FRAPPEZ : ENTREZ

     Peur et paranoïa chez les ordinateurs.

     Je m'approchai de la console. Il y avait une grosse tache de sang sur le côté droit, là où la tête du mort avait reposé. J'effleurai une touche et l'écran de contrôle se couvrit aussitôt de mots...

     NOM DU PROGRAMME : ADIEU MONDE RÉEL CONTENU : DERNIÈRES VOLONTÉS ET TESTAMENT/DIVERS

     PROGRAMMEUR : CHARLES KLUGE POUR POURSUIVRE FRAPPEZ : ENTRÉE •

     Le carré en bout de ligne clignotait.

     CHAMPAGNE BLEU

     Dans la Bulle, l'espace pétille pour votre seul plaisir.

     C'était un monde différent.

     La Bulle flottait au sein du réceptacle formé par les générateurs : deux cents millions de litres d'eau contenus entre deux champs de force sphériques et concentriques. Les champs contenaient une coquille liquide d'un poids de près d'un million de tonnes, enfermant en son milieu une bulle d'air de cinq cent mille mètres cubes.

     Elle flottait en orbite lunaire, isolée, sans aucun point de repère.

     La première fois que Cooper la vit, l'illusion était parfaite : quelqu'un avait laissé un verre de Champagne flotter à quelques mètres du vaisseau...

     Depuis qu'il se consacre à l'écriture pour le cinéma (Millenium est un des rares résultats de la tentative qui nous soit parvenu) et à l'épaisse trilogie de Gaia, on a tendance à oublier le Varley nouvelliste, auteur de textes percutants comme Persistance de la vision ou ceux de la série des « Huit Mondes ». C'est plaisir que de le voir de retour avec deux des rares récits de lui qui ne figurent dans aucun de ses recueils.

     Champagne bleu est un texte déjà ancien, paru dans une des anthologies consacrée aux finalistes du Campbell Award. On y retrouve le Varley raconteur de l'espace, créateur de constructions gigantesques, avec pourtant une note d'angoisse bien terre-à-terre : le calvaire que subirait le héros handicapé s'il n'avait pas sa combinaison spéciale.

     Le retour sur Terre qu'a opéré Varley ne devrait donc pas nous surprendre. Comme Millenium, Frappez : Entrée se déroule dans un présent californien daté par une multitude de petits détails, et plus encore il trahit son époque dans sa fascination informatique, qui est monnaie courante sur la Côte Ouest. Le texte porte pourtant une vision bien sombre de l'informatisation de la société, aux antipodes de celle des « technopunks » comme William Gibson.

     Là encore, c'est le thème du handicap qui sous-tend le texte. Comme dans Millenium, le personnage principal est déprimé et sur le retour : ancien combattant de Corée, il en est revenu avec une condition épileptique qui a fait de lui un reclus, et explique peut-être sa profonde aversion à l'égard de l'informatique sous toutes ses formes. Les péripéties qu'il vit lui donnent d'autres raisons de se méfier des ordinateurs, mais au-delà de tous les gadgets dont Varley fait si bien étalage, à nouveau c'est parce que son héros est un vaincu potentiel que son œuvre est si attachante.