ALBIN MICHEL
(Paris, France), coll. Super + fiction n° 19 Dépôt légal : mars 1983 Première édition Roman, 228 pages ISBN : 2-226-01467-5 Format : 13,5 x 21,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
En 1948, Marion Zimmer Bradley, alors simple fan, gagnait un concours d'Amazing Stories couronnant la meilleure nouvelle « non professionnelle » de l'année. Sept ans plus tard, dans le prestigieux Magazine of Fantasy and Science-Fiction, elle prenait définitivement sa place parmi les grands auteurs de science-fiction, avec une longue nouvelle qui fut publiée en France dans Fiction, sous le titre : « Marée montante ». Marion Zimmer Bradley y préconisait — déjà — un retour à la nature et à la sagesse, qu'elle n'a cessé de défendre, depuis, dans de nombreux romans.
Sa série de romans sur la planète Tenebrosa est considérée comme son œuvre majeure. Elle constitue une véritable saga, une réussite exceptionnelle dans la « science-fantasy », dont le succès aux États-Unis ne s'est pas démenti depuis plus de quinze ans.
Après La Planète au vent de folie, La Chaîne brisée et Reine des orages, voici L'Épée enchantée, quatrième volume de la Saga de Tenebrosa. Nombreux sont les lecteurs de ce cycle palpitant à demander à son auteur où et quand se place un ouvrage ou un autre dans l'enchaînement chronologique de la série.
« Le plus souvent, répond Marion Zimmer Bradley, ces questions soulèvent de ma part un geste d'impuissance. J'ai toujours essayé d'écrire les romans de Tenebrosa de telle manière que tous soient par eux-mêmes complets, même si le lecteur n'a jamais lu les autres auparavant. Là où la cohérence absolue pourrait nuire à l'intérêt de l'histoire, j'ai franchement sacrifié la cohérence. Je ne fais pas d'excuses à ce sujet. » Et l'auteur a raison sur toute la ligne, puisque la Saga de Tenebrosa (l'aventure d'Andrew Carr) compte parmi les plus populaires outre-Atlantique...
Critiques
Quatrième volume paru en France de la saga de la planète Darkover (après La chaîne brisée, La planète aux vents de folie et Reine des orages), cet opus se situe dans le même créneau que le précédent roman, dont il constitue une variation en mineur : tout est centré sur le pouvoir des possesseurs du laran, ce don génétique de télépathie cultivé dans les Tours, et qui se perd au fil des générations. Mais, au contraire de la grandeur shakespearienne de Reine des orages, L'épée enchantée, beaucoup plus ramassé dans le temps, dans l'espace, et dans le nombre de personnages, beaucoup plus court aussi, est recentré sur la communication, l'empathie, la solidarité. C'est grâce à un Terrien perdu, mais possédant le laran « à l'état brut », si l'on peut dire, qu'une princesse destinée à être gardienne et enlevée par les hommes-chats, peut être localisée, retrouvée, sauvée. Et c'est grâce à la science des armes d'un redoutable bretteur cloué sur son lit par la paralysie, qu'un jeune homme inexpérimenté peut vaincre au combat les hommes-chats, son bras étant guidé mentalement par l'esprit du guerrier. Et la gardienne épousera le Terrien. Un conte de fée ? Oui, mais charnellement ancré dans ce néo-Moyen Age farouche et glacial que sait si bien décrire l'auteur. Un roman didactique sur l'apprentissage de la compréhension et du respect mutuels entre les races grâce au contact des esprits ? Sans doute, mais le talent de Zimmer Bradley est de nous faire accepter ses bons sentiments grâce à son sens de l'atmosphère, à la poésie simple et lyrique qui est la substance même de ses romans. La série des Darkover reste une saga pleine d'humanité avant d'être de la simple sword and sorcery, et c'est ce qui fait son charme et sa valeur.
Ce roman appartient au cycle intitulé La Romance de Ténébreuse dont l'action se situe sur la planète Ténébreuse, un monde original et baroque. Aux Etats-Unis, les critiques n'ont pas hésité à comparer cette œuvre à celles d'Herbert et de Tolkien. Ont-ils eu raison ? Sans doute si l'on se réfère à la force du cycle, mais Bradley a quelque chose que n'ont ni Herbert ni Tolkien, c'est la féminité. Elle se traduit par des nuances, par une douceur qui parent Ténébreuse la cruelle d'une atmosphère étrange, pas pittoresque mais différente. Il est difficile d'expliquer ce que la lecture suggère, d'autant plus que ce roman n'est que le second publié par les Presses Pocket, alors que le cycle en comporte une douzaine.
Les hommes-chats que l'on croyait inoffensifs et primitifs enlèvent la belle Callista, la Gardienne. Celle-ci, malgré ses efforts et ses dons télépathiques, ne peut joindre les membres de sa famille. Elle est dans le noir, prisonnière, comme enfermée dans une bulle où ne règnent que le silence et la solitude. Puis elle parvient à joindre un terrien qui, subjugué par cette apparition auquel il ne croit qu'à moitié, décide de se porter à son secours. Echappant grâce à elle à un accident d'avion et au blizzard mortel de Ténébreuse, il trouvera sa famille et se liera à elle pour sauver Callista du sombre pouvoir des hommes-chats.
Un beau roman, passionnant du début à la fin, qui fait la part belle aux dialogues actifs, plaçant l'action pure au second rang sans que cela soit gênant. Comme dans L'étoile du danger, un terrien s'introduit dans la société fermée des Ténébrans, s'y adapte et s'y fait adopter alors que tout jouait en sa défaveur, les préjugés des deux camps, leur méconnaissance mutuelle, leurs différences en dépit d'une souche probablement commune, leur orgueil. Tous ces obstacles une fois abolis deviennent positifs et scellent l'amitié entre le terrien et les Ténébrans. Mais le rapprochement se fait petit à petit, au compte-gouttes, et il faudra bien d'autres romans avant de voir les terriens pactiser avec Ténébreuse...
Andrew Carr est un officier de la confédération affecté sur Cottman IV (le nom terrien de Ténébreuse). Quand son avion de cartographie s'écrase dans les monts Kilghards, au milieu d'une tempête de neige, il est sauvé par l'apparition de la mystérieuse Callista. Commence alors pour Andrew Carr une plongée dans les profondeurs mystérieuses de Ténébreuse.
L'épée enchantée est le premier tome du cycle de Damon Ridenow, qui comprend quatre volumes. Bien que pouvant se lire indépendamment des trois autres, ce volume est surtout une mise en place de l'intrigue et des personnages. Le cycle s'organise autour d'un quatuor formé de deux couples : Andrew le terrien et Callista la gardienne, d'une part, et de l'autre Damon et Ellemir, la sœur jumelle de Callista. Dans ce premier volume, les personnages masculins, en particulier celui de Damon Ridenow, sont mis en avant dans toute leur complexité. Les familiers de Ténébreuse peuvent toutefois déplorer les agaçantes redites sur le fonctionnement des pouvoirs psy ou celui de la haute société ténebrane, qui ralentissent le rythme du récit.
Ce tome ne présente en lui-même qu'un intérêt moyen. Des pistes sont esquissées, mais elles ne seront explorées que dans les volumes suivants. L'action occupe beaucoup de place, la seconde partie se résumant largement à une course-poursuite des héros pour délivrer la gardienne, prisonnière de mystérieux hommes-chats dotés de superpouvoirs. Le rythme s'accélère à la fin, au point qu'on a l'impression de se retrouver dans un film de série B, où des superhéros parviennent à vaincre en moins de dix pages un « méchant » qui jusque-là les a tenus en échec.
Ces quelques faiblesses ne doivent pourtant pas décourager le lecteur, car heureusement la suite du cycle de Damon Ridenow est d'un meilleur niveau.