Élevé par Gilbert Gosseyn (le héros de la Trilogie non-A) et Robert Hedrock (le héros du diptyque Les Fabricants d’armes), j’ai eu envie de lire du Van Vogt. Au hasard, ayant déjà dévoré les grands classiques du Maître, j’ai choisi La machine ultime. Bien m’en a pris.
Ce livre, publié en 1983, donc aux exacts alentours de La fin du Ā, est un bijou qui (selon moi, et je pense que je ne convaincrai personne… mais bon, je tente quand même) tord le cou à deux idées reçues :
Commençons par le deuxième point : dans ce roman, la narration se déroule à la première personne du singulier… et au présent. C’est assez déroutant au début (surtout quand on comprend, au bout de deux phrases, que c’est un ordinateur qui parle). Mais on s’y fait très bien et réussir dans ces conditions à créer de la tension, du suspense, de l’émotion, du rire (énormément de rire) est un bel exploit.
Pour le premier point, je vois La machine ultime comme une antithèse d’idéal non-A : une preuve par l’absurde en quelque sorte du bien-fondé des thèses non-A. En effet, il s’agit ici d’un ordinateur qui devient fou (vs. la Machine des jeux qui rationalise), dont les erreurs (menant à des catastrophes) sont dues à des avancées technologiques non-maitrisées et surtout à un excès de corruption et de despotisme étatique (alors que dans un monde idéal non-A, comme on le voit sur Vénus, il n’y a pas d’État). Autrement dit, ce qu’il manque, c’est la philosophie non-A. Certes, ici c’est l’évolutionnisme que Van Vogt met en avant, mais ce n’est pas une philosophie, tout au plus un concept technico-psychologico-magique (menant aux super-pouvoirs du héros du roman, Glay Tate… pouvoirs pas si éloignés que ça de ceux de Gilbert Gosseyn) qui émerge comme une conséquence du despotisme du pouvoir en général et de celui de l’ordinateur en particulier.
Bref, ce que je veux dire ici c’est que dans ce début des années 80, Van Vogt carbure, et qu’on retrouve dans La machine ultime des thèmes similaires à ceux des romans non-A, notamment dans La fin du Ā, ce qui tend à prouver que ce troisième opus des aventures de Gilbert Gosseyn est très bon.
Et puisque la thématique de ces deux romans est proche, posons-nous la question : quid d’une rencontre entre Gilbert Gosseyn et Glay Tate ? A priori ce n’est pas possible (puisque Glay Tate vit au XXIème siècle, à une époque bien antérieure donc à celle de Gosseyn). Néanmoins, ce roman (La machine ultime) aurait très bien pu être ré-écrit, le contexte légèrement changé, pour faire de l’évolutionnisme (i.e. le contrôle des profils bio-magnétiques) une particularité d’un homme, Glay Tate, allié de Gosseyn.
Mais je divague... Un dernier point pour inciter tout le monde à lire La machine ultime : le passage faisant référence aux loups. Van Vogt n’est jamais aussi bon que lorsqu’il fait appel aux animaux (au sens large : rien que de souligner ce point, j’ai envie de me replonger dans La Faune de l’Espace). C’est simple et grandiose. Précipitez-vous sur La machine ultime. Comme l’écrit très bien Joseph Altairac dans son Alfred E. Van Vogt : Parcours d’une œuvre : « On n’insistera jamais assez sur l’originalité de la narration van vogtienne, qui génère une impression d’étrangeté profondément déstabilisatrice, produisant sur le lecteur réceptif un effet quasiment hypnotique voire onirique ».