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La Machine à différences

William GIBSON & Bruce STERLING

Titre original : The Difference Engine, 1990
Première parution : Angleterre, Londres : Gollancz, septembre 1990   ISFDB
Traduction de Bernard SIGAUD
Illustration de MANCHU

LIVRE DE POCHE (Paris, France), coll. SF (2ème série, 1987-) précédent dans la collection n° 7231 suivant dans la collection
Dépôt légal : avril 2001
Roman, 576 pages, catégorie / prix : 8,38 €
ISBN : 2-253-07231-1
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
     1855 : les Machines à Différences, ces ordinateurs mus par la vapeur et inventés par Charles Babbage ont changé le cours de l'Histoire.
     Lord Byron est devenu le Premier ministre de Sa Majesté la reine Victoria. Sa fille Ada, un génie scientifique qui a secondé Babbage, est peut-être folle. Elle remet à Edward Mallory, explorateur d'une Amérique du Nord divisée par les guerres, un mystérieux paquet de cartes mécanographiques.
     Et Mallory, dans un Londres en proie à la pollution, aux transports sous-terrestres et aux courses automobiles, va devenir le maître pion d'une partie stratégique entre la France et l'Angleterre.
     William Gibson, le chantre de l'ordinateur, et Bruce Sterling, le créateur du terme Cyberpunk, nous ont concocté une uchronie jubilatoire.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition Robert LAFFONT, Ailleurs et demain (1997)

     1855. Depuis des décennies, le monde évolue à toute vapeur. Le progrès fait tache d'huile  : sous-terrestre, vapomobiles, kinotrope... Les révoltes ouvrières en Angleterre ne sont qu'un souvenir  ; les agitateurs ont été exécutés, à moins qu'ils n'aient rejoint les rangs des Radicaux qui, sous la houlette du Premier ministre Byron, gouvernent le pays. La misère va être vaincue. L'utopie est à portée de main !
     C'est dans ce contexte (presque) radieux qu'Edward Mallory va, aidé de l'agent secret Lawrence Oliphant, combattre le dernier carré de la subversion, détenteur qu'il est de cartes mécanographiques qui, en générant une suite logique appelée le « Modus  », peuvent mettre en panne les plus puissants des calculateurs, les Machines analytiques...
     Difficile de résumer l'intrigue de ce roman où les personnages foisonnent et où les destins s'entrecroisent. L'univers parallèle qui lui sert de toile de fond se base sur l'invention par Charles Babbage des premiers « ordinateurs » et sur les progrès qui en découlent. On voit le parallèle que deux chantres de la mouvance « cyberpunk » pouvaient tracer entre la fiction de ce monde à l'aube d'une transformation et la réalité du nôtre entrant dans l'âge de l'information.
     Mais la sauce ne prend jamais vraiment. D'abord, le style, outré, finit par lasser. Ensuite, la multitude des fausses identités, accidents, catastrophes, explosions, vols, poursuites et autres quiproquos, si elle évoque les feuilletonistes du siècle passé, a aussi le défaut majeur de paraître artificielle. Enfin, les clins d'œil aux confrères coutumiers de cette littérature (surtout le trio de cinglés que forment Blaylock, Jeter et Powers, auquel peut s'ajouter le Moorcock des romans historiques ou uchroniques) ne font qu'alourdir encore le poids des références.
     Il y aussi dans ce livre un problème d'équilibre structurel  : les péripéties échues à Mallory occupent une place importante, tandis que la conclusion, bâclée, prend la forme d'un dossier qui laisse un goût entêtant d'inachevé, voire d'incompréhensible.
     Pourtant, cette collaboration garde un charme désuet, recèle ça et là des trésors d'humour (ah, ces Japonais...) et d'invention, et mène une réflexion pertinente sur les rapports savoir/pouvoir.
     Certains échecs sont plus fascinants que bien des réussites. Et ce n'est pas le moindre paradoxe de ce roman irritant, mais généreux, ambitieux, mais chaotique.

Pierre-Paul DURASTANTI (lui écrire)
Première parution : 1/3/1997
dans Galaxies 4
Mise en ligne le : 3/12/2001


Edition Robert LAFFONT, Ailleurs et demain (2010)

     Quand deux monstres sacrés du cyberpunk unissent leur force, on peut légitimement s'attendre à quelque chose de marquant. Paru à l'origine en 1991, le mythique La Machine à différences bénéficie aujourd'hui d'une réédition chez « Ailleurs & Demain », sous une couverture argentée du plus bel effet. De quoi réconcilier anciens et modernes.

     Si Gibson et Sterling cohabitent avec talent, force est de reconnaître qu'ils ne se limitent pas à leurs délires habituels. Ici, le cyber passe surtout par le steam et l'uchronique. Et la S-F en ressort gagnante. Preuve que deux et deux font cinq et que le tout est supérieur à la somme des parties. Bâti sur un postulat rigoureux, La Machine à différences relate une double révolution, industrielle et informatique. Dans l'Angleterre du milieu du XIXe siècle, un homme met au point une sorte d'ordinateur — la machine à différence du titre — qui précipite le Royaume-Uni vers quelque chose d'inédit. Enorme assemblage complexe mû par la vapeur et capable de traiter l'information via un système de cartes perforées, cette machine se transforme en enjeu national, voire mondial, dans un contexte où l'impérialisme britannique ne connaît presque plus de limites. Mais si le décor revisite les codes uchroniques habituels (avec personnages historiques bien réels décrits sous un jour nouveau, de Byron à Keats en passant par quelques autres — plus surprenants), Sterling et Gibson n'en font pas une fin en soi. Certes, leur Angleterre mérite à elle seule un roman, mais sans personnages, l'histoire ne serait rien d'autre qu'une gentille promenade touristique. En s'attachant à l'humain aux prises avec un monde changeant, les deux auteurs fabriquent l'essence de leur roman et lui procurent sa teinte si particulière. La formule est reprise avec succès par un certain Robert Charles Wilson qui a démarré — ah tiens — avec le cyberpunk (il suffit de lire Ange Mémoire pour s'en convaincre, même si ça ne retire rien à sa profonde originalité). Intrigue compliquée mais solide, sombres complots, luttes sociales, rien ne manque au roman. L'histoire se découpe en trois parties bien distinctes, ce qui facilite sans doute la lecture mais affadit également l'ensemble, défaut non rédhibitoire tant le texte tient la route. On suit les aventures d'une prostituée pas comme les autres (fille d'un dissident), d'un espion au service de Sa Majesté, d'un paléontologue de retour du Nouveau Monde (jamais émancipé de l'Empire, évidemment) aux prises avec une embrouille d'envergure cosmique, sans oublier quelques personnages secondaires remarquablement campés. Si le roman peut se lire comme un thriller uchronique impeccablement mené, le fond est plus sombre. En bons adeptes d'Orwell, Sterling et Gibson n'oublient pas l'essentiel : la société de contrôle se base sur le contrôle de l'information. Et l'information informatisée facilite justement le contrôle. Belle parabole sur nos sociétés paranoïaques et mise en place d'une nouvelle étiquette pour le moins curieuse dans le petit monde de l'imaginaire : le steampunk d'anticipation.

Patrick IMBERT (site web)
Première parution : 1/10/2010
dans Bifrost 60
Mise en ligne le : 24/1/2013


Edition Robert LAFFONT, Ailleurs et demain (2019)

    39e Worldcon. Automne 1981, Denver, Colorado. William Gibson a 33 ans et quelques manuscrits en main, mais il n’a encore rien publié. Devant quatre personnes, il lit sa nouvelle « Gravé sur chrome » et prononce publiquement pour la première fois le mot cyberspace. Bruce Sterling écoute, il sait qu’il y a là un territoire, que la révolution informatique sera plus marquante encore que l’exploration spatiale. De cette rencontre naît le cyberpunk. Une poignée d’auteurs réunis autour de Sterling, théoricien du mouvement, y participent : Gibson, le pionnier, et quelques artisans dont Lewis Shiner, Pat Cadigan et Greg Bear.

    En 1990, la collaboration entre Sterling et Gibson prend la forme d’un roman écrit à quatre mains : La Machine à différences. Il ne s’agit pourtant pas de cyberpunk, du moins en apparence. Évitant les écueils de la fiction prédictive, les deux auteurs se tournent vers le passé et l’histoire alternative. La Machine àdifférences deviendra l’un des romans canoniques du steampunk, de l’uchronie à vapeur.

    L’action se déroule en 1855 en Angleterre, le point de divergence avec l’Histoire se situant vers 1824. Charles Babbage a construit sa fameuse machine à différences, un calculateur mécanique capable de fournir des solutions approchées de fonctions mathématiques par la méthode des différences finies. Fort de ce succès, il développe sa machine analytique et fournit à l’empire britannique la première machine à calculer programmable – un ordinateur. Il s’inspire des métiers à tisser Jacquard et utilise des cartes perforées pour sa programmation ; le mouvement des pièces mécaniques est assuré par la puissance énergétique de la vapeur. Sterling et Gibson imaginent la coïncidence des révolutions industrielle et informatique, et resserrent ainsi les racines des sociétés technologiques. L’invention de Babbage a renforcé la suprématie de l’empire britannique ; savants et industriels ont pris le pouvoir à travers le parti radical, et Lord Byron est revenu de ses pérégrinations grecques pour devenir Premier Ministre tandis que Darwin a été fait Lord. L’Empire français n’est pas en reste et a de son côté construit le Grand Napoléon, le plus puissant des ordinateurs. Les États d’Amérique ne se sont jamais unis et le continent reste divisé en territoires antagonistes. Les communistes tiennent Manhattan et la République du Texas est le théâtre de conflits d’influence entre les forces franco-mexicaines et la couronne anglaise. En Grande-Bretagne, les tensions sociales restent fortes. Le luddisme, mouvement ouvrier contestataire né de l’opposition à la mécanisation des métiers à tisser, s’est tourné contre les machines de Babbage. Il a été en grande partie écrasé par le pouvoir en place, mais des poches de subversion subsistent dans cet État policier où la surveillance de masse est aidée par lesdites machines.

    Si la forme se revendique steampunk et si les ordinateurs sont à vapeur, La Machine à différences n’est jamais très loin des thématiques cyberpunk. C’est la même grille de lecture que Sterling et Gibson transportent à l’époque victorienne. Le ciel est chargé et «  Londres déçoit toujours quelque peu, en été ».

    Écrit comme un polar en plusieurs tableaux, le roman suit trois personnages principaux : Sybil Gerard, fille de luddite et prostituée, Edward Mallory, paléontologue et radical convaincu, et Laurence Oliphant, journaliste et espion au service de sa majesté. Le devenir d’un jeu de cartes perforées pour la possession duquel certains sont prêts à tuer constitue l’élément central du roman et le lien entre ces trois personnages, dont les chemins se croiseront au gré des agitations politiques, des complots, des relents toxiques de la Tamise et des coups de feu.

    Hélas, le scénario, touffu, manque de direction, et si la représentation du choc technologique est prenante dans ce siècle alternatif richement construit, le poids encyclopédique des références historiques et scientifiques fait que le roman atteint la masse critique sous laquelle il menace de s’écrouler. Et c’est bien ce qui arrive dans sa dernière partie, agencée sous la forme d’une collection de documents censés relier les éléments épars d’une histoire fragmentée, mais qui peine à convaincre, voire à être compréhensible. Les pièges de l’écriture à quatre mains sont là, se manifestant par un manque de cohérence scénaristique et dans la peinture des personnages dont les caractères varient confusément d’un tableau à l’autre. On retiendra donc La Machine à différences pour l’audace de sa proposition et la solidité de son univers, moins pour ses qualités romanesques.

FEYDRAUTHA
Première parution : 1/10/2019
Bifrost 96
Mise en ligne le : 27/11/2023

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Steampunk

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Francis Valéry : Passeport pour les étoiles (liste parue en 2000)

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