Lorsque ce livre parut aux U.S.A. il y a quinze ans ce fut dans une collection pour adultes. L’édition française le situe à sa véritable place : dans la littérature pour adolescents. C’est de l’excellente science-fiction pour débutants. Ce n’est pas une critique, mais la simple constatation d’un fait, sans intention péjorative, car il est plus facile d’écrire un texte à portée philosophique ou sociologique qu’un récit tirant toute sa qualité de la maîtrise de la narration, et de la rigueur dans l’invention.
Toute la première partie est excellente et file le suspense avec maîtrise. Le professeur Costigan a inventé un appareil permettant de passer dans un autre univers. Mais le seuil de passage n’admet que la matière animée vivante. Ainsi un homme se retrouvera de l’autre côté nu, sans alliance, sans plombage ou sans verres de contact.
Après des essais préliminaires on passe à l’exécution d’un modèle devant permettre le transfert d’êtres humains. Mais le premier volontaire ne revient pas, pas plus que le second. Et le jour où une chaîne d’explorateurs, se tenant par la main, passe le porche, c’est pour se voir aspirée, entraînée tout entière.
L’explication qui nous sera fournie aura le double mérite de tout expliquer et d’être d’une élégante simplicité.
Arrive alors un illuminé qui hurle que ceci est un défi à l’Éternel, et qui, avec ses fidèles, massacre les circuits, provoquant le passage instantané de toute la population d’un bloc de Chicago.
La seconde partie reste intéressante, mais a perdu cet accent de réalisme quotidien, et de crédibilité. Nous voyons les naufragés jetés nus sur ce monde, recommencer L’île mystérieuse et rebâtir une société et une technique, avec l’usage de leurs seules mains et de leur cerveau. Que cela puisse passionner des jeunes je le crois, car l’ingéniosité des héros est sans limites. Mais qu’en dix ans, trois ou quatre cents personnes recréent une technique telle qu’il leur est possible de reconstruire la machine aux multiples circuits électroniques situe bien le côté naïf de cette robinsonnade.