[Critique commune de :
Le fluide magique.
L'appel de l'abîme par Marc Agapit.
La mygale.
Moi vampire par Maurice Limat.]
Les ouvrages de la collection « Angoisse » brillent, en général, plus dans le domaine de la SF que du fantastique. C'est qu'il est plus aisé de varier les thèmes de la première que du second. Ainsi le vampire. Je ne sais ce qu'il en est à Paris, mais à Bruxelles ils deviennent fort envahissants, pas de quinzaine où l'on ne puisse en espérer découvrir un, tapi dans quelque salle de quartier, les canines rutilant de technicolor. Mais c'est toujours le même film… Et ce n'est pas Jacqueline Osterrath qui me contredira, elle qui remplit deux numéros de Lunatique d'une anthologie vampiresque. Huit à dix des nouvelles exploitaient la même trame, et trois contes culminaient sur la même astuce : le vampire cambriolant une banque de sang.
Maurice Limat réussit pourtant à rénover les points de départ. Dans La mygale, il conjugue le thème vampire et garou, l'animal étant une araignée, le personnage central une femme. Femme encore celle qui emplit Moi vampire de sa présence sensuelle, « vamp » et vampire. Et qui s'est faite donneuse de sang, engendrant ainsi de nouveaux complices. Mais ensuite le récit se développe selon les normes classiques et sans surprise Ces deux romans font partie du cycle de Teddy Verano, détective de l'occulte spécialiste des questions surnaturelles ou mystérieuses, cabaliste et judoka. Et Limat parvient assez bien à imbriquer une intrigue fantastique dans le contexte de la vie moderne sans nous faire crier à l'invraisemblance.
Marc Agapit, lui, est mal à l'aise dans notre univers, il lui faut les coins retirés, les maisons fermées et closes sur un secret. Et son indifférence lui joue quelques tours parfois. Ainsi, pages 9 et 11 de L'appel de l'abîme, le héros lit Les amitiés particulières, songe à la virée qu'il aurait pu faire, et à sa copine se rendant à une surboum ! Et page 24 nous apprenons que nous sommes en 1913… Mais peu importe, car l'intrigue n'est pas banale, avec l'histoire de ce corps habité par un démon, ne reprenant conscience que tous les vingt-cinq ans et voué à une malédiction atroce qui ne se dévoile qu'à la fin. Et qui, de fait…
Dans Le fluide magique, Agapit manie avec maestria le fantastique expliqué, genre difficile car il substitue à l'explication irrationnelle une explication rationnelle, mais si torturée, si embrouillée qu'elle en devient moins plausible. (Ainsi La chambre ardente de J. D. Carr.) Or, ici, elle est claire, simple et nette. L'oncle du jeune garçon n'a pas le pouvoir de dissoudre en énergie les corps des malfrats qu'il attirait dans sa maison. Il les faisait disparaître par un procédé d'une simplicité élégante. Mais, ceci admis, l'auteur n'insiste pas, et il apparaît bien que, malgré tout, le personnage était doté du pouvoir d'agir sur les choses et les gens.
Jacques VAN HERP
Première parution : 1/5/1966 dans Fiction 150
Mise en ligne le : 22/3/2023