L'Ile n'a pas de nom, elle ne figure pas sur les cartes, elle n'émerge que rarement. ElIe est la dernière voie qui mène directement à Cthulhu ; toutes les autres sont gardées par les Profonds. Sans le récit de Johansen, miraculeusement découvert par Lovecraft, nous ignorerions jusqu'à son existence. Et maintenant, nous étions là et nous attendions. Au sommet de l'île se dressait le temple du rêve, avec sa porte en ruine ouvrant sur d'autres dimensions.
Le premier mouvement perceptible fut celui des tentacules, s'extrayant de l'ouverture en suintant, rampant sur les rochers avec un horrible bruit de vase et de succion. Puis il y eut une vague lueur verte, et brusquement apparut la chose, qui était bien plus qu'une masse protoplasmique. Mille tentacules de toutes tailles battaient l'air sans relâche ; l'énorme tête, grotesque et semi-humaine, changeait constamment de forme ; elle était surmontée d'un œil unique. C'était l'horreur du rêve. Telle quelle.
Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) est avec Edgar Poe le plus illustre auteur fantastique américain. August Derleth (1909-1971), son exécuteur testamentaire, a complété ses manuscrits inachevés et prolongé son œuvre avec un remarquable sens du style cabalistique du maître, de la topographie de la sinistre région d'Arkham et de l'inquiétante mythologie des Grands Anciens.
Le disciple de Lovecraft exploite les intuitions de son maître avec beauoup de persévérance et fort peu d'imagination. Il ne laisse dans l'ombre rien de ce qui aurait gagné à y rester, sur la lutte des Grands Anciens entre eux et contre les Premiers Dieux, sur le Necronomicon et son auteur, l'Arabe dément Abdul Al-Hazred. Ces cinq nouvelles, d'intrigues exactement semblables, et répétant les mêmes explications, étaient peut-être supportables dans Weird Tales, étalées de 1944 à 1952 ; elles ne le sont pas, réunies en volume sans aucune retouche. L'ennui distillé par le pisse — copie sans génie (ni même talent) n'est dissipé que par l'humour (involontaire) du traducteur qui, chaque fois qu'il trouve le mot « minion » »(suppôt), s'obstine à parler des « mignons de Cthulhu » !