac. Disons tout de suite que l’ouvrage soutient la comparaison avec les meilleurs d’A. S. américains et britanniques et dépasse même bon nombre d’entre eux. C’est le récit d’une guerre intergalactique, intelligemment conçu, avec une base profondément philosophique : la lutte éternelle entre le Bien et le Mal. Pas de politique, pas d’agent de la 1.005e colonne – oui, tout ceci est bien frais et bien plaisant. Et très d’actualité aussi. (Le roman débute par l’arrivée d’une soucoupe volante et se termine sur un sujet qui a intrigué nos ancêtres autant que nos contemporains – les disparitions d’hommes et de femmes qu’on ne retrouve jamais – thème cher aux auteurs de S.-F.) Les mondes « extérieurs » sont décrits avec beaucoup d’imagination, mais de façon fort logique. Bref, un excellent roman que je vous recommande chaleureusement.

    « Fuite dans l’inconnu », de Jean-Gaston Vandel (Fleuve Noir), n’a pas le fignolage, le fini de « Ceux de nulle part », mais il est bon et me semble promis à une fructueuse carrière. L’humanité se meurt d’un mal mystérieux, la cilicose. Un jeune savant, Dox Gavnor, émet alors une théorie révolutionnaire : comme de vulgaires ptérodactyles ou brontosaures, les hommes sont destinés à disparaître du fait d’une évolution normale. Un seul moyen de sauver la race : créer des êtres « concentrés ». Non sans difficulté, il parvient à implanter cette idée, mais l’expérience dépasse ses prévisions les plus optimistes et voilà les humains aux prises avec les « synthétiques » qui prétendent prendre possession du globe. Comme dans un roman policier, la fin ne se raconte pas – ce serait gâcher votre plaisir, car vous en aurez sûrement, du plaisir, à lire cette variante de l’histoire de « l’Apprenti Sorcier ».

    « Îles de l’espace » (Islands in the sky) – chez le même éditeur, s’adresserait plutôt à des adolescents ou à des J3 s’il n’était signé d’Arthur C. Clarke, un des « as » de S.-F. américaine. C’est le récit d’un garçon de seize ans qui, lauréat d’un concours publicitaire, se voit offrir comme récompense un séjour dans une station-relais de l’espace, à 800 kilomètres de la Terre. Il n’y restera pas, bien sûr, et d’autres aventures le mèneront plus haut, beaucoup plus haut. L’intérêt majeur de ce roman réside, à mon avis, dans son aspect documentaire. Ingénieur spécialisé dans l’étude de l’astronautique, Clarke, espèce d’Ananoff américain, est en effet l’auteur d’un remarquable ouvrage technique : « Exploration of space ». Et, dans « Îles de l’espace », il nous décrit la vie d’une station-relais, telle qu’elle le sera vraisemblablement une fois que l’homme aura réussi à créer ces « îles flottantes ». Il n’y a pas de fantaisie là-dedans, mais l’humour n’en est pas absent (exemples : l’expédition cinématographique ou la rencontre avec des Terro-Martiens). En outre, voilà un volume que feraient bien d’étudier tous ceux qui veulent écrire de l’A. S., voire ceux qui en écrivent déjà. Sa lecture leur permettra d’éviter bien des erreurs.

    « L’Invention de Morel », d’Adolfo Bioy Casares (Robert Laffont), se classe dans une catégorie à part. Ce n’est à proprement parler ni une œuvre de S.-F. ni un roman fantastique, et mériterait de porter en sous-titre le mot « cauchemar à quatre dimensions ». C’est l’histoire d’un condamné qui parvient à se réfugier dans une île déserte où l’on risque de contracter une espèce de peste. Seulement, déserte, l’est-elle vraiment cette île ? Il y trouve des gens, mais ceux-ci ne semblent ni le voir ni l’entendre. Peu à peu, il percera leur secret ; trop tard, hélas !… En réalité, le résumé succinct ci-dessus ne peut aucunement vous donner une idée même approximative de ce récit dû à un des plus grands auteurs argentins de notre génération, ami et collaborateur de Jorge Luis Borges, dont je vous ai souvent parlé ici même.

    L’action passe du réel à l’irréel avec une aisance qu’on pourrait presque qualifier d’inquiétante. On en vient à se demander si le héros du drame n’est pas fou. Il ne l’est pas, pourtant, puisqu’il raisonne, puisqu’il cherche aux phénomènes dont il est le témoin, et qu’il ne comprend pas, des explications logiques, tel un homme qui, se réveillant au milieu de la nuit, se demande s’il a rêvé ou non. C’est également un roman d’amour (mais d’Amour avec un grand A), dont l’objet, lui aussi, est tout à tour réel et irréel. Tout cela nous vaut une œuvre curieuse, pleine de symboles, pas toujours facile à lire, mais hautement intéressante, dans une très belle traduction d’Armand Pierhal.

Igor B. MASLOWSKI
Première parution : 1/5/1954
Fiction 6
Mise en ligne le : 27/2/2025

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Jacques Sadoul : Anthologie de la littérature de science-fiction (liste parue en 1981)
Jean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Fantastique (liste parue en 2002)
Francis Berthelot : Bibliothèque de l'Entre-Mondes (liste parue en 2005)

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
L'Année dernière à Marienbad , 1961, Alain Resnais (d'après le texte : L'Invention de Morel), (Téléfilm)
L'Invention de Morel , 1967, Claude-Jean Bonnardot (d'après le texte : L'Invention de Morel), (Téléfilm)
L'Invention de Morel , 1974, Emidio Greco (d'après le texte : L'Invention de Morel)
Invention of Dr. Morel (The) , 2000, David Lamelas (d'après le texte : L'Invention de Morel), (Court Métrage)
La invención de Morel , 2006, Andrés García Franco (d'après le texte : L'Invention de Morel), (Court Métrage)

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