Jack FINNEY Titre original : (The) (Invasion of the) Body Snatchers, 1954 Première parution : en serial dans Collier's, 1954, en volume Dell 1955 Traduction de Michel LEBRUN
GALLIMARD
(Paris, France), coll. Folio SF n° 27 Date de parution : 11 octobre 2000 Dépôt légal : septembre 2000, Achevé d'imprimer : 14 septembre 2000 Réédition Roman, 256 pages, catégorie / prix : F6 ISBN : 2-07-041578-3 Format : 10,8 x 17,8 cm Genre : Science-Fiction
« Chaque cosse avait éclaté, laissant échapper une partie de la substance grise qu'elle contenait. L'enchevêtrement de ce qui semblait du crin de cheval grisâtre glissait lentement hors des cosses membraneuses et s'assemblait de lui-même, les fibres se redressant et s'alignant pour former approximativement une tête, un corps et des membres miniatures.
Il est impossible de dire combien de temps nous restâmes immobiles, fascinés par notre découverte. Assez longtemps toutefois pour voir les têtes informes et les membres embryonnaires grandir à mesure que la substance s'écoulait, et devenir... quatre mannequins de cire, aux visages encore dépourvus de traits ou d'expression, et qui n'attendaient plus que la touche finale. Il y en avait un pour chacun de nous, nous le savions bien. »
Surtout connu en France pour L'invasion des profanateurs, adapté à l'écran à trois reprises, Jack Finney (1911-1995) est également l'auteur d'une dizaine de romans et de nombreuses nouvelles. Dans ces histoires empreintes de romantisme et de nostalgie, il déploie un formidable talent de conteur.
Mill Valley est une petite ville de Californie du nord, non loin de San Francisco. Tout le monde y connait tout le monde, et nul mieux que Miles Bennell, le médecin local, qui y a grandi et y exerce. Mais petit à petit, un phénomène bizarre envahit Mill Valley. Des gens viennent trouver Miles et lui affirment que des personnes qu'ils ont connues toute leur vie ne sont plus les mêmes. Elles sont exactement semblables, des sosies parfaits... mais ce ne sont plus les mêmes.
Bientôt, on montre à Miles Bennell un cadavre. Humain, mais bizarrement... neuf. Un corps qui n'aurait pas vécu.
Les amateurs de films fantastiques auront reconnu ici un scénario qui a inspiré trois films : un de Don « Les proies » Siegel dans les années cinquante, un de Philip « L'étoffe des héros » Kaufman en 1978 et un troisième d'Abel « China Girl » Ferrara en 1993. À l'origine, c'est un roman de Jack Finney, l'auteur du Voyage de Simon Morley et du Retour de Marion Marsh, récemment et finalement édités en France par « Présences ». Sur ce sujet éminemment paranoïaque, Finney trace à nouveau son sillon de prédilection. Ces envahisseurs, c'est le monde moderne, le monde où l'on a plus le temps de vivre, où l'efficacité devient seule maîtresse. Avec la graduelle mort de Mill Valley, c'est une façon de goûter le bonheur de vivre qui périt, étouffée par un progrès aveugle. On se souviendra que le film de Siegel avait été perçu comme un message anti-Rouges, celui de Kaufman comme la montée de l'indifférence dans notre société moderne, et celui de Ferrara comme une vision du SIDA ou de la drogue.
Mais, me direz-vous, fidèles lecteurs, ce roman existait déjà en français, il portait même un autre titre : Graines d'épouvante, adopté lors de sa publication chez Clancier-Guénaud ? Si fait, si fait. Mais M. Clancier-Guénaud avait un peu « allégé » le texte ici restauré par M. Denoël. Et pour marquer sa différence, la nouvelle édition revue et corrigée prend le titre des films inspirés de l'œuvre. Titre objectivement idiot, remarquons-le en passant, comme le reconnaît l'édition Denoël elle-même. C'était une ânerie de traducteur cinéma un peu niais : il a confondu les body-snatchers victoriens, dont les plus célèbres restent Burke et Hare, détrousseurs de tombes (ou profanateurs de sépultures, si vous préférez) qui revendaient les cadavres aux médecins férus de dissection, avec ces body-snatchers-ci, qui volent des corps.
Mais foin de tout ceci. Si vous avez déjà goûté les charmes de Finney, vous savez à quoi vous attendre. Le suc de la nostalgie et la saveur de l'existence, une voix calme et enjôleuse, le plaisir. Sinon, profitez de ce classique et félicitez-vous que l'heure de Finney ait enfin sonné en France.
Et si vous devez voir une adaptation cinéma, je suggère celle de Kaufman, dont le « message » est le plus proche du roman de Finney, même s'il est nettement plus pessimiste.
Finney n'a jamais pu s'empêcher de garder confiance en l'homme.
Patrick MARCEL Première parution : 1/4/1994 Yellow Submarine 109 Mise en ligne le : 22/9/2004
Un film très connu, L'invasion des profanateurs de sépultures,a été tiré de ce roman haletant, qui date de 1955 mais n'a guère vieilli. Encore des extraterrestres capables de prendre la forme humaine et de réaliser une duplication parfaite — ou presque — de tout être humain, psychisme compris. C'est un bon thème, dans la ligne du célèbre Père truqué de Dick.
Le narrateur et héros est un jeune médecin un peu stéréotypé mais vivant et attachant. Le suspense glisse au bord de la terreur sans basculer tout à fait dans l'épouvante. La fin est du pur fantastique : l'auteur était coincé et il fallait qu'il s'en sorte d'une façon ou d'une autre. Il a choisi l'autre. Malgré tout, une des meilleures histoires d'invasion que j'aie lue. Ce roman est le premier volume d'une nouvelle collection assez luxueuse et bien présentée.