Le troisième tome de la Saga Traquemort poursuit avec brio les aventures du jeune aristocrate Owen Traquemort et de ses compagnons, lancés quelque peu par hasard, du moins semblait-il jusqu'alors, dans une lutte sans merci contre l'Empire décadent de la Garce de Fer. Non content d'approfondir considérablement la psychologie de ses personnages et de révéler le pourquoi d'un grand nombre d'événements restés jusqu'alors secondaires dans l'intrigue, ou trop peu expliqués, Simon R. Green parvient à corriger les faiblesses du tome 2 et à poursuivre sa cynique pérégrination dans les méandres de l'âme humaine.
Le roman, contrairement au précédent qui se perdait en multiples récits plus ou moins isolés, se recentre autour de la destinée de la famille Traquemort. Chacune des trois premières parties suit l'un des trois personnages clef de la famille, tout en se consacrant à l'une des questions déjà évoquées jusqu'alors par l'auteur. Dans la Prise de Brumonde, c'est d'Owen qu'il va être question, mais aussi de la pression engendrée par les circonstances, avec tous les problèmes que cela engendre, différents chez chacun, mais finalement équivalents. Dans Innocence perdue, nous suivons Gilles et les rebelles sur un ancien monde de loisirs, gigantesque parc à jouets pour adultes en mal d'enfance, devenu champ de bataille par l'intrusion forcé de la conscience chez les anciens jouets, transformés en machines à tuer, parfois repentis et mystérieusement attirés par un Homme rouge au cœur d'une ancienne forêt. Là, c'est du thème de l'enfance et de la difficulté du devenir humain qu'il va être question, aussi bien à travers les confidences des héros que dans les interrogations de ces jouets nouvellement conscients, venus à l'existence dans le massacre et dans le sang. Puis vient le tour de David Traquemort, le nouvel et éphémère Seigneur Traquemort, qui sera rapidement mis au ban par Lionnepierre. Simon R. Green y réunit deux paumés de l'Empire, qui n'ont rien en commun sinon un manque d'être qu'ils comblent l'un en l'autre, et multiplie les variations sur le thème de la folie du système impérial — qui a privé Kit et David d'une véritable enfance, qui fait obstacle par pur caprice à une expérience sociale efficace, qui pille, détruit, viole, calcine, souvent par simple obéissance aux ordres, parfois pour assouvir de viles pulsions.
Quant à la quatrième partie, Tous à Golgotha, on y voit les Traquemort (les vivants, mais aussi les morts) dessiner l'avenir. Un avenir dont on réalise soudain qu'il était très prédéterminé, mais qui ne suivra pas la voie prévue. Et l'on ne peut s'empêcher, à lire la dernière remarque de Toby le Troubadour, « c'est pas génial quand une histoire se termine bien ? », de se dire que celle-là est bien loin de se terminer et que le bien n'est que très provisoire... Traîtrises, trahisons, plans fomentés depuis des siècles, extraterrestres dont la menace imminente semble se préciser, I.A. rebelles qui offrent à la personnalité de Lionnepierre l'occasion d'échapper à son corps, Hadéniens qui semblent bien trop dociles pour leur titre d'ancienne plus grande menace pour l'humanité... autant de pistes que Simon R. Green ne devrait pas se priver d'explorer dans les tomes à venir.
Nathalie LABROUSSE (lui écrire)
Première parution : 13/12/2004 nooSFere