“ En 1993, l'Atalante publiait Les guerriers du silence, le premier roman de Pierre Bordage.
En 2000, l'Atalante publie Ambigata, le premier roman de Vincent Michel. ”
C'est avec cette publicité sans ambiguïté que les éditions de l'Atalante ont affiché leur ambition : dénicher le futur Bordage en publiant l'énorme premier roman d'un auteur inconnu. L'annonce est efficace, car elle titille la curiosité, mais elle peut s'avérer dangereuse si les lecteurs sont déçus.
Si la trame est particulièrement complexe, l'argument initial est simple : Nemeton et Drucht sont deux planètes surpeuplées ; la première détient le Blödryall, une source d'énergie considérable et enviée par la seconde...
Avouons que la comparaison avec Bordage s'impose d'emblée : ce gigantesque space opera bourré d'aventures et de machinations diverses constitue un véritable pavé (464 pages pour cette seule première moitié), doté d'une intrigue mouvementée apte à séduire autant les amateurs de romans populaires que de SF complexe.
Autre point commun : l'énergie. Vincent Michel en a à revendre, et son roman ne manque ni de souffle, ni d'imagination. L'écriture est vivante et fluide, captivante dès les premières lignes.
Dans sa structure, Ambigata flirte avec la fantasy, notamment par la dimension mystique et initiatique du premier chapitre. La magnéto-hydro-dynamique, dont la nature n'est guère développée, est d'ailleurs quasiment utilisée comme une force “ magique ” : au lieu d'approfondir le sujet, Michel parsème son texte de “ magnétos ” et autres “ autosolénodynes ”, qui reviennent sans cesse, au risque d'agacer le lecteur.
Malheureusement, Ambigata souffre d'un gros défaut : une longueur inutile. On se demande d'ailleurs pourquoi : les décors ne sont pas richement décrits, les personnages ne font pas l'objet d'une analyse psychologique fouillée, l'aspect scientifique n'est traité que superficiellement... En fin de compte, ce sont complots, manipulations et poursuites qui emplissent les pages, bien que l'intrigue ne progresse qu'assez peu.
Bref, Ambigata a, en effet, la plupart des qualités – mais aussi des défauts – des Guerriers du silence. Lorsque Vincent Michel aura appris – comme Bordage l'a fait – à resserrer son intrigue, à alléger les vastes complots universels pour donner plus de profondeur et d'humanité à ses personnages et plus de présence à ses univers, nul doute que de grands romans nous attendent.
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 13/10/2000 nooSFere