Les œuvres de Vonnegut, même si elles nous parviennent en ordre dispersé (
Mother night a été publié en volume en 1966), continuent de former un collier de perles rares, liées entre elles par des personnages, ici très secondaires, là de premier plan. Héros de
Nuit noire, Howard W. Campbell Jr. apparaissait, le temps d'un chapitre, dans
Abattoir 5 ; cette fois, il se raconte de la première à la dernière ligne du présent ouvrage : américain nazifié, propagandiste radiophonique effréné du 3
e Reich capturé longtemps après la guerre par les Israéliens et en attente d'être jugé, voilà qu'il se prétend agent secret infiltré, qui profitait de son usage de la radio nazie pour passer des messages codés à l'intention des alliés. Où est la vérité ? Qu'importe... répond Vonnegut : ce qui a été fait est fait, nous sommes tous manipulés, et aucun acte individuel ne peut rien changer au monde lorsque le monde est fou. Démythifiante, profondément amère, concrétisant la faillite des idéologies et l'absurdité du patriotisme, cette fiction politique opte délibérément pour la gravité, contre le sarcasme. Mais le talent est toujours là ; décidément, Vonnegut est un grand, bonhomme.