Ayant compris que ces temps ci, le public était particulièrement sensible au phénomène des séries, les éditeurs américains ont vivement encouragé leurs auteurs vedettes à reprendre des ouvrages ayant établi leur réputation, pour nous en livrer les séquelles. Cette mode a donc permis à des titres comme Prelude to Foundation d'Asimov ou 2061, Odyssey Three de Clarke, pour n'en citer que quelques-uns parmi les plus récents et les plus typiques de ce phénomène, de voir le jour.
Sheckley, quant à lui, a choisi d'écrire une suite à son roman
La dixième victime (Carré Noir n°250), roman qui avait d'ailleurs été tiré de sa nouvelle
La septième victime (in
Le prix du danger J'ai Lu n°474) pour les besoins du film d'Elio Petri qu'il cite à la page 59 d'
Arena. Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser,
Arena peut se lire indépendamment !
L'intrigue de ce roman est particulièrement simple, et même un peu trop à mon goût. Esméralda est une île des Caraïbes appartenant à une multinationale. C'est un paradis touristique totalement factice (les promoteurs ont tout rasé pour reconstruire une ville d'aspect médiéval ; la population a été chassée pour être remplacée par des paysans venus du monde entier, sélectionnés sur leur apparence physique). Mais la grande attraction d'Esméralda, c'est la Chasse, c'est-à-dire le Meurtre d'une Victime par un Chasseur dûment homologué par un Contrôleur des Chasses, l'assassinat légalisé, règlementé par un ordinateur gouvernemental. En ce vingt et unième siècle où la paix règne sur une Terre usée par la pollution et l'exploitation abusive de ses richesses, des hommes ont créé ce lieu où tout ce qui est normalement répréhensible est ici adulé.
Ce qui frappe d'emblée en ouvrant ce livre, c'est sa faible longueur (approximativement celle d'un Fleuve Noir Anticipation). La chose est pour le moins surprenante, quand on songe à toutes ces énormes nouveautés US. Mais ce que l'on retiendra après avoir lu cet ouvrage, c'est son classicisme qui en fait à la fois sa force (relative) et sa faiblesse. Sa force parce que le public n'aime pas être dérangé dans ses petites habitudes ; sa faiblesse parce que l'inconditionnel sheckleyien que je suis, n'a retrouvé ni l'imagination un peu folle du romancier ni l'impact du novelliste. Certes l'humour est présent, c'est bien la moindre des choses, mais l'ensemble demeure trop sage. On passe d'une chasse à l'autre, jusqu'au bouquet final, sans ennui mais aussi, hélas, sans passion ni étonnement. Quant à la conclusion de ce roman, elle est traitée de façon trop abrupte, ce qui laisse un goût d'inachevé. Un comble pour un auteur dont les meilleures histoires « à chute », celles de la période Galaxy, sont parmi les plus célèbres du genre !
Un Sheckley de moyenne cuvée donc, même si Arena est agréable à lire. Espérons que la suite d'Arena, intitulée Hunter/Victim (à paraître toujours chez Denoël, en 89) sera un peu plus excitante.
Thierry BOSCH
Première parution : 1/10/1988 dans Fiction 401
Mise en ligne le : 11/1/2009