Martin prit Bobby dans ses bras et se blottit dans sa gorge tiède, aspirant les effluves douceâtres et entêtants du gardénia. Elle ouvrit la porte. Il la suivit dans le couloir. « Oh, mon amour, dépêche-toi », cria-t-elle. Il fut arrêté par la puanteur. Un condensé de tout ce qu'il peut y avoir de décomposé dans le gardénia, poussé à un point de putrescence intolérable.
« Qu'est-ce qu'il y a ?
— C'est cette odeur, fit-il avec une grimace. Il doit traîner une charogne par ici« .
Il vit la haine se peindre sur le joli visage.
« Bobby, ne te fâche pas. Ce n'est pas ta faute... Mon amour, es-tu malade ? Tu deviens toute verte »...
Bobby, qu'est-ce qui se passe avec ta figure ? Qu'est-ce qui t'arrive ? Bobby ! BOBBY !
Fritz Leiber doit l'essentiel de sa gloire au Cycle des épées, mais il a beaucoup fait pour créer l'horreur moderne avec ses fantômes qu'on rencontre dans les bars des grandes villes. Son romantisme et son humour baroque forment un cocktail inimitable. C'est l'un des plus grands écrivains révélé par la S.F.
1 - Alain DORÉMIEUX, Préface en forme de lettre ouverte, pages 9 à 18, préface 2 - Le Pistolet automatique (The Automatic Pistol, 1940), pages 19 à 39, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 3 - Fantôme de fumée (Smoke Ghost, 1941), pages 41 à 61, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 4 - La Fille aux yeux avides (The Girl with the Hungry Eyes, 1949), pages 63 à 83, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 5 - Je cherche Jeff (I'm Looking for "Jeff", 1952), pages 85 à 101, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 6 - L'Homme qui ne rajeunissait jamais (The Man Who Never Grew Young, 1947), pages 103 à 112, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 7 - La Grande caravane (The Big Trek, 1957), pages 113 à 118, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 8 - Mariana (Mariana, 1960), pages 119 à 125, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 9 - La Prison de cristal (The Crystal Prison, 1966), pages 127 à 135, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 10 - Le Porteur de folie (Schizo Jimmie / The Warlock, 1960), pages 137 à 150, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 11 - La Treizième marche (The Thirteenth Step, 1962), pages 151 à 158, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 12 - L'Homme qui aimait l'électricité (The Man Who Made Friends with Electricity, 1962), pages 159 à 170, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 13 - Les Mouches de l'hiver (The Inner Circles / The Winter Flies, 1967), pages 171 à 187, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 14 - La Dernière lettre (The Last Letter, 1958), pages 189 à 203, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 15 - Rêves en tube (Pipe Dream, 1959), pages 205 à 223, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 16 - L'Incubation fabuleuse (Hatchery of Dreams, 1961), pages 225 à 243, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 17 - Or, noir et argent (Gold, Black and Silver, 1971), pages 245 à 255, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX 18 - Une enfant perdue (Waif, 1974), pages 257 à 285, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX
J'ai un certain nombre de passions communes avec Alain Dorémieux. Le fantastique, par exemple, et quelques auteurs comme Richard Matheson, Théodore Sturgeon, Fritz Leiber... Aussi serais-je presque tenté de commencer cette note critique par les premiers mots de sa lettre-introduction à ces Lubies lunatiques de Fritz Leiber qui viennent fort à propos mettre les points sur un certain nombre de « i » :
Oui, cher Fritz Leiber, il y a longtemps que je t'admire.
Car le cher Fritz est parfaitement admirable, et les dix-sept nouvelles réunies par Alain Dorémieux dans cette étincelante anthologie sont une déclaration d'amitié à un des seuls véritables écrivains de la science-fiction et du fantastique américains contemporains. Admirable et toujours jeune, toujours vaillant, toujours fringant. Avec cette touche qui n'appartient qu'à lui. Cent fois on l'a dit fini, fichu, bouffé, brûlé par l'alcool et les déceptions, et cent fois il est revenu saluer, après avoir rempli son contrat. Et récemment encore, avec la publication de son roman Notre-Dame des Ténèbres (dans la même collection de Dorémieux chez Casterman), il en a fichu plein la vue aux jeunes loups aux dents limées en pointe ! Car Fritz est un vieux renard, qui ne se contente pas d'un vague savoir-faire et de quelques fantasmes de bonne compagnie, Fritz est un formidable brasseur d'idées originales, d'inspirations fulgurantes, de chutes vertigineuses, et un créateur d'atmosphère comme l'on n'en fait plus qu'à l'occasion.
Parmi les récits qui composent cette anthologie, mes préférences vont indéniablement à ceux qui assortissent au fantastique et à l'insolite moderne. Et c'est avec tendresse et avec toujours la même excitation que j'ai retrouvé des textes déjà anciens tels que Je cherche Jeff, La Fille aux yeux avides et surtout Fantôme de fumée. Ce dernier récit m'a fait, chaque fois que je l'ai lu, un effet extraordinaire. Pour la bonne raison que dans une ville hivernale, il y a longtemps déjà, j'ai vécu une expérience hallucinatoire qui rappelle le climat d'horreur citadine de cette nouvelle.
Car le cher Fritz, bien avant tant d'autres, avait voulu concrétiser, dans une série de récits plus tard réunis sous le titre Nights black agents, les angoisses d'encre et de suie exsudées par les villes-octopus.
Est-ce à dire que ses nouvelles de science-fiction sont moins intéressantes ? Certainement pas... Il suffit de lire dans ce volume Mariana ou La prison de cristal pour s'en convaincre.
Juste un mot encore pour la petite histoire : j'avais eu l'intention de publier au CLA un volume intitulé Le Grand Livre de Fritz Leiber, avec uniquement des nouvelles fantastiques de l'auteur. Alain Dorémieux m'a précédé, et comme nos goûts sont très voisins, les doublons auraient été trop nombreux. Mais, comme dit la chanson : je ne regrette rien. Bien au contraire, c'est en toute sérénité que je vous dis : avec ce bouquin-là, pas de problèmes, vous en aurez pour votre argent !