Case est un pirate de génie dont le cerveau est directement relié à un monde de données et de programmes où il évolue comme dans le réel.
Un faux-pas ? Son employeur lui endommage le système nerveux et le prive de travail. Retour en grâce avec un nouveau commanditaire. Mais à qui a-t-il réellement affaire ? Ou à quoi ? Sorti en 1984, ce premier roman de William Gibson a connu un succès fulgurant et raflé tous les prix de SF.
Un futur proche. Case est un hacker professionnel dont la spécialité est de connecter son cerveau directement à la matrice pour se balader dans le réseau mondial comme dans un univers réel. Mais il a un jour la mauvaise idée de vouloir doubler ses employeurs, des individus à l'honnêteté douteuse, qui se vengent en lui bousillant le système nerveux... plus question pour Case de retourner dans le cyberspace, jusqu'à ce qu'il reçoive la proposition alléchante d'Armitage et de Molly, qui lui offrent un nouveau système nerveux clé en main. Une seule condition : en échange, il devra réaliser pour leur compte et celui du mystérieux Muetdhiver un petit travail que seul un pro du cyberspace comme lui peut mener à bien. Case accepte avec empressement, sans se douter qu'il se lance bille en tête dans une affaire bien moins nette et plus dangereuse qu'il ne l'escomptait.
Avalanche de prix pour ce premier roman : Hugo, Nebula, Philip K. Dick... cela surprendra peut-être le lecteur qui découvre Neuromancien au XXIe siècle : les concepts audacieux et novateurs de 1983 (année d'écriture du roman) sont presque devenus des pont-aux-ânes de la science-fiction, vulgarisés par la littérature (beaucoup), le cinéma (énormément), et tout simplement les faits réels avec l'essor des autoroutes de l'information (n'êtes-vous pas connecté au réseau, vous qui me lisez ?). Quand il apparaît de surcroît, au bout de quelques chapitres, que le décor et l'univers de Neuromancien comptent davantage que l'intrigue (une bonne série B, sans plus) ou les personnages (falots ou caricaturaux), on comprend vite que la lecture du roman a perdu beaucoup de son charme en l'espace d'une petite vingtaine d'années. A l'instar de tout ce qui est estampillé « années 80 » (du rock FM aux yuppies), Neuromancien s'altère aujourd'hui de rides précoces, perceptibles jusque dans certains tics stylistiques : la multiplication des phrases courtes, sans sujet ni verbe, simulant une écriture instinctive et nerveuse, était à l'époque le summum d'une « branchitude » aujourd'hui insupportablement datée.
Il n'en reste pas moins que ce livre a eu le mérite d'ouvrir une brèche par laquelle se sont engouffrés nombre d'auteurs et de scénaristes. Première manifestation et emblème du courant cyberpunk, Neuromancien est simplement arrivé au moment où la science-fiction avait désespérément besoin de nouveaux thèmes et de nouvelles têtes, ce qui explique sans doute qu'il ait été porté au nues, en son temps, par la critique et le public. Mais aujourd'hui que la baudruche cyberpunk s'est en partie dégonflée, force est de constater que ce culte excessif a causé à l'auteur plus de tort qu'autre chose, car ce premier roman a contribué à l'affubler d'une étiquette dont ses entretiens récents montrent qu'il a encore de la peine à se débarrasser.
Comme le hula-hoop, le disco ou la collection de pin's, Neuromancien est appelé tôt ou tard à revenir à l'ordre du jour... attendons plutôt ce moment-là pour le (re)découvrir. Provisoirement, il ne suscite qu'un intérêt d'ordre historique, sauf pour les nombreux nostalgiques des années-chrome, qui le dégusteront sans modération, en accompagnement d'un bon vieil album de Billy Idol.
On attendait non sans une certaine impatience la parution de Neuromancien, roman qui, bien signé d'un parfait inconnu, a obtenu cette année les trois principaux prix américains dans le domaine de la SF : Philip K. Dick Mémorial Award, Nebula et Hugo, le livre, réputé difficile, a été refusé par trois traducteurs avant que Jean Bonnefoy n'accepte la gageure, pour s'en tirer fort honorablement ma foi. Certains passages peuvent sembler confus, mais cela tient surtout au côté allusif de l'écriture de Gibson.
Neuromancien conte l'histoire de Case, un pirate informatique, à une époque où l'on entre directement en contact avec les ordinateurs grâce au cyberspace ; les ensembles de programmes apparaissaient alors comme des décors psychédéliques dans les protections desquels s'infiltrent des programmes-virus. Mais Case, au début du roman, n'est plus qu'une épave, un junkie traînant et magouillant dans les rues de la Conurb ; un employeur qu'il avait essayé de doubler lui a ôté la possibilité d'entrer en Cyberspace. Il est alors contacté par une étrange femme aux verres-miroirs scellés dans les orbites et aux griffes rétractiles, qui lui offre de lui rendre son talent en échange d'un piratage un peu spécial, pour lequel il va avoir besoin de l'aide d'un mort.
Le roman a un peu de mal à démarrer, malgré une ambiance glauque remarquablement rendue. Mais, dépassé les soixante premières pages, il vire au feu d'artifice ! Le dernier tiers est un authentique morceau de bravoure dont on sort un peu assommé, malgré un court épilogue qui vient en adoucir l'impact. Gibson a su pousser son postulat de départ jusqu'à la limite de l'absurde et en tirer toutes les conséquences. Sa connaissance de l'informatique est un atout supplémentaire ; on ne trouve pas dans Neuromancien des « rouages d'ordinateurs » et les cartes perforées sont oubliées depuis longtemps.
La nouvelle collection des éditions La Découverte frappe fort ; après Armageddon Rag, Neuromancien conforte cette impression. Souhaitons-lui bonne chance.