L'odeur de l'automne, Célia, La chambre aux volets clos, L'autre messe, Une rose pour Emily, L'homme qui aimait Dickens, le conteur de fables, L'oeil et le doigt, Illustré sur tranche...
Ces titres de quelques-unes des histoires insolites que contient ce volume invitent au rêve, à l'évasion, à participer à la vie pleine de mystères d'un monde lointain et pourtant proche que nous côtoyons peut-être sans le savoir, que nous aimons parfois imaginer, réinventer au gré de la fantaisie de nos insomnies.
Fantômes, vampires, sorcelleries, êtres bizarres, phénomènes étranges qui hantent les domaines du subconscient, du merveilleux, de l'humour noir, croisent à tous les carrefours nocturnes de ces textes composés, pour notre dépaysement et notre divertissement par les plus grands maîtres de la littérature fantastique :
[texte du rabat de quatrième de couverture]
R. Bradbury, H. Calisher, M. E. Counselman, A. Derleth, W. Faulkner, M. Irwin, D. H. Keller, K. Kusenberg, H. P. Lovecraft, Saki, A. Wilson, E. Waugh, d'autres encore... et choisis tant pour leur qualité littéraire que pour leur puissance évocatrice de peur et de magie.
Un livre de tous les temps, de tous les âges, aux dimensions de la planète et de l'univers cosmique. Des Histoires insolites, pas si insolites que cela à une époque qui réinvente le miracle.
1 - Donald WANDREI, L'Œil et le doigt (The Eye and the Finger, 1936), pages 9 à 19, nouvelle, trad. Max ROTH 2 - Angus WILSON, Célia (Mummy to the Rescue), pages 21 à 30, nouvelle, trad. Max ROTH 3 - Herbert Russell WAKEFIELD, La Mort l'emporte (The Triumph of Death), pages 31 à 53, nouvelle, trad. Max ROTH 4 - Dennis WHEATLEY, La Canne (The Snake), pages 55 à 75, nouvelle, trad. Max ROTH 5 - SAKI, Le Conteur de fables (The Storyteller), pages 77 à 85, nouvelle, trad. Max ROTH 6 - Simon WEST, L'Homme ganté (A Thin Gentleman with Gloves, 1943), pages 87 à 100, nouvelle, trad. Max ROTH 7 - Manuel VAN LOGGEM, Une vie de chien (Ein Hundeleben), pages 101 à 108, nouvelle, trad. René WINTZEN 8 - Hortense CALISHER, Le Parasite (Hearthburn, 1963), pages 109 à 125, nouvelle, trad. Max ROTH 9 - Leslie Poles HARTLEY, Pique-nique à Podolo (Podolo, 1948), pages 127 à 141, nouvelle, trad. Alyette GUILLOT-COLI 10 - Manuel VAN LOGGEM, La Consultation (Die Urzeit vor dem Fenster), pages 143 à 148, nouvelle, trad. René WINTZEN 11 - August DERLETH & Howard Phillips LOVECRAFT, La Chambre aux volets clos (The Shuttered Room, 1959), pages 149 à 187, nouvelle, trad. Max ROTH 12 - David H. KELLER, Un heureux mari (A Piece of Linoleum, 1933), pages 189 à 194, nouvelle, trad. Max ROTH 13 - Carl JACOBI, Le Cerf-volant (The Kite, 1937), pages 195 à 209, nouvelle, trad. Max ROTH 14 - Kurt KUSENBERG, La Balle ensorcelée (Die rubelose Kugel), pages 211 à 216, nouvelle, trad. René WINTZEN 15 - Margaret IRWIN, L'Autre messe (The Earlier Service, 1935), pages 217 à 238, nouvelle, trad. Max ROTH 16 - Mary Elizabeth COUNSELMAN, Illustré sur tranche (Hargrave's Fore-Edge Book), pages 239 à 261, nouvelle, trad. Max ROTH 17 - Ray BRADBURY, L'Odeur de l'automne (The Emissary, 1947), pages 263 à 275, nouvelle, trad. Max ROTH 18 - William FAULKNER, Une rose pour Emily, pages 277 à 290, nouvelle, trad. Maurice-Edgar COINDREAU 19 - Jack FINNEY, La Boîte à mots du cousin Len (Cousin Len's Wonderful Adjective Cellar, 1948), pages 291 à 296, nouvelle, trad. Max ROTH 20 - Kurt KUSENBERG, Le Dernier coup de pinceau (Der letzte Pinselstrich), pages 297 à 307, nouvelle, trad. René WINTZEN 21 - Leslie Poles HARTLEY, Trois ou quatre à dîner (Three, or Four, For Dinner, 1932), pages 309 à 331, nouvelle, trad. Alyette GUILLOT-COLI 22 - John COLLIER, Les Merveilles de la nature (Incident on a Lake, 1941), pages 333 à 341, nouvelle, trad. Max ROTH 23 - Evelyn WAUGH, L'Homme qui aimait Dickens (The Man Who Liked Dickens, 1933), pages 343 à 365, nouvelle, trad. Max ROTH
Critiques
Ces Histoires Insolites paraissent exactement un an après les Histoires étranges réunies par Jean Palou chez le même éditeur. Elles ont sur ce précédent recueil, d'ailleurs fort estimable, l'avantage de l'originalité. Elles sont, en effet, à peu près toutes inédites en français, à l'exception notable de la nouvelle de William Faulkner Une rose pour Emily. Elles ne sont pas, d'autre part, toutes placées sous le signe du fantastique, mais bien plutôt de la surprise. Alors même qu'elles partent des thèmes les plus classiques, comme celui du revenant, elles étonnent par le traitement particulier qui en est donné. Le surnaturel n'y est abordé, la plupart du temps, qu'au second degré : à l'inquiétude qu'il suscite vient s'ajouter celle de l'insolite.
Plusieurs de ces nouvelles, en effet, relèvent plutôt du bizarre ou de l'étrange que du fantastique. Celles-là ne présentent pour le matérialiste le plus endurci aucune invraisemblance autre que statistique. Elles sont seulement, humainement ou physiquement, improbables. Ainsi Une rose pour Emily de William Faulkner, qui conte une atroce histoire d'amour, ou L'homme qui aimait Dickens d'Evelyn Waugh, qui montre jusqu'à quelles extrémités peut pousser le goût de la littérature. Fantastiques ou non, ces histoires ont en commun de se situer à la frontière du crédible, du quotidien et de l'insupportable. Presque toutes, elles font de la cruauté le moyen du dépaysement.
Aucune d'elles ne relève de la science-fiction. On en saisit aisément la raison. La distance est trop grande entre un monde anticipé et l'univers du lecteur. Ici, le plus souvent la distance entre le lecteur et le héros est nulle ou négligeable, au moins au départ. Une bonne partie de l'efficacité de ces histoires, mis à part le talent de leurs auteurs, tient à la banalité des situations Initiales et des personnages.
Il s'agit là, semble-t-il, du moins d'après les anthologistes, d'une manière où les Français ont peu excellé car ils n'en ont retenu aucun. Sur les vingt et un écrivains publiés dans cette anthologie, huit sont américains, onze anglais et deux allemands. Les deux écrivains allemands. Manuel Van Loggem et Kurt Kusenberg ont vu chacun deux de leurs histoires retenues, sans que leur talent, qui est d'ailleurs honorable, justifie tout à fait cette faveur. Était-il impossible de trouver quelques nouvelles de langue française ou italienne qui puissent entrer dans ce concert ? On peut en douter. Mais la tâche des anthologistes en eût été compliquée, car il n'existe pour ainsi dire pas, en France, de recueil de nouvelles ou de revues, à l'exception de Fiction, où ils eussent pu puiser. Il est assez remarquable que les éditeurs français, traditionnellement réticents à l'idée de publier des nouvelles françaises, ne s'avisent le plus souvent du goût du public pour le conte qu'à propos d'écrivains étrangers. Et les critiques de se lamenter à l'occasion – comme je le fais ici – sur le triste sort de la nouvelle française depuis Mérimée, Nodier, Maupassant, etc., et sur l'espèce d'incapacité où semblent se trouver les écrivains de notre pays à ramasser leur pensée en quelques pages. On peut estimer sans grand risque d'erreur que la moitié des romans étirés qui s'étalent dans les vitrines de nos libraires eussent fait de bonnes nouvelles, et que cette forme eût épargné bien des veilles studieuses à leurs auteurs, bien des grimaces à leurs lecteurs, et n'aurait desservi que les fabricants de papier. Mais la nouvelle est une technique difficile, qui ne se maîtrise bien qu'à l'expérience et qui repose en général sur une tradition. Il y aura de bonnes, d'excellentes nouvelles de ce côté-ci de l'Atlantique et de la Manche, le jour où il existera pour elles un marché, des revues et une certaine émulation des auteurs.
Peut-être est-ce précisément l'existence, dans le monde anglo-saxon, d'un marché institutionnalisé, aux besoins bien connus, qui donne à toutes ces Histoires Insolites un brillant industriel leur conférant dans le bizarre un air d'uniformité dont émergent sans peine Faulkner, John Collier et Saki. C'est que la plupart de ces écrivains sont de vieux routiers de l'épouvante, suprêmement habiles et sachant comme des lutteurs expérimentés porter le coup inattendu au point sensible, sans oublier de crier au bon moment. C'est cette technique que Derleth apporte à Lovecraft, lorsqu'il achève La chambre aux volets clos. On sait que Derleth, éditeur et anthologiste, hérita des papiers d'H.P. Lovecraft et entreprit de terminer certaines histoires ébauchées par le maître. Le travail est d'un soin minutieux et les proportions sont respectées mais plus rien ne demeure ici des accents terrifiés du Cauchemar d'Innsmouth, quoique le récit appartienne au même cycle.
L'odeur de l'automne de Ray Bradbury est caractéristique de l'écriture sensible de l'auteur, il y a vingt ans, alors qu'il s'essayait volontiers dans l'atroce et publiait dans Weird Tales. C'est une nouvelle réussie qui nous fait regretter davantage la mort précoce de cet écrivain, étouffé sous les pages glacées des magazines, étranglé par les boas de celluloïd du cinéma, et que l'on promène encore, empaillé ou zombie, de livre en livre. La boîte à mots du cousin Len de Jack Finney est la plus courte et peut-être aussi la plus astucieuse nouvelle de ce recueil. Elle réunira, pour des raisons que je vous laisse le soin de découvrir, les suffrages des écrivains et de leur public.
Sur ces vingt-trois nouvelles, huit relèvent de l'histoire de fantômes, quatre de la magie, neuf sont insolites et deux criminelles. Certaines d'entre elles appartiennent évidemment à plusieurs genres et ont été classées dans l'une ou l'autre catégorie un peu arbitrairement. Au total, la formule du cocktail est heureuse. Il reste à espérer qu'il soit goûté du public.