DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 357 Dépôt légal : mars 1983, Achevé d'imprimer : février 1983 Première édition Roman, 512 pages, catégorie / prix : 8 ISBN : 2-207-30357-8 Format : 11,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
s'effondrer, le psycho-historien Hari Seldon a créé
deux Fondations, l'une officielle, l'autre secrète, qui
manipulent l'évolution de l'Humanité.
En 498 après leur établissement,
la foudre, tout à coup, menace.
Quelqu'un fausse les cartes du jeu.
Est-ce la Seconde Fondation,
que la première croyait avoir éliminée ?
Est-ce une troisième force,
qui oeuvrerait dans l'ombre et dont nul ne saurait
rien ? Commence alors une course-poursuite
au terme de laquelle se cache une surprise de
taille, une surprise qui a pour nom les Robots...
Car Isaac Asimov, en renouant le fil de son récit
avec autant de fraîcheur et de verve que s'il l'avait
abandonné hier, y introduit les thèmes majeurs
de ses oeuvres ultérieures pour tisser une fresque
d'une ampleur incomparable
dans le domaine de la science-fiction.
L'auteur
Né en Russie en 1920,
Isaac Asimov a émigré aux Etats-Unis avec sa famille en 1923.
Professeur de biochimie,
il a abandonné l'enseignement pour l'écriture en 1958.
Auteur de plus de 264 volumes
(dont une majorité de vulgarisation scientifique),
il a publié en 1938 sa première nouvelle de S.-F.
et, en 1942, le premier des textes qui, réunis,
devaient constituer le cycle fameux des Fondations,
classique de la S.-F. contemporaine.
Critiques
A l'heure où les meilleurs commentateurs de la SF US mettent l'accent sur la marginalisation de la SF moderniste face à la mode des œuvres-cycles (cfr Wolfe) ou au recours à des valeurs confirmées, l'apparition sur le marché d'un 4e tome à la saga de Fondation pouvait paraître relever d'un calcul essentiellement marchand. Trente ans après, ou les aventures du bon docteur Asimov face aux sirènes de l'édition.
Le pavé avait de quoi rendre méfiant : 500 pages serrées ! Hésiterais-je à confier que je m'y suis totalement laissé prendre ? Car Fondation foudroyée est un récit prenant, qui se lit sans temps mort. Certes, on peut reprocher à l'auteur une certaine propension au bavardage didactique. Il est vrai que la profondeur psychologique n'est pas vraiment son fort et que ses personnages s'apparentent parfois beaucoup plus à des marionnettes. Mais n'est-ce pas le sujet même du livre qui commande sa rhétorique ? Et peut-on reprocher sérieusement à quelqu'un son manque de psychologie dès lors que le modernisme français a toujours cherché depuis trente ans à se libérer du carcan du roman dit « psychologique » ?
Fondation foudroyée vient à son heure. La SF, en France du moins, a connu son heure de grande lessive (esthétique et politique) durant laquelle, avouons-le, Isaac Asimov ne fut à vrai, dire pas perçu fort positivement (litote). Aujourd'hui, cette SF se cherche encore mais peut sans doute dépasser les rejets épidermiques pour relire son passé, et y réfléchir sans haine. Fondation foudroyée nous invite à un réexamen véritablement critique (au vrai sens du terme) de ce que l'on a nommé l'Age d'Or. La trilogie de Fondation, un peu vite classée comme archétype du space-opera, était pourtant surtout une œuvre de réflexion. Certes, il y avait alors davantage de batailles galactiques — mais déjà beaucoup de discours didactiques. Le temps a coulé, et les sensibilités ont changé. Mais aujourd'hui comme hier, Asimov nous offre surtout, en un récit efficace (et c'est déjà une réussite), une réflexion intelligente sur le Pouvoir — car qui croit dans ce livre le détenir se voit en fait manipulé par quelqu'un d'autre que lui-même... Nul n'est vraiment ce qu'il semble être, et la vérité ultime — Gaïa contrôlant la Galaxie y compris la Seconde Fondation — se voit elle-même remise en question à l'instant de conclure (un 5e tome, Dr Asimov ?).
Si Fondation foudroyée nous semble au détour d'une phrase plus proche de nos préoccupations actuelles (sur la protection de la vie privée, p. 128 -ou sur le nucléaire, pp. 265 et 297), est-ce le signe d'un Asimov sacrifiant à l'air du temps ? Ou ne faut-il pas reconnaître en cela l'évolution d'idées et de problèmes qui ne se posaient pas en ces termes jadis, et avouer que l'esprit critique à l'œuvre ici était bien présent, différemment, dans les premières œuvres. Ce roman n'est certes pas sans défaut. On y décèle trace d'un certain élitisme (Gendibal face à Sura Novi, p. 181). Mais le projet même de Hari Seldon est un projet élitiste, qui part d'une idée de manipulation des masses, qui avoue son rejet de la démocratie pure. Surtout, ce livre est un roman de l'individualisme triomphant Dès le début, une remarque accrédite ce point de vue dans la bouche du conseiller Trevize (qui sera la clé de la crise traversée) : « Une seule personne épargnée et tout est perdu ! Voilà bien la preuve du rôle de l'individu, malgré toutes ces légendes autour du plan Seldon pour accréditer l'idée que l'individu n'est rien et que la masse est tout. » (p. 46). Et que voit-on en conclusion du récit ? Alors que la Première Fondation, la Seconde et Gaïa, la .planète vivante, se trouvent bloquées dans une impasse,, une confrontation stérile, le coup de pouce destiné à orienter l'évolution de la Galaxie est demandé a , un homme seul, Gloan Trevize, qui porte seul la responsabilité d'influer sur l'histoire humaine. Et nul ne le discute vraiment. Le Maire de Terminus, mandataire élu démocratiquement, n'envisage nullement un recours à son assemblée : oublié, le suffrage universel ! De même Stor Gendibal, l'Orateur trantorien, ne demande-t-il nullement conseil à ses pairs de la Seconde Fondation. Trevize est le sauveur. On peut difficilement faire mieux comme apologie de l'individu. L'égotisme n'est pas loin ! C'est à se demander si l'on ne s'est pas légèrement illusionné en voyant dans la trilogie de Fondation l'apparition d'un souci social dans la SF classique, face aux héros solitaires de Doc Smith ou de Williamson.
Isaac Asimov n'est sans doute pas la vieille barbe que d'aucuns décrivaient, et il se lit sans déplaisir, mais il demeure surtout américain. Il y a un peu de Reagan dans Fondation foudroyée. Un certain désir d'ordre (peut-être inconscient) se manifeste par ailleurs dans cette quête quasi névrotique de la cohérence qui demande l'organisation de la fiction pour y intégrer toute l'œuvre de l'auteur (ainsi les robots et les Immortels). Il n'y a pas ici seulement la suite d'une trilogie : c'est maintenant la clé de voûte de tout Asimov. Ce qui pourrait être un clin d'œil à l'amateur se révèle bien plus un souci de mise en place ordonnée d'une œuvre qui doit pour son auteur former un bloc unique, sans failles et sans échappées anarchiques. Peut-on vivre en vase clos ?
Dans un futur très lointain, l'Humanité a colonisé toute la Galaxie sous l'égide d'un puissant Empire que tous voient éternel. Tous, sauf Hari Seldon, sociologue et mathématicien de génie. Grâce à la psychohistoire, cette science qui permet de prédire statistiquement l'avenir des sociétés humaines, il est le seul à comprendre que l'Empire est décadent. Son effondrement est inévitable, mais il est possible de réduire substantiellement la période de chaos qui s'ensuivra ; à cette fin, il établit deux Fondations, l'une au grand jour et l'autre dans le secret, qui seront les germes d'un nouvel Empire, plus fort et encore plus durable.
D'entrée, soyons net : le cycle de Fondation n'usurpe certainement pas sa réputation de grand classique. Asimov tisse une toile d'intrigues politiques et de manipulations d'une finesse rare, et ce dans les décors les plus variés. Il lui faut environ la moitié du premier volume pour trouver ses marques, et ensuite, le feu d'artifice du Maître commence. Le rythme est haletant, et le lecteur va avec bonheur de surprise en surprise, et de coup de théâtre en coup de théâtre. La tension est à son comble à la fin du second volume (certainement le mieux amené des quatre), et sa résolution dans le troisième suscite de nouvelles surprises. Seul Fondation foudroyée, d'écriture bien plus tardive, est quelque peu décevant en comparaison ; Asimov quitte un peu la dimension intrigante pour s'attarder sur le space opera. Si ce volume reste agréable à lire, on n'y retrouve plus la vivacité qui faisait le génie des trois premiers.
En un mot comme en cent, c'est de la SF de très haute volée. L'âge du texte (que seuls quelques insignifiants détails viennent trahir) ne l'a en rien affaibli ; son intrigue, tellement futuriste, est intemporelle. Les trois premiers tomes au moins doivent figurer dans toute bibliothèque de SF digne de ce nom !