DLM Editions
, coll. Cyberdreams, la collection n° 2 Dépôt légal : septembre 1997, Achevé d'imprimer : août 1997 Première édition Recueil de nouvelles, 128 pages, catégorie / prix : 45 FF ISBN : 2-87795-113-8 Format : 11,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
Tuer n'est pas moral. Qu'à cela ne tienne ! Il suffit d'acquérir l'implant neural adéquat pour que morale, comportement et croyances soient ajustés à vos besoins du moment...
Se réveiller chaque matin dans un corps différent et toujours se poser cette éternelle question : Qui suis-je ?...
Ce n'est qu'une entité biologique à durée de vie limitée, sans grande intelligence, un simple jouet... Mais voilà : vous l'aimez !...
Transformer le monde pour l'accorder à la vision de l'artiste, modifier les individus pour en faire les composants d'un tableau vivant... Tout un programme !
Axiomatique propose quatre variations inédites sur la problématique de l'identité et de la mémoire, par un écrivain visionnaire et authentiquement moderne, fasciné par les nouvelles technologies et leurs implications.
Greg Egan a été révélé en France par DLM Editions et la revue Cyberdreams. Auteur d'une quarantaine de nouvelles et de plusieurs romans dont La Cité des permutants (Laffont), il est l'un des principaux artisans de l'actuel renouveau de la Science-Fiction.
1 - Axiomatique (Axiomatic, 1990), pages 7 à 30, nouvelle 2 - Le Coffre-fort (The Safe-Deposit Box, 1989), pages 31 à 61, nouvelle 3 - Le Tout-p'tit (The Cutie, 1989), pages 63 à 80, nouvelle 4 - La Caresse (The Caress, 1990), pages 81 à 125, nouvelle
Critiques
Axiomatique est, dans sa version anglo-saxonne, un recueil de dix-sept nouvelles. Les éditions DLM nous en livrent ici une première partie : quatre récits d'une hard-science métaphysique dont Egan s'est fait le spécialiste, autant de variations sur le thème de l'identité.
Ainsi, que faire lorsque vos principes moraux vous empêchent de venger le meurtre de votre femme ? Dans Axiomatique, la nouvelle éponyme du recueil, la solution est très simple : il suffit d'acheter un implant neural, par exemple le package « La vie ne vaut rien ! ». C'est légal, et ça marche. Oui mais... L'implant, en inhibant votre respect de la vie, ne risque-t-il pas de faire de vous une autre personne ?
Dans Le coffre-fort, un homme se réveille chaque matin dans un nouveau corps, un nouvel hôte dont il doit le temps d'une journée prendre l'identité, et ce depuis qu'il est tout petit. Difficile, dans ces conditions, d'être soi-même...
Après avoir, en deux nouvelles, posé la question Qui suis-je ?, Egan retourne le problème et demande qui est l'Autre et ce qui en fait un être humain. Dans Tout-P'tit, les hommes peuvent se faire mettre enceint d'un enfant sur mesure qui ne dépassera pas l'âge de quatre ans et dont l'intelligence ne se développera pas, et auquel on ne peut donc en principe s'attacher outre mesure. Mais la limite entre l'entité biologique, manipulable à loisir, et la personne humaine peut s'avérer particulièrement floue...
La caresse est une nouvelle un peu plus faible, dans la mesure où ses implications vont moins loin que dans les trois autres textes. Mais vu l'excellence du recueil, même « la plus faible » nouvelle se lit avec beaucoup de plaisir. Ce long texte débute par la découverte d'une chimère, mi-femme, mi-panthère, ressemblant trait pour trait au personnage d'un tableau vieux d'un siècle. Mais qui pourrait être assez fou pour vouloir façonner le monde à l'image de tableaux de peintres ?
Les quatre textes du recueil sont caractéristiques des nouvelles de Greg Egan : narration à la première personne, action se déroulant dans un futur proche, implications au quotidien mais surtout philosophiques d'une technologie remettant en cause les fondements de l'identité, de l'humanité. Avec talent, Egan sait intégrer des concepts parfois difficiles et théoriques à des intrigues passionnantes racontées par des personnages attachants et humains.
En attendant la suite de Axiomatique, le lecteur français pourra se rabattre, si ce n'est déjà fait, sur le recueil Notre-Dame de Tchernobyl, également aux éditions DLM. Et s'il est (déjà ?) blasé par les spéculations biotechnologiques de Greg Egan, il lui reste encore les époustouflantes nouvelles parues dans le numéro 6 de la revue Galaxies et dans Étoiles Vives 3, deux textes de hard-science, voire de hard-mathématiques.
Philippe HEURTEL (site web) Critique déjà parue sur ce site Parution sur nooSFere : 1/9/2000 Dragon & Microchips 18 Mise en ligne le : 20/10/2003
Greg Egan (auteur australien découvert dans Interzone à la fin des années quatre-vingt, en France un peu plus tard dans les pages de CyberDreams et les publications DLM), il y a ceux qui adorent et... les autres. Et moi, très franchement, j'étais il y a encore un jour ou deux très clairement dans la seconde catégorie, celle des autres, ceux qui ont lu, ça et là, une ou deux nouvelles intéressantes et beaucoup de textes abscons. Ainsi, tout était simple, et lorsqu'on me parlait d'Egan, je me disais : « ah ouais, ce type aux idées souvent renversantes mais à la manière genre hard-science cryptique dont je comprends qu'un mot SUR trois ». C'est alors qu'arriva Axiomatique, un petit recueil de quatre nouvelles (premier volet d'un ensemble quadripartite à venir, me semble-t-il), un bouquin qui, affirmons le d'emblée, allait radicalement chambouler mon jugement. Et depuis plus rien n'est simple, évidemment...
Après cette petite introduction passablement nombriliste, passons donc aux choses réellement dignes d'intérêt, à savoir « Axiomatique », nouvelle d'ouverture au titre éponyme à celui du recueil. L'histoire est basique : celle d'un homme déchiré (entre son désir de venger sa femme assassinée lors d'un braquage, et sa morale qui lui souffle combien tuer un être humain est un acte ignoble. Pourtant la solution est là, dans ces implants neuraux à même de profondément modifier la personnalité, de changer l'introverti timide en gagnant grande gueule sûr de lui, l'athée en fanatique religieux ou encore le veuf en meurtrier. On avale le texte à toute allure, véritablement saisi par une écriture limpide, extrêmement vivante, une nouvelle ou plane le vaste problème de l'intégrité humaine de notre identité en tant qu'être pensant. Le ton est donné, et de bien belle manière.
Charpentée sur la même thématique, celle de l'identité de l'individu, « Le coffre-fort » nous plonge dans les affres d'un personnage voué à une existence pour le moins curieuse, une vie fractionnée, morcelée, celle de toutes les personnes dans la peau desquelles notre héros se réveille, jour après jour. Il ne sait pas quel corps il habite, quelles sont les habitudes de ce type dont il voit le visage dans le miroir, quelle est cette femme, là, dans le lit, et qui visiblement semble avoir des intentions douteuses. Etc'est comme ça tous les jours depuis quarante ans (il y a là un petit côté Code Quantum, non ?). Second texte et second coup de poing, le tout ponctué par une rationalisation finale vertigineuse. Surprenant ! Avec « Le Tout-P'tit », Egan aborde les domaines mouvants des manipulations génétiques par le biais, non moins hasardeux, de l'affectif. Un Tout-P'tit, c'est une créature vivante, un véritable bébé en fait, un mioche qu'il vous faudra accoucher (si vous êtes de sexe masculin, pas de problème, la science est capable de tout !), langer, nourrir, bref, élever. Seul hic : il est programmé pour mourir à quatre ans. Et puis vous savez, les gosses, mêmes fabriqués, on s'y attache, alors... Encore un texte riche de réflexions, aussi dérangeant que les deux premiers, et peut-être plus encore, une nouvelle qui vous fera regarder une certaine brebis d'un drôle d'œil, sans parler du tamagotchi de votre petit cousin...
C'est à « La caresse » qu'incombe la lourde charge de clôturer Axiomatique.Le texte, comme les trois autres, est écrit à la première personne du singulier. C'est de loin le plus long et, aussi, sans doute, le plus fou. L'intrigue tourne autour d'un tableau, La caresse de Fernand Khnopff (excellente initiative que celle de l'éditeur d'avoir repris le dit tableau en couverture), une œuvre où l'un des personnages représentés est une créature hybride, tête de femme, corps de panthère. Un sphinx, quoi. Tout commence au moment ou le narrateur, flic bio amélioré, découvre semblable aberration, et bien vivante qui plus est, dans le sous-sol d'une maison ou un meurtre a été commis. Pourquoi avoir créé une telle horreur ? L'enquête est ouverte. « La caresse » est une nouvelle superbe et palpitante, porteuse, à l'instar de tous les autres textes d'Axiomatique de questions éthiques profondes auxquelles il faudra bien se résoudre à répondre, des réponses qui modifieront irréversiblement notre proche futur...
Bref et on l'aura compris, ici, rien n'est à jeter (dans la mesure bien sûr où on oublie quelques imperfections de maquette, découpages et césures lourdingues, pages mal cadrées et absence de sommaire). Chacun des quatre textes justifie à lui seul (presque) l'achat du recueil. Alors si vous aimez les projections prospectives, que le génie génétique et les nanotechnologies vous fascinent : c'est sûr, faut pas hésiter, courez, d'autant que d'ici que vous acquériez Axiomatique ce sera peut-être plus de la Science-Fiction... Après tout, c'est déjà demain, non ?
ORG Première parution : 1/1/1998 dans Bifrost 7 Mise en ligne le : 4/11/2003
Si on peut regretter l'absence d'indications sur leur place dans l'œuvre d'Egan, on a ici quatre échantillons de sa patte et de son talent — à situer grâce au dossier de Galaxies n°6. Écrites à la première personne, creusant la psychologie des narrateurs, ces nouvelles décortiquent les conséquences d'innovations biologiques, conséquences et sociales et quasi-métaphysiques puisque touchant à ce que sont l'individu, la conscience, l'humain. Bref, le futur proche et les questions éternelles s'entremêlent. Le tout sans ménager retournements de situation, ou d'interprétation, et suspense.
Un homme achète un implant pour se reconditionner, parce que son épouse a été assassinée, et que, normalement, il répugne à la loi du talion. Un autre se réveille chaque matin dans un corps différent, mais toujours dans le corps d'un garçon puis d'un homme de son âge, et dans la même ville. Un troisième, en quête de paternité, achète un pseudo-bébé artificiel destiné à s'auto-détruire sans avoir atteint le stade de la conscience. Le dernier, policier, enquête sur une chimère, reproduction vivante de la panthère à tête de femme du tableau de Fernand Khnopff choisi en couverture du recueil. Voilà, tout est dit, ou redit pour qui a lu le Galaxies déjà évoqué, et pourtant rien n'est dit : il faut lire, et apprécier.
Certes, on pourrait ergoter. Le deuxième texte relève plutôt, au bout du compte, du fantastique façon Mains d'Orlac — mais le souci de montrer comment une personnalité se construit dans des changements quotidiens d'identité renvoie à la meilleure SF. Le quatrième rappelle la (bonne) SF française d'il y a quelques années, obsédée par la création esthétique et ses perversions — faut-il s'en plaindre ? Et on ne trouvera vraiment rien à redire des deux autres. En fait, chacun établira un palmarès selon ses a priori, mais on va du franchement bon à l'excellent. Ce qui n'étonne pas de la part d'Egan, et fait souhaiter longue vie à l'éditeur.