J'AI LU
(Paris, France), coll. Fantasy (2000 - 2007) n° 6707 Dépôt légal : février 2005, Achevé d'imprimer : 20 février 2005 Roman, 288 pages, catégorie / prix : J ISBN : 2-290-32531-7 Format : 11,0 x 18,0 cm✅ Genre : Fantasy
Au cœur de l'empire de Grif', dans l'ombre des cimes de la Chaîne d'Emeraude, se dresse la Tour Ecarlate, qui surplombe tel un phare rougeoyant le village de Sédénie. Ce mystérieux sanctuaire impénétrable abrite la puissante guilde des phéniciers, dont les adeptes ont choisi de consacrer leur existence aux légendaires créatures.
Januel, l'un de ses plus talentueux disciples, est chargé par ses maîtres d'œuvrer à la renaissance du Phénix de l'empereur, censée sceller l'alliance de l'empire avec les contrées avoisinantes. Mais c'est compter sans le pouvoir rampant et terrifiant de la Charogne, l'ennemi séculaire du m'Onde des Féals. La mort rôde, et l'honneur fait à Januel pourrait bien se transformer en cauchemar...
Mathieu Gabarit
Né en 1972,il s'est imposé immédiatement comme le chef de file incontesté de la fantasy de création française avec Les chroniques des Crépusculaires, puis Abyme, révélant un talent exceptionnel de bâtisseur d'univers merveilleux. Les chroniques des Féals est sa réinterprétation très personnelle des plus belles créatures mythologiques du bestiaire traditionnel de la fantasy.
Il n'aura pas fallu longtemps à Stéphane Marsan, un an environ, pour créer sa maison d'édition après son départ houleux des éditions Mnémos qu'il avait fondées et dirigées en association avec la boîte de jeux de rôles Multisim. Associé à Alain Névant, il lance Bragelonne avec trois titres sur octobre-novembre 2000 et annonce un roman d'Henri Loevenbruck et un autre de David Calvo (parus à l'heure où vous lisez ces lignes). Force est de constater que la maquette est particulièrement malheureuse, estampillée d'un logo Bragelonne apte à faire travailler les zygomatiques de n'importe quel acheteur de bouquins doté d'un minimum de matière grise. Les couvertures, à l'exception du Légende de David Gemmell, sont moches ou tristes. Pour ce qui est de la composition intérieure des livres, pas de quoi pavoiser : des titres courants trop hauts, un interlignage trop grand pour un corps de caractères trop petit sur le Colin et le Gemmell, de nombreuses fautes de typo, d'orthographe, de grammaire qui gênent la lecture (principalement sur le Gaborit) 1.
Mais passons aux textes...
Avec le quatrième de couverture de Cœur de Phénix, on apprend que « Mathieu Gaborit s'est imposé d'emblée comme le chef de file des écrivains de fantasy française avec le succès des Chroniques des crépusculaires ». Ce même quatrième de couverture oublie de préciser que l'œuvre la plus impressionnante de Gaborit reste son cycle Bohème (deux volumes chez Mnémos) qui avait manqué son public malgré une réception critique élogieuse. Quant aux fameuses Chroniques des crépusculaires, ampoulées et adolescentes en diable, elles n'ont guère d'intérêt ; à dire vrai, c'est même franchement mauvais. Ceci dit, il semble bien que l'auteur s'en soit finalement rendu compte puisqu'il nous livre ici son propre remake des Crépusculaires sous le titre Coeur de Phénix. Ce roman, qui débute un cycle que le style rend d'ores et déjà interminable, lance Januel, le phénicier (comprendre chevaucheur de Phénix et non phénicien avec une faute d'orthographe), sur la route de l'aventure. À 29 FF, en poche, on trouverait ce roman acceptable, pardonnant volontiers à son auteur les quelques scories, le manque de tension dramatique et une absence d'originalité troublante. Seulement, à 110 FF, le rapport qualité-prix est déplorable. Gaborit a déjà prouvé qu'il pouvait faire mieux. Il serait temps que ce jeune auteur talentueux se remette en question, qu'il apprenne à gérer les points de vue, à supprimer les scènes d'exposition trop longues, à maîtriser le dialogue actif et, surtout, à épurer son écriture. Car, chez Gaborit, tout passe par la surenchère, l'hyperbole romantique à deux balles, et ce au mépris de la logique la plus élémentaire — telles les épées d'onyx de Cœur de Phénix : des armes faites d'une pierre semi-précieuse fragile, voilà qui doit faire rigoler Gemmell... Mais, à dire vrai, ce que je reprocherai surtout à Gaborit, c'est de livrer une énième incarnation du « héros au mille visages » sans substance, inintéressante. Januel n'a pas la carrure d'un Hawkmoon, d'un Elric, du Simon de Tad Williams(L'Arcane des épées), pas même celle de Druss, le capitaine à la hache. La fantasy héroïque commence à avoir une véritable histoire et celle-ci ne peut que peser sur les auteurs. C'est dans l'originalité que Gaborit explosera (sur le plan littéraire) et certainement pas dans la répétition de schémas éculés, surtout ceux qu'il a déjà utilisés.
Reste que Bragelonne est une maison d'éditions toute jeune qui se lance dans de la traduction dès le départ, chose ardue s'il en est. Voilà, bien sûr, une entreprise à soutenir. En achetant par exemple le livre de Fabrice Colin qui, même s'il n'est pas exempt de défauts, reste le plus plaisant, le mieux écrit de cette première livraison de trois titres. La parution de Coeur de Phénix est aussi l'occasion de lire Bohème, beau diptyque passé inaperçu qui prouve que Mathieu Gaborit mérite le public qu'il a su gagner.
Notes :
1. La chronique portait sur les trois premiers romans publiés par les éditions Bragelonne : Légende de David Gemmell, Coeur de Phénix de Mathieu Gaborit et À vos souhaits de Fabrice Colin. La partie portant sur les deux autres livres n'est pas reprise ici. Se reporter aux pages traitant de ces ouvrages. (Note de nooSFere)