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Voyage - 2

Stephen BAXTER

Titre original : Voyage, 1996
Première parution : Voyager, 1996 (roman coupé en deux pour l'édition française)
Cycle : Voyage  vol. 2
Cycle : NASA  vol. 1b 

Traduction de Guy ABADIA
Illustration de Jean VOUILLON

J'AI LU (Paris, France), coll. Science-Fiction (2001 - 2007) n° 6612
Dépôt légal : mai 2003
Partie de roman, 352 pages, catégorie / prix : K
ISBN : 2-290-32542-2
Genre : Science-Fiction



Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     Après une première tentative soldée par un cuisant échec, le titanesque projet du voyage vers Mars a bien failli s'écrouler à son tour. Plus aucune erreur n'est désormais permise ; au terme de quinze années d'une entreprise surhumaine, la mission Arès doit s'envoler.
     Une pression supplémentaire dont les astronautes Natalie York et Ralph Gershon se seraient bien passés, alors que l'équipage devant effectuer le vol vers la planète rouge n'a toujours pas été sélectionné. Une pression qui vient aussi alourdir les épaules des milliers de personnes travaillant à la NASA, gigantesque organisation scientifique, politique, mais aussi lien matérialisé entre l'humanité et son rêve d'atteindre un jour les étoiles...

     Né à Liverpool en 1957, ingénieur en mathématiques de l'Université de Cambridge, docteur en aéronautique de l'Université de Southampton, Stephen Baxter renoue avec la tradition de ces scientifiques qui, tel Arthur C Clarke, ont consacré leur savoir à rêver l'homme, mêlant réflexion philosophique et roman d'aventures. Il est entre autres l'auteur de Titan, Les Vaisseaux du temps et de plusieurs ouvrages écrits en collaboration avec Clarke.
Critiques
 
     On sait que Stephen Baxter, avant de se consacrer à l'écriture, fut un astronaute frustré ; rien d'étonnant, dès lors, à ce qu'il ait livré une « trilogie de la NASA » (informelle, chaque volume étant indépendant), dans laquelle il questionne la conquête de l'espace. Voyage en est le premier volume (les suivants étant Titan et Poussière de lune), et il est pour le moins éloquent à cet égard. Cette vaste fresque de science-fiction hard science ultra documentée et réaliste (ne faites donc pas attention aux couvertures, qui n'ont absolument rien à voir avec le contenu...) joue en effet la carte de l'uchronie subtile pour proposer une vision aussi lucide que fascinante de ce qui aurait pu advenir si la NASA, après l'alunissage historique d'Apollo 11, ne s'était pas désintéressée des vols habités, et, plus précisément, avait lancé un vaste et complexe programme destiné à envoyer des astronautes sur Mars avant la fin du XXe siècle.
     L'histoire que nous conte Stephen Baxter ne diverge de la nôtre que par petites touches en apparence anodines, mais pourtant décisives, la survie de John Fitzgerald Kennedy à l'attentat du 22 novembre 1963 n'étant pas la moindre. En effet, quand Neil Armstrong et Joe Muldoon (exit Buzz Aldrin...) posent le pied sur notre satellite en 1969, ce qui représente l'apogée du programme spatial américain, JFK est aux côtés de Nixon (malgré leur « inimitié »...) pour les féliciter et, en direct, lancer l'idée du vol habité à destination de Mars comme prochaine étape à franchir, à plus ou moins long terme. Ce qui chamboule totalement la conquête de l'espace versant américain telle que nous l'avons connue : la NASA fait ainsi l'impasse sur la navette spatiale, par exemple, et les sondes automatisées en pâtissent également.
     Le roman alterne entre deux lignes narratives : l'une, très simple, évoque, au milieu des années 1980, le vol pour Mars des trois astronautes Phil Stone, Ralph Gershon et Natalie York (cette dernière, une géologue à l'origine, étant probablement le personnage central du roman) à bord du vaisseau Arès ; l'autre, bien plus complexe et « chorale », traite de tous les préparatifs de ce vol historique depuis 1969, et fait intervenir un très grand nombre de personnages fort variés, dont il serait vain de vouloir dresser la liste : astronautes, ingénieurs, chercheurs, administrateurs, etc., qui ont tous joué leur rôle dans la préparation de cette expédition martienne.
     Si le démarrage est un peu laborieux, notamment du fait d'un style médiocre assez typique de l'auteur, a fortiori dans ses plus anciennes productions, et d'une tendance à l'abus de jargon ultratechnique, Voyage séduit néanmoins rapidement par son ambition à la limite de la mégalomanie et la somme de recherches qu'il représente. On sent que Stephen Baxter s'est extrêmement documenté pour livrer au final une vision aussi lucide et réaliste que possible d'une conquête de l'espace « autre ». Et le résultat est aussi fascinant qu'intelligent.
     Ici, comme dans bon nombre de ses romans, Baxter s'avère un authentique maître du sense of wonder. La science et la technologie s'allient pour faire rêver le lecteur, qui veut croire en la possibilité (avortée...) de cette expédition martienne. Il faut dire que tout dans Voyage se montre plausible ; la ligne historique divergente traitée par l'auteur, documents à l'appui, ne paraît pas invraisemblable, loin de là, et on ne peut s'empêcher, à la lecture de ce pavé, de regretter « la perte de Mars » explicitée en postface...
     Et pourtant, Voyage se révèle autrement plus subtil qu'une simple rêverie sur les vols habités post-Apollo. La science « dure » et la technologie sont en effet mises en rapport avec le politique et l'économique de façon extrêmement pertinente — la vision que nous livre l'auteur de ce programme à long terme est globale — , et le propos de Baxter est plus ambigu qu'il n'y paraît au premier abord. Il livre en effet au passage une réflexion passionnante sur l'intérêt tout relatif des vols habités, qui vient quelque peu refroidir le rêveur qui sommeille en tout lecteur de SF. Voyage n'est qu'en apparence une apologie de cette conquête de l'espace différente, dont la pertinence à tous égards est fort intelligemment questionnée. D'autant que Baxter nous montre aussi ce qu'une telle ambition peut avoir de destructeur, voire de tragique, pour les principaux intéressés.
     Dès lors, le bilan est sans appel : malgré quelques défauts sur lesquels on ne saurait totalement faire l'impasse (tenant notamment au style médiocre et à des personnages pas toujours très bien campés — Natalie York comprise, qui est pour le moins insupportable), Voyage constitue bel et bien un modèle de SF hard science aussi intelligente que palpitante, une preuve supplémentaire du talent de son auteur pour le sense of wonder à l'état pur. Brillant, enthousiasmant (et en même temps un brin déprimant...), ce premier roman de la « trilogie de la NASA » est une remarquable machine à rêver, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.

Bertrand BONNET
Première parution : 1/4/2013 dans Bifrost 70
Mise en ligne le : 1/3/2018

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition J'AI LU, Millénaires (1999)

Voyage est l'ambitieux récit d'un ambitieux projet.

     Si la perspective d'un voyage sur Mars est excitante, le roman de Baxter surprend tout autant par son ampleur. Il raconte minutieusement chaque pas décisif qui, de 1969 à 1986, acheminera l'homme vers Mars. Chaque choix politique, chaque incertitude, chaque contretemps, chaque hasard seront ainsi exposés, pour donner un compte-rendu le plus fidèle et le plus complet possible de cet événement.

     Bien sûr, il s'agit d'une uchronie, car dans l'Histoire que nous connaissons, le vol vers Mars a été abandonné au profit de la navette spatiale. Si le point de divergence le plus évident est l'echec de l'assassinat de J.F. Kennedy en 1963, c'est cependant l'enchaînement de multiples faits d'importance inégale qui aboutira réellement au résultat espéré.
     L'impact de cette uchronie sur le lecteur sera évidemment plus grand sans doute s'il connaît bien l'Amérique de ces années-là, et il est probable qu'un certain nombre de subtilités échapperont au lecteur français inattentif à la politique interne des Etats-Unis.

     On peut certes admirer le brio avec lequel Baxter anime tout cela, en donnant du relief et de la consistance à cet exposé qui pourrait être austère. Néanmoins le sérieux du propos, l'absence de surprise en raison d'un dénouement annoncé et la répétitivité des situations font que l'ennui peut gagner le lecteur qui souhaite plus de fantaisie. Bien qu'impressionné, j'avoue m'être désintéressé assez rapidement du sort de cette entreprise grandiose.
     Mais si vous rêvez d'être cosmonaute, si le mot NASA vous transporte vers d'autres cieux, si vous vous êtes passionné pour un film comme Apollo 13 et si vous voulez tout savoir sur le fonctionnement d'une fusée, ce roman — qui à mon goût aurait gagné à être largement allégé — a toutes les chances de vous enthousiasmer.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 15/8/1999
nooSFere


Edition J'AI LU, Millénaires (1999)

     Et si, au lieu de se tourner vers la navette spatiale au lendemain d'Apollo, Richard Nixon s'était orienté vers une expédition martienne ? Dans la continuité de l'aventure lunaire, elle aurait suivi la même méthode générale, subissant son lot de contraintes budgétaires et de choix techniques minimalistes.

     Comme Jules Verne, Baxter inscrit sa SF dans une période contemporaine (ou immédiatement passée : 1969-1986), et à sa différence, il pratique une uchronie pointilliste et pointilleuse. Documenté et précis sur les faits et les dates, il met en scène des réalisations astronautiques demeurées dans notre monde au stade des essais préliminaires (comme ce dernier étage de Saturn V à propulsion nucléaire !). Technophile passionné, Baxter se méfie pourtant de l'enthousiasme conquérant des successeurs de Von Braun. L'importance plus ou moins grande accordée à la protection de la vie des astronautes est au coeur des passages les plus poignants du livre.

     Même audacieux, un vol spatial habité requiert une préparation minutieuse, apparemment interminable en regard des instants de gloire passés loin du plancher des vaches. Fort logiquement donc, le roman consacre l'essentiel de sa longueur (et ses meilleures pages) à cette préparation. Si le vol vers Mars s'envole dès les premières pages, son déroulement est entrecoupé de flash-backs beaucoup plus substantiels qui expliquent comment furent choisis hommes et matériel pour la mission. Souvent contre toute attente. Les interrogations du lecteur (on n'ose dire suspense) porteront donc sur le chemin tortueux qui mène au résultat déjà connu.

     Rivalités entre astronautes et entre fournisseurs industriels de la NASA, enjeux de pouvoir bureaucratiques et politiques : cette uchronie où la survie de John F. Kennedy à Dallas se réduit à une toile de fond des débats entre Langley et Huntsville (deux centres de recherche de la NASA) peut paraître aussi aride que le désert martien. Au pire, on pense aux pavés explicatifs en bas d'image des Buck Danny de la grande époque. Toutefois, Baxter sait faire vivre un moment captivant, un accident spatial qui tient à la fois de celui d'Apollo 13 (qui appartient aussi à l'univers du roman) et à l'explosion de la navette Challenger. Ce moment n'a que le tort d'arriver tard dans le livre, vers la fin du premier volume.

     Comme dans L'Etoffe des héros de Tom Wolfe, les personnages sont nombreux, parfois difficiles à distinguer au début (Baxter n'a pas la maîtrise romanesque de son modèle). Emerge heureusement la figure de Natalie York, première femme astronaute et première sur Mars, qui triomphe des obstacles placés sur son chemin par le machisme ordinaire. Et toute une galerie de scientifiques et d'administrateurs, avec leurs vies tordues, voire détruites par l'entreprise pharaonique à laquelle ils se sont voués.

     Il faut sûrement pour plonger dans ce livre avoir conservé une pincée de passion pour l'aventure spatiale. Technophiles, amoureux d'écriture journalistique transparente, vous adorerez. Baxter laboure l'étroit sillon d'un réalisme « alternatif » : on peut se piquer à son jeu à condition d'avoir quelques prédispositions.

Pascal J. THOMAS (lui écrire)
Première parution : 1/9/1999
dans Bifrost 15
Mise en ligne le : 20/1/2001


Edition J'AI LU, Millénaires (1999)

     Lorsque le président Nixon décida en 1972 de poursuivre l'aventure spatiale plus loin que la Lune, il ne faisait jamais que donner plus d'envergure au rêve ailé de ses prédécesseurs démocrates à la Maison-Blanche, à commencer par Kennedy qui avait lancé l'Amérique à la conquête de l'espace au début de la décennie précédente, et ce afin de répondre au défi soviétique dans ce domaine. Ce fut le début du plus grand projet d'ingénierie civile, plus important sous bien des aspects que le projet Manhattan qui conduisit à la bombe atomique. Au plus fort de son expansion, la NASA pilotait un budget annuel de 5 milliards de dollars et faisait travailler un demi-million de personnes. Le point culminant de cette période héroïque fut l'alunissage d'Apollo 11 en juillet 1969. Mais l'Amérique était à un tournant décisif  ; de plus en plus engluée dans la guerre du Viêt-nam, prise entre le marteau du Congrès qui prônait un retour à l'orthodoxie budgétaire et l'enclume d'une opinion publique préoccupée du retour à la terre, la présidence de Nixon opéra le choix qui s'imposait, le seul  : assurer la supériorité technologique des États-Unis.
     On sait maintenant à quel point ce choix fut crucial, et ce qu'il en coûta vraiment d'envoyer des Américains sur Mars. La Science n'a pas de prix, fût-ce celui des vies broyées de quelques pilotes d'essai ou les sommes astronomiques dépensées pour le prestige d'avoir déposé trois astronautes dans Mangala Vallis en 1986...
     Stephen Baxter, le fameux romancier scientifique britannique, nous le rappelle fort à propos avec le récit détaillé des préparatifs et du voyage de l'expédition martienne, dans un ouvrage sobrement intitulé Voyage.
     Cette histoire romancée ravira les amateurs d'aventures technologiques qui n'ont pas oublié les images tremblotantes des premiers pas de l'homme sur la Lune. On y découvre la NASA, vaste organisation technobureaucratique, et sa gestion parfois défaillante du projet martien, ses factions rivales, ses contractants prêts à tout pour capter les plus grandes parts de marché. On y découvre des hommes, des pilotes pour la plupart, militaires disciplinés et sûrs d'eux, mais surtout une femme, une géologue qui doutera longtemps d'avoir abandonné ses chères études pour le dur apprentissage du métier d'astronaute, sans aucune garantie d'effectuer un jour le voyage tant espéré, et qui sera, contre toute attente la première à fouler le sol de la planète rouge.
     Le roman est lui-même construit comme un voyage, puisqu'il débute par le départ de la fusée et se termine par l'arrivée sur Mars. Entre ces deux moments séparés par douze mois d'un trajet ennuyeux, si ce n'est pour le lecteur le compte rendu des menues péripéties d'astronautes saisis sur le vif dans leurs activités les plus réalistes, on découvre en séquences rapides une succession de flash-backs qui racontent comment on en est arrivé là. Le récit est alerte, sans véritable suspense, et ressemble à du journalisme, ce en quoi il est réussi puisque Baxter se contente de narrer des faits et de coller au vraisemblable.
     Une postface de l'auteur pose la question de ce qui se serait passé si l'Histoire avait suivi un cours différent. Et si l'homme n'avait pas marché sur Mars, s'il y avait eu la perte de Mars  ? On peut également se demander tout ce qui n'aurait pas été sacrifié à l'objectif unique qui consomma l'intégralité des ressources de la NASA  : la navette spatiale réutilisable, les sondes automatiques d'exploration du système solaire, le télescope spatial, le programme de surveillance des océans et de l'atmosphère terrestre, la mission Galileo vers Jupiter et ses splendides photos du volcanisme d'Io ou des océans gelés d'Europe... On en viendra peut-être à se demander si l'Histoire parallèle n'est pas plus crédible que celle que l'on pense connaître ou si un genre littéraire comme l'uchronie n'est pas de l'Histoire déguisée  ? Et le plus grand mérite de cet ouvrage n'est pas loin de relever d'une étonnante contradiction  : comment la fiction romanesque en arrive-t-elle à produire un sens si fort qu'elle nous semble se détourner d'elle-même, de la spéculation, et se présenter comme la chronique nue des choses  ?

Christo DATSO (lui écrire)
Première parution : 1/12/1999
dans Galaxies 15
Mise en ligne le : 1/2/2001

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Francis Valéry : Passeport pour les étoiles (liste parue en 2000)  pour la série : NASA

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