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Les Contes du whisky

Jean RAY



MARABOUT - GÉRARD (Verviers, Belgique), coll. Bibliothèque Marabout - Géant précédent dans la collection n° G237 suivant dans la collection
Dépôt légal : 1965
Réédition
Recueil de nouvelles, 320 pages, catégorie / prix : 1
ISBN : néant
Format : 11,4 x 18,0 cm
Genre : Fantastique

La partie "La Croisière des ombres" ne contient que 3 des 7 nouvelles de l'ouvrage d'origine (Éditions de Belgique, 1932).


Quatrième de couverture
     « C'est une littérature brûlante comme le contenu des célèbres flacons écossais. Qu'il s'agisse de Gilchrist l'impie qu'une malédiction métamorphose en araignée, de Josuah Güllick l'usurier qui n'est plus maître de sa main droite... nous recevons toujours le choc d'un monde qui vogue dans un autre espace que le nôtre, qui compte son temps avec d'autres horloges, au coeur d'une durée indéterminée, dans l'heure »entre chien et loup« des Grandes Interrogations ! »
     Fernand Denis
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Irish whisky, pages 7 à 28, nouvelle
2 - À minuit, pages 29 à 32, nouvelle
3 - Le Nom du bateau, pages 33 à 38, nouvelle
4 - Un conte de fées à Whitechapel, pages 39 à 48, nouvelle
5 - La Fortune d'Herbert, pages 49 à 54, nouvelle
6 - Dans les marais du Fenn, pages 55 à 60, nouvelle
7 - La Nuit de Camberwell, pages 61 à 67, nouvelle
8 - Petite femme aimée au parfum de verveine, pages 69 à 75, nouvelle
9 - Le Saumon de Poppelreiter, pages 77 à 82, nouvelle
10 - Entre deux verres, pages 83 à 88, nouvelle
11 - Josuah Güllick, prêteur sur gages, pages 89 à 101, nouvelle
12 - La Vengeance, pages 103 à 108, nouvelle
13 - Mon ami le mort, pages 109 à 115, nouvelle
14 - Le Crocodile, pages 117 à 122, nouvelle
15 - Une main, pages 123 à 126, nouvelle
16 - La Dernière gorgée, pages 127 à 131, nouvelle
17 - Le Singe, pages 133 à 140, nouvelle
18 - La Fenêtre aux monstres, pages 141 à 145, nouvelle
19 - Minuit vingt, pages 147 à 153, nouvelle
20 - La Bête blanche, pages 155 à 165, nouvelle
21 - Le Gardien du cimetière, pages 167 à 183, nouvelle
22 - La Bonne action, pages 185 à 189, nouvelle
23 - Le Tableau, pages 191 à 197, nouvelle
24 - L'Observatoire abandonné, pages 199 à 206, nouvelle
25 - Les Étranges études du Dr Paukenschlager, pages 207 à 218, nouvelle
26 - La Dette de Gumpelmeyer, pages 219 à 229, nouvelle
27 - Herr Hubich dans la nuit, pages 231 à 241, nouvelle
28 - La Croisière des ombres, pages 243 à 309, recueil de nouvelles
29 - Le Bout de la rue, pages 245 à 265, nouvelle
30 - La Présence horrifiante, pages 267 à 279, nouvelle
31 - Mondschein-Dampfer, pages 281 à 309, nouvelle
Critiques

     Publiés en 1925, à la Renaissance du Livre, Les contes du whisky sont la première œuvre de Jean Ray dont il nous est possible de trouver trace. Ils furent conçus « lors des veillées à bord des caboteurs baltes, nés dans le vent et la saluredans la fumée des ports et des gaillards d'avant ».

     Dans aucune autre œuvre on ne respire, autant qu'ici, l'iode et le sel des lames. Car, quoiqu'en pensent, quoiqu'en veuillent insinuer d'aucuns que la légende gêne, qui désirent transformer Jean Ray en un individu falot, menteur, mythomane, trompant à longueur de journée ceux qui l'entouraient, Jean Ray fut bien l'homme de sa légende. Et les preuves ne manquent pas.

     Il y a ceux qui l'ont connu : Madame Daskalidès qui le rencontra à Athènes et à Stamboul vers 1920 ; Il y a cet étonnant personnage, rencontré dans la ville chinoise de Singapour par un de mes amis Robin Cotton. Officiellement domicilié à Suva, auteurs de biographies d'aventuriers et de pirates. Il vit à plus de quatre-vingts ans, à bord de son navire.

     Il entretint mon ami de sa jeunesse, de cette époque, d'avant 1914, où il naviguait dans les mers du Sud en compagnie de trois compagnons, devenus écrivains par la suite : l'Anglais De Vere Slackpoole, l'Égyptien Messalim HadJ. et un Flamand, un John Ray, devenu auteur de romans policiers, de romans fantastiques et d'ouvrages pour enfants. 

     Il y a aussi cette présentation dans le numéro du 15 juillet 1925 de la Revue Belge, parlant de sa fréquentation de la Rum-Row, et celle du 1er avril de la même année, annonçant son départ à bord d'un morutier partant pour l'Islande. Voilà qui cadre mal avec l'image qu'on veut donner du sédentaire n'ayant jamais quitté Gand. 

     Puis il y a ces preuves indirectes, tirées de l'œuvre : le seul nom d'écrivain paraissant dans Harry Dickson est De Vere Stackpoole : la seule fois qu'un lion de cirque apparaît, il se nomme Champion, nom que Jean Ray revendiquait pour son lion. On a voulu que, là également, il ait inventé, mais ceux qui, en septembre 1965, virent le film consacré par la Télévision Belge à Jean Ray purent le voir, à 76 ans, dans la cage aux lions, et, de l'avis du dompteur, Jean Ray avait manifestement l'habitude des fauves. 

     Ses premiers textes en néerlandais portent trace de nombreux germanismes, germanismes du langage usuel, comme il peut résulter d'une longue fréquentation. Or, Jean Ray affirme avoir navigué à bord de navires allemands et avoir recruté pour ses navires contrebandiers d'anciens sous-mariniers de la guerre de 1914. 

     Enfin, il y a ce fait qui m'est arrivé, j'ai écrit, en compagnie d'un ami, un roman maritime, dont le navire était un brick, puis, avant de recopier le manuscrit, nous avons transformé le navire en un schooner, jugé plus « commercial ». Je porte le texte à Jean Ray. Il le lit et soudain me harponne : « Mais qu'est-ce qui t'a pris ? Ça, un schooner ! Mais c'est la manœuvre du brick ! Jamais un schooner n'a eu pareille voilure !…» 

     Maintenant, que Jean Ray ait souvent menti, je n'en doute pas, et je suis bien certain qu'il a aimé se moquer de ses concitoyens il a raconté bien des histoires de brigands, effroyables, énormes, destinées à faire sursauter les bourgeois bien-pensants. Il suffit de reprendre le numéro 124 de Fiction où van Hageland rapporte comment Jean Ray déclarait avoir voulu prendre la place du bourreau de Canton. Cela, il le racontait à un dîner dans l'abbaye d'Averbode, et je vois d'ici se plisser de malice son œil oblique devant les têtes suffoquées ou semi incrédules de ses compagnons de table. 

     On comprend que certains, qu'il se plaisait à choquer, tentent de te ramener à de plus modestes proportions.

     Que dire maintenant des contes ? Que Jean Ray s'y révèle déjà avec tout son talent descriptif. Dans chacun se retrouvent l'odeur du brouillard, des chambres moisies, les reflets luisants de l'eau du canal, des darses désertes battues par le vent, le claquement des pas dans les ruelles pluvieuses des jours de dèche, les sirènes hurlant dans la brume lointaine, le halo d'or des réverbères, les tavernes capitonnées de chaleur tiède.

     Dans ce décor de vieux ports hanséatiques, dans l'ombre étroite des rues à pignons, passent des matelots ivres, des prostituées, d'étranges orientaux aux étranges pouvoirs, des vieillards rapaces et des usuriers.

     Les portes des bouges, soudain ouvertes, laissent fuir dans la nuit ceux qui partent avec des regards hallucinés, car dans cet univers la peur et l'intuition sont les seuls guides, la raison n'est qu'un débile instrument, plus propre à perdre qu'à sauver. C'est l'univers des choses qui tirent vengeance et s'animent dans la nuit : une horloge, un tableau, une statuette, une bague, une main coupée.

     Seulement, Jean Ray débutant a reculé devant l'évocation entière et sans subterfuge de son univers. Irish whisky est une réussite parfaite ; les autres ne sont le plus souvent que des esquisses, des brouillons annonçant les œuvres de la maturité. (Étant entendu que de tels brouillons feraient la fortune de bien des auteurs.) Jean Ray traite même, et pour la seule et unique fois, le thème du vampire avec Le gardien du cimetière. 

     On sent trop que l'auteur se méfie, qu'il n'ose pas livrer crûment le fantastique à son public, qu'il recherche le biais de l'hallucination et de la folie. Et de fait, sur vingt-sept contes, onze seulement sont fantastiques, et les trois-quarts s'emplissent d'une poésie des bas-fonds et des bouges.

     Jean Ray semble hésiter sur la vole à choisir : sera-t-il auteur fantastique ou réaliste ? Pour l'instant, il semble opter pour la voie réaliste et commence les premiers Contes de la Rum-Row qui paraissent en 1925 dans la Revue Belge. Mais, la même année, il part pour cette croisière vers l'Islande, et en revient avec Le Psautier de Mayence qui paraîtra dans la même revue sous la signature de John Flanders. Et ce sera la croisière des ombres, dont les trois récits, manquant jusqu'à présent, ont été joints à ce volume des Contes du whisky : Le bout de la rueLa présence horrifiante et Mondschein-Dampler. Si La présence est un Jean Ray assez ordinaire, les deux autres récits sont parmi ses meilleurs, et tous deux exploitent le même thème, qui plus jamais ne sera repris : celui du pacte avec le démon. 

     Dans Mondschein, au cours d'une orgie sur la Mügelsee, le narrateur perd sa maîtresse. Un Méphisto d'opérette sorti du groupe des masques offre de la lui ramener pour jamais. Dans le tumulte, l'orgie et l'ivresse, le héros signe, par lassitude. La femme lui revient, il la perd une seconde fois, elle s'est noyée, son corps doit être perdu sous les algues du lac. Mais il la retrouve, vivante, attentive ; seulement elle a le regard de l'Autre. 

     Convaincu de la réalité du pacte, le narrateur conserve cependant l'espoir. Einstein vient de briser un savoir riche de trente siècles d'empirisme, alors si ce qui semblait inébranlable comme les vérités d'Euclide a été jeté bas, pourquoi s'abandonnerait-il à l'abîme ? Attitude très caractéristique des héros de Joan Ray, pour qui l'au-delà, le surnaturel, sont des périls fort grands sans doute, mais que l'on affronte, et dont parfois l'on triomphe.

     Le thème ici apparaît à visage ouvert. Il n'en va pas de même avec Le bout de la rue, que je tiens pour un des meilleurs récits de Jean Ray, d'une construction si savante qu'elle paraît décousue. Tout y est allusif ; au lecteur de faire les recoupements, de déchiffrer le sens de ces indications jetées au hasard.

     D'abord une conversation entre deux miséreux : « Il me restera Jarvis et l'autre bout de la rue… ». Puis l'histoire de l'Endymion, ce cargo insolite, mi-voilier, mi-vapeur, qui, sur la côte de Guyane, chargea cette étrange chose qui tord la tête de ses victimes… Ensuite la découverte, dans une darse perdue de Hollande, de la taverne de Jarvis, où l'on boit gratis, sans jamais être ivre : « L'ivresse reste à la porte, sur le trottoir, comme une malheureuse femme qui attend le père de ses enfants, et elle pleure sur nous. » (…) « Chacun pense à l'énorme désespérance qui pousse le voisin, car chacun a suivi, sous la pluie, cette forme fantômale, courbée et lasse qu'était sa destinée. » Ceux-là un jour s'embarquent sur l'Endymion. Et plus tard, bien plus tard, on les retrouve, la peur vit dans leurs yeux, la peur des jours qui passent, de tout ce qui les faisait jadis superbement rire : « Parce que cela c'est la mort. Pour vous une route s'allonge derrière la voile. Vous êtes allés à l'autre bout de la rue. » 

Jacques VAN HERP
Première parution : 1/5/1966 dans Fiction 150
Mise en ligne le : 22/3/2023

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Patrick Marcel : Atlas des brumes et des ombres (liste parue en 2002)

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