Ceux qui ont lu Fahrenheit 451 et les Chroniques martiennes savent que Ray Bradbury, qu'on a appelé « le roi sans couronne de la science-fiction », est non seulement un maître de la littérature fantastique mais aussi l'un des tout premiers écrivains américains de la nouvelle génération.
Voici des récits qui ne doivent rien ou presque rien à la science-fiction, des récits plus proches de Poe et d'Ambrose Bierce que d'Huxley ou d'Orwell. Bradbury tient son lecteur en haleine à l'extrême limite du réel, dans cette frange indécise du possible et de l'impossible, où l'on en croit encore ses yeux, où tout pourtant peut arriver... De A qui le tour à la Merveilleuse Mort de Dudley Stone, les histoires effrayantes qu'il vous conte s'ouvrent sur des personnages et des événements qui ne prêtent guère à méfiance.. Et de ligne en ligne, les décalages sont si prudents, si subtils, que les cheveux se dresseront sur votre tête avant que vous sachiez exactement pour quelle horrible raison...
Dans son style poétique et incisif, — l'inimitable style Bradbury, — si merveilleusement coulé à l'histoire qu'il raconte, l'auteur des Chroniques martiennes nous entraîne haletants et angoissés à travers un Pays d'octobre qui est bien de notre monde, et qui se révèle pourtant plus dépaysant que la planète Mars.
[texte de la quatrième de couverture]
Ray Bradbury
Enfin, voici un des chefs-d'œuvre de la science-fiction traduit en français. Les Chroniques martiennes sont si riches d'invention et d'intelligence, certaines si poignantes, si pleines de sensibilité, qu'il n'y a pas lieu de les ranger, justement, dans un genre. C'est une œuvre, au même titre que n'importe quelle œuvre littéraire. En Bradbury la science-fiction a rencontré son poète.
Arts.
Chroniques martiennes, L'Homme illustré des livres intelligents, féroces, d'une poèsie bizarre, d'une violence satirique parfois admirable.
Claude ROY. Libération.
AvecFahrenheit 451, voici l'un des meilleurs livres de science-fiction que l'on puisse lire aujourd'hui. Ce genre ambigu, qui oscille entre l'anticipation enfantine et le conte philosophique, Ray Bradbury en utilise toutes les ressources pour en faire un chef-d'œuvre de férocité et d'humour.
M. P. Franc-Tireur.
Grâce au camouflage de la science-fiction, par son talent comme par son courage, Ray Bradbury est peut-être un des rares écrivains américains d'aujourd'hui à sauver l'honneur des États-Unis, et à confier à de clairs apologues le soin de dire des vérités qui ne sont pas bonnes à dire — les seules vraiment intéressantes.
Libération.
Fahrenheit 451, plus que les autres ouvrages de Bradbury, se rapprocherait de 1984 d'Orwell. Mais ce goût de la démonstration par l'exemple ne gâche heureusement pas le talent remarquable de Bradbury, qui nous fait passer quelques heures de désenchantement et d'angoisse au bord d'un monde voué à l'anéantissement spirituel et qui s'y refuse.
Claude ERNOULT. Les Lettres Nouvelles.
Le volume de Ray Bradbury, Les Pommes d'Or du Soleil, fait suite à ces remarquables ouvrages que sont : Chroniques martiennes, L'Homme illustré, Fahrenheit 451. Il permet de juger de nouveau cet auteur qui, pourrait-on dire, est parmi les trois plus grands écrivains américains d'aujourd'hui.
Combat.
Le plus significatif des auteurs de science-fiction est sans nul doute l'Américain Ray Bradbury qui fut le premier à révéler la poésie contenue dans cette source d'inspiration. Avec les Pommes d'Or du Soleil, nous comprenons mieux encore que dans ses précédentes œuvre la valeur précise qu'il attache à l'exploration du futur.
1 - Pour qui sinon pour August Derleth, pages 7 à 7, préface, trad. DORINGE 2 - Le Nain (The Dwarf, 1954), pages 9 à 21, nouvelle, trad. DORINGE 3 - A qui le tour ? (The Next in Line, 1947), pages 22 à 55, nouvelle, trad. DORINGE 4 - Le Vigilant jeton de poker d'Henri Matisse (The Watchful Poker Chip of H. Matisse, 1954), pages 56 à 64, nouvelle, trad. DORINGE 5 - Squelette (Skeleton, 1945), pages 65 à 81, nouvelle, trad. DORINGE 6 - Le Bocal (The Jar, 1944), pages 82 à 96, nouvelle, trad. DORINGE 7 - Le Lac (The Lake, 1944), pages 97 à 102, nouvelle, trad. DORINGE 8 - L'Émissaire (The Emissary, 1947), pages 103 à 110, nouvelle, trad. DORINGE 9 - Canicule (Touched with Fire, 1955), pages 111 à 123, nouvelle, trad. DORINGE 10 - Le Petit assassin (Small Assassin (The), 1946), pages 124 à 141, nouvelle, trad. DORINGE 11 - La Foule (The Crowd, 1943), pages 142 à 151, nouvelle, trad. DORINGE 12 - Le Diable à ressort (Jack-in-the-box, 1947), pages 152 à 168, nouvelle, trad. DORINGE 13 - La Faux (The Scythe, 1943), pages 169 à 183, nouvelle, trad. DORINGE 14 - Oncle Einar (Uncle Einar, 1947), pages 184 à 191, nouvelle, trad. DORINGE 15 - Le Vent (The Wind, 1943), pages 192 à 201, nouvelle, trad. DORINGE 16 - L'Homme du second (The Man Upstairs, 1947), pages 202 à 214, nouvelle, trad. DORINGE 17 - Il était une vieille femme… (There Was an Old Woman, 1944), pages 215 à 228, nouvelle, trad. DORINGE 18 - La Citerne (The Cistern, 1947), pages 229 à 236, nouvelle, trad. DORINGE 19 - La Grande réunion (The Homecoming, 1946), pages 237 à 250, nouvelle, trad. DORINGE 20 - La Merveilleuse mort de Dudley Stone (The Wonderful Death of Dudley Stone, 1954), pages 251 à 263, nouvelle, trad. DORINGE
A contrario du très SF Hommeillustré, Le Pays d’octobre est un recueil centré sur le fantastique, voire le « weird ». Composé de dix-neuf nouvelles écrites entre 1943 et 1954, LePays d’octobre a vu ses récits presque tous adaptés pour la télévision. Ce n’est guère étonnant tant ces histoires courtes paraissent pouvoir être mises en images avec peu de moyens.
Au fil des textes, Bradbury raconte des couples dysfonctionnels (étonnant de la part de l’homme qui a vécu un heureux mariage de 56 ans, moins de la part de l’auteur qui écrivit dans Chroniques martiennes : « Le mariagefaitlesêtresvieuxet routiniersavantl’âge. ») ; il raconte aussi des solitudes, parfois atroces. Peu des nouvelles échappent à ce thème.
La mort rode, les évènements sont rarement heureux, souvent nostalgiques ou tristes. Confrontés à l’incroyable, les personnages de Bradbury en souffrent la plupart du temps, y laissent leur vie parfois.
Mais, même s’il y est très à l’aise, Bradbury n’est pas que l’homme du domestique ou de l’individuel ; il n’oublie pas les horreurs du monde dans lequel il vit. La Seconde Guerre mondiale et ses bombardements de masse, les Camps, Hiroshima sont présents dans ses textes, comme crainte ou regret.
On lira donc avec plaisir :
• « Au suivant », sans doute le texte le plus réussi. Mexique, un couple usé d’Américains en vacances visite la collection de momies de la petite ville où il séjourne. Vision de mort sur quotidien insatisfaisant, c’en est trop ; tension et peur vont aller crescendo jusqu’à l’inévitable. Peut-on mourir de peur et d’indifférence ? C’est l’enjeu de ce texte brillant où l’auteur montre comment on peut effrayer un lecteur sans utiliser le moindre effet spécial fantastique.
• L’histoire d’un fermier ruiné qui hérite, par pure chance, d’une ferme où vivre avec sa famille et de l’étrange champ qui la jouxte. Le bonheur se change en effroi lorsqu’il réalise qu’en acceptant la ferme et la faux qu’elle contient, il s’est chargé aussi d’une tâche bien sinistre. C’est « La Faux », texte aux accents quasi mythologiques dans lequel le lecteur verra le fatum s’abattre sur un brave homme, et le malheur privé engendrer le malheur public.
• Deux beaux récits, chaleureux et tristes à la fois, dans lesquels Bradbury rend hommage à sa famille et singulièrement à son oncle préféré, « Oncle Einar », en les mettant en scène comme des créatures de la nuit, faeries familiales se réunissant, de moins en moins souvent, dans un monde démagifié, « La Grande réunion ».
• Deux histoires d’enfant solitaire. « Le Diable à ressort », où un garçon vit enfermé dans une immense maison, un Gormenghast créé par Bradbury. Seule la mort de sa geôlière le délivrera et lui ouvrira le monde. Un texte profondément métaphorique. Dans « L’Emissaire », un enfant malade reçoit la visite de son institutrice. Problème : elle est morte ; mais n’importe quoi vaut mieux que rien. On peut y adjoindre une histoire d’enfant qu’on ne croit pas, avec « Le Locataire ».
• Le très graphique « Le Bocal », où Bradbury offre une description pathétique et vibrante des rednecks dégénérés du bayou de Louisiane, dans laquelle on verra que la magie est dans l’œil de celui qui regarde et que la foi apporte à chacun ce qu’il en espérait.
• Le lovecraftien « Le Vent », dont l’histoire d’explorateur qui en sait trop et qui est maintenant poursuivi par une entité en quête de vengeance rappellera aux amateurs les écrits du maître de Providence.
• Deux récits de noyade, « Le Lac », court texte émouvant, qui l’est d’autant plus que Bradbury en explique la genèse, et « Le Collecteur », où l’amour mène à la mort.
• Deux rares textes drôles, « Ilétaitune vieille femme », dans lequel une vieille femme obstinée tient tête avec succès à la mort, et dans un genre différent, « LeJetonde poker vigilant d’Henri Matisse », se moquant des avant-gardes intellectuelles et blâmant le désir de célébrité ; quand le con du dîner veut le rester le plus longtemps possible, le ton rappelle Vian.
• « La Merveilleuse mort de Dudley Stone » dans laquelle, confronté à la jalousie d’un rival, un écrivain talentueux arrête définitivement d’écrire pour commencer à vivre. Des volontaires ?
• Restent cinq textes plus communs : « Le Nain » est une nouvelle à chute sur la méchanceté des gens ; « Squelette » est trop outrée pour être crédible ; « Canicule » laisse le lecteur sur sa faim, il y manque une vraie conclusion ; « La Foule » est un récit inquiétant mais trop prévisible ; et malheureusement « LePetitassassin », qui développe vraiment une idée passionnante, manque de place pour réellement atteindre sa pleine mesure dans le format exigu de la nouvelle, sans quoi Bradbury aurait écrit La Malédiction avant l’heure.
Globalement, donc, LePaysd’octobre propose des textes d’une grande sensibilité portés par un style au diapason.
Éric JENTILE Première parution : 1/10/2013 Bifrost 72 Mise en ligne le : 17/2/2019