La réédition en Folio SF du cinquième volume d'Ambre est l'occasion de revenir sur une des séries les plus appréciées des littératures de l'imaginaire.
Le prince Corwin est l'un des neuf princes d'Ambre — le seul monde réel, tous les autres n'étant que des ombres, des mondes parallèles sans consistance. Comme ses semblables, il a pouvoir de voyager parmi ces ombres, et d'y trouver tout ce que son cœur désire. Mais ce que son cœur désire, justement, c'est le trône d'Ambre, usurpé par l'un de ses frères. Cependant, il s'apercevra rapidement qu'une menace terrible plane sur Ambre, et il devra bientôt accomplir un long voyage afin de sauver l'ensemble de l'Univers.
Ambre, de par sa nature même, est un univers infini, où tout est possible. Un tel terrain de jeu offre des possibilités aptes à enflammer le plus réfractaire des lecteurs ; mais aussi, le jeu d'intrigues politiques entre les princes et princesses d'Ambre est d'une telle finesse et d'une telle ambivalence qu'il est rare de rencontrer deux aficionados d'Ambre ayant la même interprétation de l'œuvre. Zelazny apporte constamment de nouvelles pièces à son puzzle, qu'il s'agisse de l'histoire ou des motivations des personnages (âgés de plusieurs siècles, et donc chargés d'un lourd passé), ou de l'univers, dont de nouvelles facettes sont révélées à chaque volume.
Zelazny était en effet un auteur très intuitif, qui suivait beaucoup son inspiration au fil de l'eau. Il y a donc fort à parier qu'il ne savait pas toujours où il allait. Ambre est une succession de portes ouvertes sur l'imaginaire ; un univers tellement polymorphe et ouvert qu'il peut se livrer à toutes les interprétations, ainsi qu'à de passionnantes spéculations sur les événements et les motivations des personnages. C'est certainement là que réside la force de la série.
Et aussi, il y a le prince Corwin, un héros en clair-obscur ensorceleur, auquel parfois, l'on aimerait bien ressembler. Il a sa propre conception de l'honneur, dont le plus haut principe est rester en vie ; ce n'est pas un mauvais bougre, c'est plutôt un demi-dieu colérique, avec des travers extrêmement humains, et donc un personnage extrêmement attachant.
Quoique intéressants, les cinq tomes suivants, racontés du point de vue de son fils Merlin, n'atteindront pas le niveau de cette première saga. Saga qui restera d'ailleurs inachevée, Roger Zelazny nous ayant hélas quittés en 1995. Ambre continuera donc d'enflammer les esprits, et ce sera à chaque lecteur de voir en cette œuvre aux mille facettes l'Ambre de son désir. La traduction aurait bien mérité d'être révisée, mais qu'importe : voilà cinq premiers tomes intemporels, empreints d'un génie certain.
Lionel DAVOUST (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/9/2001 dans Galaxies 22
Mise en ligne le : 15/10/2002