Michael G. CONEY Titre original : The Celestial Steam Locomotive, 1983 Première parution : Houghton Mifflin, septembre 1983 Cycle : Le Chant de la Terre vol. 2
Voici une histoire située dans un futur si éloigné qu'elle en devient une légende. Cette légende sera contée dans une oeuvre épique immense : Le Chant de la Terre. Il faut plus d'un siècle pour le réciter et les héros les plus prestigieux de l'histoire humaine n'y ont droit qu'à un seul vers. En effet, ce chant englobe le passé, le présent et le futur de la Terre, mais aussi tous ses possibles.
On en a découvert le prologue dans La Grande course de chars à voiles. La Locomotive à vapeur céleste en constitue un nouveal extrait. Il relate un événement important survenu à la fin de l'époque pendant laquelle la plupart des humains se sont réfugiés sous les Dômes pour rêver sous la conduite de l'Arc-en-Ciel, un ordinateur. L'humanité est alors divisée en cinq espèces : Vrais Humains, Humains Sauvages, Néoténites, qui ressemblent à des bébés adultes, Spécialistes, dotés des gènes animaux et Vites.
Afin de libérer Starquin, un être vraiment cosmique, de son emprisonnement accidentel de Dix Mille Ans, la Triade, composée de trois humains d'espèces différentes, la Fille, Zozuba le Cuidador et Manuel l'Humain Sauvage, entreprend sa quête au Pays des Rêves Perdus.
Le Chant de la Terre se poursuivra dans Les Dieux du Grand-Loin. À mi-chemin de la science-fiction et de la fantasy, l'ensemble constitue un des cycles les plus impressionnants de toutes les littératures de l'imaginaire.
Michaël Coney est décidément un auteur surprenant, dont aucun livre ne ressemble au précédent. Son œuvre possède une richesse thématique plutôt rare chez les écrivains anglo-saxons de sa génération, qui ont souvent tendance à se cantonner dans un genre dont ils exploitent à fond les ficelles et possibilités en un appauvrissement progressif de leurs idées et de leurs images. (Il suffit de comparer les plus récents space opéras de G.R.R. Martin, par exemple, avec Armaggedon Rag pour réaliser à quel point l'approche d'un genre nouveau peut dynamiser un romancier dont l'œuvre sombrait dans la grisaille).
Coney a en effet touché à la plupart des sous-genres de la SF, du roman post-cataclysmique — Les enfants de l'hiver — à la fiction spéculative — Les crocs et les griffes — en passant par le space opéra « ethnologique » — Syzygie, L'image au miroir — et sans compter les livres inclassables car trop personnels — Demain la jungle et La locomotive à vapeur céleste.
Ce dernier roman repose sur une série de postulats si longue qu'il est difficile de les énumérer tous, mais le principal est l'idée des aléapistes, ou avenirs possibles, qui rejoint le principe aujourd'hui banal de l'arbre du temps. Mais réduire La locomotive à vapeur céleste à cette unique idée serait une trahison. Car il y a aussi cette humanité aux rameaux divergents, et la Terre du Rêve, et les Didons, qui gardent les Rochers, points de transfert essentiels au voyage dans le Grand-Loin... Et ce ne sont que des détails car, comme le dit Coney, cette histoire n'est qu'un infime fragment du Chant de la Terre, épopée vertigineuse qui couvre la totalité de l'espace, du temps et des aléapistes.
Un roman cosmique, donc, impressionnant de maîtrise, dans lequel Coney traite avec succès un thème d'une ambition démesurée sans pour autant oublier l'Homme qui, au fond, est chez lui le seul véritable thème, les autres ne constituant qu'un habillage — prestigieux, il est vrai. Avec ce livre-univers, premier d'une trilogie, il démontre qu'il est un grand de la SF et qu'il faudra compter avec lui dans les années à venir.