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L'Œil de chat

Roger ZELAZNY

Titre original : Eye of Cat, 1982
Première parution : New York, USA : Timescape, 1982   ISFDB
Traduction de Luc CARISSIMO
Illustration de Daniel FURON

DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur précédent dans la collection n° 358 suivant dans la collection
Dépôt légal : septembre 1990, Achevé d'imprimer : septembre 1990
Roman, 256 pages, catégorie / prix : 5
ISBN : 2-207-30358-6
Format : 11,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction

Autres éditions
   DENOËL, 1983
   in Seigneurs de lumière, 2009

Quatrième de couverture
     Pour mener à bien une mission périlleuse, William Cheval-Noir Singer, le plus grand chasseur de tous les temps, pactise avec une bête aux étonnants pouvoir télépathiques qu'après avoir lui-même capturée et arrachée à son monde, il fait évader du zoo interstellaire. Mais dès sa libération, Chat, dont la haine décuple l'intelligence et la ruse, n'aura de cesse de venger le génocide de sa race. S'engage alors une traque à mort où l'ancien chasseur est devenu le gibier d'un être aux pouvoirs diaboliques, dont l'oeil unique pourrait évoquer celui de Caïn. Seule chance de salut pour Cheval-Noir : le retour à la foi de ses ancêtres navajos dont il est — lui aussi — l'unique descendant, pour y retrouver l'antique chemin des victoires, victoire sur la peur, victoire sur les ombres, victoire sur soi-même.
 
L'auteur :
Roger Zelazny, né en 1937, est un des plus grands noms de la science-fiction contemporaine.
Le plus gros de son oeuvre repose sur une savante exploitation des mythologies de l'humanité : hindouiste (Seigneur de lumière), égyptienne (Royaume d'ombre et de lumière), para-celtique (la série des Princes d'Ambre) et indienne (le présent volume).
Critiques
[Critique commune à L'Ile des Morts, L'Oeil de chat et Le Sérum de la désse bleue de Roger Zelazny]

     A la fois jeune premier et auteur affirmé de la new wave, Roger Zelazny s'engage en 1969 avec L'Ile des morts dans une voie différente de ses précédentes œuvres, un changement prudent, mais qui préfigure le succès planétaire qui l'attend. Le narrateur, Francis Sandow, est un créateur de mondes — ou plus, prosaïquement, un astro-paysagiste. Archétype suprême du héros de pulp (magnat richissime, aventurier accompli, doyen de l'humanité, détenteur du pouvoir divin de la création), Sandow affronte dans ce roman son pire adversaire, celui dont même le plus puissant des hommes ne peut s'affranchir : la mort. Cette confrontation se matérialise en un défi lancé par un mystérieux extraterrestre qui, réfugié sur l'une des créations de Sandow, une planète baptisée L'Île des morts, s'amuse à y faire ressusciter des proches du héros, de l'amante docile à l'ennemi juré.

     Les enjeux narratifs de L'Ile des morts[...] 1

     Treize ans et dix-sept romans plus tard, Roger Zelazny transpose le duel de L'Ile des morts dans la mythologie amérindienne. Il narre dans L'Œil de chat la longue et lente course-poursuite entre Singer, un traqueur de monstres navajo, et Chat, l'une de ses proies, un redoutable extraterrestre métamorphe et télépathe bien décidé à lui faire payer des décennies de captivité.

     Le récit démarre là aussi par un prétexte (l'association douteuse de Singer et de Chat afin de capturer un terroriste) pour rapidement s'orienter vers un duel psychologique. L'Œil de chat décrit la longue fuite en arrière de Singer, une fuite qui l'amène à parcourir le vieux continent avant d'échouer dans des ruines amérindiennes — sur les terres des morts — , où il sait que la confrontation finale avec Chat prendra sens. Les deux opposants sont, à l'instar de Sandow et de son ennemi Pei'en, des êtres solitaires, des parias. Sandow est le doyen de l'humanité ; Singer est un vieux Navajo que des années de chasse galactique ont coupé de son peuple. Le Pei'en est un adepte banni de sa communauté ; Chat est le dernier membre d'une race qui s'est éteinte alors qu'il était parqué dans un vulgaire zoo. Les deux premiers sont animés par une sourde résignation, les deux qui les défient sont animés par une haine enragée. Ces postures sont les deux visages ambivalents d'un même homme en regard de la mort. Et, comme Sandow, Singer finit par comprendre que c'est contre lui-même qu'il se bat, avant d'accepter le final inéluctable de son existence.

     Roger Zelazny se montre audacieux dans la forme de L'Œil de chat, quitte à semer en chemin nombre de ses lecteurs. Il opte ainsi pour une narration déstructurée, pas dans la chronologie du roman, mais dans son refus de suivre un fil narratif, comme si à travers cela il symbolisait le refus de Singer de dérouler le fil de sa vie. Zelazny intègre notamment dans son récit des contes racontés à l'indienne, centrés autour des mythes navajos de la création. Ces inserts permettent d'interroger la quête vaine du héros à vouloir échapper à la mort — en notant que celui-ci s'appelle Singer, celui qui chante, donc celui qui crée. Cette opposition mort/création est à rapprocher de l'acte d'écriture. Dans L'Œil de chat, Zelazny crée une structure narrative lâche. Cette volonté de se dédouaner de règles formelles est une constante chez celui qui fut l'un des écrivains majeurs de la new wave américaine. Zelazny fait d'ailleurs intervenir un groupe de télépathes parmi les personnages secondaires, des surhommes dont les propos sont retranscrits en totale liberté, affranchis des contraintes syntaxiques de la prose — on peut aussi voir là une référence, si ce n'est un hommage, aux télépathes de L'Homme démoli d'Alfred Bester.

     Si L'Ile des morts et L'Œil de chat séduisent dans leur démarche, ils pèchent toutefois quelque peu, par maladresse ou par langueur, dans l'accomplissement de l'intrigue en elle-même. Ce n'est pas le cas du Sérum de la déesse bleue — dont le titre original To die in Italbar est plus évocateur — qui réussit à draper les thématiques chères à Roger Zelazny d'une couverture romanesque plus honorable.

     Le Sérum de la déesse bleue[...] 2

     L'Ile des morts, L'Œil de chat et Le Sérum de la déesse bleue sont symptomatiques des romans de Roger Zelazny. Auteur apparemment peu attiré par la nature humaine, il semble n'avoir de cesse que de transcender cette condition au travers de ses héros, qui sont télépathes (des échanges de pensées subtils s'opposent à des dialogues parfois ineptes), deviennent des surhommes (habités par des dieux, ils se font pure mythologie), ou défient le Temps et l'Histoire (par la cryogénisation, le voyage stellaire, le terrorisme...). Souvent misanthropes et seuls (mais réunis par l'artifice de la création littéraire), ils sont en prise avec les courants contraires de la création et de la mort. Chacun de ces trois romans se clôt par un happy end bancal, peu convaincant, comme forcé, comme si l'écrivain voulait défier la mort en laissant ses héros en vie, ou comme si lui-même ne croyait pas qu'au fond une histoire pouvait finir dans la joie et la félicité.

     On peut recommander, avec des réserves, chacun des trois romans, L'Ile des morts pour son importance historique dans la carrière de son auteur, L'Œil de chat pour la trop rare incursion de la science-fiction en terre indienne qu'il constitue, et Le Sérum de la déesse bleue pour son charisme passager. Mais au lieu d'une addition de simples romans souvent inaboutis pris indépendamment, l'œuvre de Roger Zelazny semble plutôt devoir être envisagée comme une tapisserie sans fin dont chaque texte ne serait qu'un motif, une mythologie moderne dont le seul objectif serait de défier la mort. L'écriture chez Zelazny prend la forme d'un courant créateur défiant une échéance que celui-ci paraît redouter. Le côté parfois un peu trop expédié de ses romans acquiert alors une signification particulière si on considère que Zelazny était pressé, trop pressé, d'écrire chaque roman, comme si chaque nouvel acte d'écriture l'éloignait davantage de la mort et de l'oubli.

     PS : pour les curieux, signalons que Roger Zelazny avait déjà mis en scène Francis Sandow dans une courte nouvelle anecdotique, « Lugubre lumière » (in Galaxie nº 95), face à son fils, emprisonné dans une planète prison de sa création.

Notes :

1. La partie consacrée à L'Ile des morts dans cette recension n'a pas été reproduite ici. [note de nooSFere]
2. La partie consacrée à Le Sérum de la déesse bleue dans cette recension n'a pas été reproduite ici. [note de nooSFere]

Arkady KNIGHT
Première parution : 1/7/2009 dans Bifrost 55
Mise en ligne le : 3/11/2010

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, Présence du futur (1983)

     Enfin, Zelazny est sorti de son interminable série des Princes d'Ambre ! Il était temps. Non que cette série fût mauvaise à strictement parler — elle se contentait d'être lisible, et décevait ceux des lecteurs pour qui Royaumes d'ombres et de lumière, Seigneur de lumière ou La pierre des étoiles, entre autres, avaient été des moments de jubilation profonde et gracieuse. On se souvenait avec nostalgie du temps où Zelazny puisait dans la mythologie orientale les thèmes de ses textes, étranges, beaux...
     L'œil de Chat, disons-le tout de suite, est le meilleur roman de Zelazny depuis longtemps, peut-être parce qu'on retrouve justement ici l'amour de la mythologie. Mais il s'agit cette fois des légendes des Indiens d'Amériques, vraisemblablement moins connues encore du public que celles liées (par exemple) à un bouddhisme qui fut mis à la mode. L'effet de ces références est déconcertant ; pas moins étrangère que bien des cultures extraterrestres imaginées par d'autres, la culture indienne s'accorde de façon troublante au thème de pure SF qui est le prétexte du roman. Idées, style... l'auteur est vraiment en grande forme, et cette histoire de chasseur devenant chassé puis se chassant lui-même est servie par une écriture remarquable, traversée de cassures, d'accélérations, de pauses, et s'écoulant avec un naturel que seul le virtuose peut atteindre. On peut regretter que le traducteur ait repris telles quelles, souvent, les structures de phrases originales, très lourdes en français, gâchant ainsi l'élégance du texte américain. Reste, malgré ces imperfections, un récit qui ressemble irrésistiblement à une parabole, avec tout ce que cela implique de poésie, d'universalité et de densité.
     Et puis, la couverture est superbe...
     Avec Wolfe, la meilleure publication de « Présence du Futur » ces derniers mois.

Emmanuel JOUANNE
Première parution : 1/10/1983
dans Fiction 344
Mise en ligne le : 1/6/2006

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Chats

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