Né en Angleterre en 1917, journaliste scientifique et auteur de nombreux romans de science-fiction — parmi lesquels les célèbres 2001 et 2010.
Lorsque Vannevar Morgan arrive à Taprobane un jour de l'an 2142, cet ingénieur de génie — à qui la Terre doit déjà le Pont qui unit l'Europe à l'Afrique — est tout entier tendu vers un nouveau projet. Il veut construire un immense Transporteur Spatial qui, grâce à un réseau de cristal de diamant, reliera la Terre à l'Espace, sera comme un escalier menant aux étoiles. Ce sera le début de la civilisation interplanétaire.
Un obstacle demeure. Il n'y a pour le Transporteur qu'un seul site d'implantation possible : le sommet de la Montagne Sacrée de Taprobane. Et là, dans un monastère, des moines prient depuis un temps immémorial...
L'ingénieur et le vénérable gardien du lieu s'affrontent. Le dynamisme de la science contre la foi inébranlable, la technologie conquérante contre la sagesse sans armes...
Après l'excellent Terre, planète impériale (qui avait ouvert la série grand format de Super + Fiction), on pouvait attendre avec une impatience certaine la traduction du nouveau roman de Clarke, d'autant plus que celui-ci avait laissé entendre que Les fontaines du paradis seraient une des pièces à conviction majeures lorsqu'on devrait juger son œuvre toute entière. Clarke a aussi dit que ce serait son dernier roman de SF, ce qui, je l'espère sincèrement, n'était qu'une boutade sans suite ! 1.
Car Les fontaines du paradis représentent un des efforts les plus achevés de Clarke qui a donné là un roman que l'on peut véritablement qualifier de magnifique. La première chose qui saute aux yeux est la démesure de l'histoire, une démesure technologique, entre autres, qui prend ses racines dans notre quotidien et qui en reçoit d'autant plus de force. Comme le signale Clarke lui-même, la plupart des idées de base de son roman ont en fait déjà été émises, certaines depuis des années. Mais elles attendaient le magicien capable d'en faire un futur possible de l'humanité cohérent, passionnant et fabuleux. C'est ce qu'a réussi Clarke, d'un coup de machine à écrire magique qui laissera des traces dans la SF. Chacune des pages des Fontaines du paradis est une mine d'idées sous-entendues, de possibilités à peine esquissées, mais qui réjouissent l'imagination du lecteur. On retrouve la même richesse que dans Terre, planète impériale, avec un récit plus dynamique, cependant. Et sur ce background foisonnant se profilent deux ombres : celle du « Transporteur Spatial » (qui n'est pas sans rappeler la Tour de Babel) et celle des mystérieux constructeurs du « Vagabond des Etoiles », cette sonde qui traverse le système solaire en quelques jours, avec des effets ruineux sur une des cibles favorites de Clarke, la religion. Là-dessus se greffe un épilogue remarquable par l'effet de choc qu'il provoque sur le lecteur et, surtout, par l'ampleur démesurée du tableau qu'il dévoile sur l'avenir de la race humaine.
La démesure est d'ailleurs la seule dimension qui convienne véritablement à Clarke. C'est un auteur qui a besoin de place (ce qui explique peut-être qu'il soit si mauvais en nouvelles) pour développer des histoires où le seul adversaire à la taille de l'homme reste Dieu, ou ce qui en tient lieu, ce qui pourrait expliquer le fait que les deux seules nouvelles vraiment bonnes de Clarke soient Les neuf milliards de noms de Dieu et L'étoile... D'où ces futurs résolument optimistes sur la destinée humaine, cette fabuleuse technologie omniprésente et triomphante, sans lesquels l'homme ne pourrait pas affronter son ultime adversaire. C'est donc une erreur de critiquer Clarke par le petit bout de la lorgnette étriquée du quotidien. Un auteur de sa trempe ne peut pas être apprécié du ras du sol, ce qui équivaudrait à parler d'une Rolls-Royce en ne considérant que ses pneus... Et puis, l'avenir qu'il nous promet en vaut bien d'autres, pour ne pas dire tous les autres ! Alors, que demander de plus ?
Notes :
1. A noter que, depuis sa parution en France, ce livre a obtenu aux U.S.A. le Nebula 1980 du meilleur roman.
Dans un univers très similaire à celui de Les Prairies bleues (gouvernement mondial unifié, montée des eaux et système solaire en cours de colonisation), Les Fontaines du paradis s’avère un pur roman d’ingénieur conjuguant à la fois la culture scientifique d’Arthur C. Clarke et son talent d’écrivain. Le début nous entraîne dans le lointain passé d’une île fictive proche du sous-continent indien et ressemblant fortement au Sri Lanka. Il raconte l’ascension puis la chute d’un roi qui bâtit un palais fabuleux au sommet d’une montagne juste en face d’une autre montagne abritant ses plus farouches ennemis : des moines bouddhistes l’accusant d’hérésie. Des millénaires plus tard, Vannevar Morgan va profiter de ses vacances pour visiter ce qu’il reste de ce palais. Architecte et ingénieur ayant réalisé un pont entre l’Europe et l’Afrique par-dessus le détroit de Gibraltar, il réfléchit à un nouvel ouvrage immense : un ascenseur vers l’espace. Le roman sera le récit de ce projet, des premiers rêves à la réalisation finale et ses conséquences des millénaires plus loin sur l’Humanité.
Pour autant, Arthur C. Clarke n’est ni le premier ni le dernier à avoir rêvé d’ascenseur spatial. L’idée originale nait en 1895 sous la plume du russe Constantin Tsiolkovski, qui posa les fondements scientifiques de l’astronautique. Tout au long du XXe siècle, comme le rappelle l’auteur en postface, l’idée va être reprise plusieurs fois. Avec l’apparition des nanofilaments, elle devient à nouveau d’actualité, tout du moins pour les scientifiques japonais. Les Fontaines du paradis est l’occasion pour l’écrivain d’expliquer à un public non scientifique comment pourrait se réaliser un tel projet, et quels seraient ses avantages et ses conséquences sur l’économie mondiale. Il ne cache rien des problèmes techniques, financiers et humains qui pourraient servir d’obstacles à un tel ouvrage, mais il en fait un récit épique et passionnant, que l’on soit féru ou non d’astronautique et de construction. Même le premier contact avec les extraterrestres tel que présenté dans le livre est presque réaliste, car il se fait par l’intermédiaire d’une sonde automatisée, sorte de Voyager plus perfectionnée, et entraîne des conséquences sur la façon dont l’Humanité envisage les religions et son avenir. Appartenant résolument à la tendance optimiste de lahard SF, qui se fait désormais plus rare, Les Fontaines du paradis est un petit bijou d’originalité, presque précurseur de ce qui deviendra plus tard le solarpunk.
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesAnnick Béguin : Les 100 principaux titres de la science-fiction (liste parue en 1981) Association Infini : Infini (1 - liste primaire) (liste parue en 1998)