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Retour à la Terre - 3

ANTHOLOGIE

Textes réunis par Jean-Pierre ANDREVON

Cycle : Retour à la Terre  vol. 3


Illustration de Stéphane DUMONT

DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur n° 242
Dépôt légal : 3ème trimestre 1977
Première édition
Anthologie, 256 pages, catégorie / prix : 2
ISBN : néant
Format : 11,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     La science-fiction souriante, de nos jours, ça se fait rare, et ce n'est pas un hasard : c'est que le monde, la société, la vie, comme on voudra, offrent peu de prétexte à sourire. C'est pourquoi Retour à la terre, troisième du nom, ne reculant devant aucun sacrifice, commence par un texte d'une extrême drôlerie : « La guerre du pou ». Il s'agit, on s'en doutera, d'une satire antiguerrière et antimilitaire. C'est une cible de choix, mais il y en a d'autres, visées dans le cours du volume : la technologie, le travail, l'atome dit pacifique, le racisme — entre autres. Autant dire que cette anthologie, comme les deux précédents, ne décolle du réel que pour y retomber à pieds joints.
Critiques
RETOUR FUTURISTE A LA TERRE TOXIQUE
Match en cinq rounds, plus un d'observation  :
FACE A FACE
deux équipes françaises conduites par

  • JEAN-PIERRE ANDREVON
     à ma gauche :
     Retour à la terre 3
     éditions Denoël
     collection Présence du Futur
     256 pages dont
     12 blanches
     neuf récits d'auteurs différents
     dont un de J.P. Andrevon.

  • Michel DEMUTH
     à ma droite :
Toxico futuris
éditions Opta
Fiction Spécial n° 28
256 pages dont
7 blanches
douze récits d'auteurs différents
sans Michel Demuth.


     Par un heureux effet du hasard, aucun des participants d'un recueil ne figure dans l'autre : au total donc, vingt et un texte signés par vingt et un (pardon, vingt-deux, iI y a un couple  !) écrivains français. Ce qui prouve que la S.F. nationale ne se porte pas si mal, surtout si l'on sait que sont absents du lot quelques “professionnels” du genre  : André Ruellan, Gérard Klein, Daniel Drode, Bernard Villaret, Christian Léourier, Pierre Christin, Philippe Goy, Michel Demuth, Francis Carsac et Dominique Douay.
     Autre remarque (pour achever ce tour d'horizon statistique) : une seule femme dans le recueil de Demuth — Katia Alexandre, accolée à Michel Jeury — et une seule femme dans le recueil de Jean-Pierre Andrevon — Christine Renard en solo — (où sont donc nos “espoirs” féminins  ?).
     Ces quelques jalons posés, arpentons à présent les deux dangereux territoires que nous proposent Andrevon et Demuth.
     Remarque numéro un  : les anthologies françaises s'améliorent. La preuve en est ces deux volumes que, presque sans hésiter, j'oserai comparer à la plupart des compilations anglo-saxonnes. Il y a des idées, c'est normal en France. Il y a du “punch”. Il y a un ton “bien de chez nous”. La littérature française de spéculation arrive peu à peu à son “top-niveau” pour abuser d'une autre expression à la mode. En conclusion : continuez, les petits 1, le public ne pourra plus vous bouder bien longtemps. Le lecteur, accidentel peut-être, doit en tous cas y trouver son compte.
     Remarque numéro deux  : pour sa première anthologie française, Michel Demuth nous propose une manière de réussite, surtout eu égard aux difficultés qu'il a rencontrées et qu'il exprime avec mesure dans sa préface. Andrevon quant à lui vient d'effectuer un sérieux virage avec sa récolte annuelle : comme si, une fois admis que la référence à l'espace n'est plus nécessaire, ses auteurs pouvaient désormais se livrer à mille facéties dans le milieu pourri qui est/sera le nôtre. Dans un volume comme dans l'autre, adieu donc espace chéri. Et en avant pour une saine plongée dans le bouillon de culture de notre sympathique société.
     Remarque numéro trois  : la plupart des textes auraient pu figurer indifféremment dans un recueil ou dans l'autre. C'est dire que l'éventail du propos s'est suffisamment ouvert pour échapper aux écueils habituels des anthologies à thèmes comme le sont cependant les deux volumes en question.
     Enfin, remarque numéro quatre  : si l'anthologie d'Andrevon adopte désormais pour thème que la terre et la société sont pourries, alors qu'est-ce qui se passe  ?, celle de Demuth précise simplement que la société est ce qu'elle est à cause de la médecine et des médicaments. Restriction qui en est à peine une si l'on y réfléchit un peu.

     Rappel de l'arbitre (extrait du nouveau serment d'Hippocrate) : tous les maux sont permis, et si vous n'en n'avez pas assez, inventez-en  !


     ROUND D'OBSERVATION :

     Et puisqu'il faut bien commencer quelque part, entamons le débat avec J.P. Andrevon.

     Candidat  : Roger Blondel. Récit : La Guerre du Pou.
     Comme à l'Opéra, c'est l'ouverture. Avant le lever de rideau constitué par une longue présentation des protagonistes. Un petit bijou qui lance mille feux de ses mille arêtes tranchantes comme du diamant Un texte rare parce que fable, parce que vitriol, parce que succulent et truculent, un texte signé de notre plus grand “ancien” et, paradoxalement, l'auteur le plus “jeune” de ce volume. Cadeau inattendu en outre dans la mesure où B.R. Bruss se fait regrettablement oublier.
     Bref, une guerre grand éclair où les loups humains ont le bon goût de succomber sous les coups mous des sur-poux. Qu'est-ce que je pourrais dire de plus de ce fou d'artifice ? Un pied-de-nez ! Le pied au cou ! Le coup de pied oc ! En tout cas, les grandes orgues pour ouvrir la porte au délire.
     De l'autre côté, Michel Demuth.
     Candidat : Yves Frémion. Récit : Pipi, caca, bobo. Après la fable, le conte de fouet. C'est dans la règle. Les adversaires ont le droit d'user des tactiques les plus féroces. Au lieu de se défendre, ils peuvent surenchérir. De la raillerie, on en arrive donc au sarcasme. Après l'humour, l'humeur de mort. La statue du commandeur est au rendez-vous. A vous Don Juan Zarmot ! Les jeux gargantuesques n'ont pas aussi vieilli qu'ils pouvaient en avoir l'air. A faire hurler ou s'esclaffer. Parce que c'est mordant, gouailleur, irrévérencieux. Juan-qui-rit et Juan-qui-pleure sa ration de pilules pour manger, pour digérer, pour éructer, pour rêver, pour bander, pour... “L'an pire des sens”, devait se dire Zarmot avant l'ultime plongée. Réplique magistrale au récit précédent.
     Le premier round peut commencer.

     PREMIER ROUND :

     Côté Andrevon : Candidat : Alain Dorémieux. Récit : Deux personnages dans un paysage vide.
     Deux personnages dans un paysage vide constitue un “come back” remarquable, et, je l'espère, remarqué, de celui qui fabriqua sans doute plus d'un rêve érotique à certains d'entre nous, créa des vocations, en découragea d'autres, aurait pu devenir l'un des plus grands écrivains fantastiques de ces vingt-cinq dernières années et se contenta tout simplement d'un rôle d'éminence grise de la SF française avant de s'évanouir quelque part vers la mer océane. Après Daniel Phi 2, le choc est de taille. On retrouve l'élégance d'un style affirmé, une maîtrise du mot et du verbe rare sinon unique, du moins dans le recueil. Le récit lui-même se déroule en douceur, comme des vagues lentes apportant chacune un nouveau flux d'images et de reflets, un peu plus d'obsessions et de terreurs, effaçant insidieusement les dernières attaches au confort de son personnage et du lecteur. Autre fin du monde, sans doute, mais cette fois, peut-être plus intérieure et donc plus insoutenable encore. Récit majestueux comme ses horizons, mélancolique comme son automne, tendre comme son fantasme, il nous fait regretter plus encore l'indolence dont son auteur se targue. A moins que... Ou plutôt, pour rappeler ici un Jean-Louis Bouquet dont le souvenir m'est cher, ce souci de perfection dans la composition et son écriture ne serait-il pas l'élément aliénant qu'Alain Dorémieux cache derrière sa soi-disant paresse ? J'ose espérer bientôt que son faux alibi n'interdira plus de retrouver souvent sa signature.

     Côté Demuth : Candidat : Philippe Curval. Récit : Journal volé à une jeune fille.
     Changement radical de style, de thème, de manière. Curval ne fignole pas, ne semble pas autant s'attacher à la forme. Il se veut efficace. Et il l'est, bon Dieu ! Comme si les produits pharmaceutiques ne suffisaient pas à sa hargne, voilà qu'il crée les distribanques de drogues, de tranquillisants physiques et psychiques par religion interposée. Personnage principal : une jeune fille secouée par quelques bouffées romantiques, bousculée par le doute, fragile et, en fin de compte, soumise. Le sujet, une petite pointe de fièvre d'une existence modèle de sujet moyen dans une société hyper-contrôlée par l'intermédiaire des confessionnaux. Un texte qui confirme la place prise par Curval depuis son Prix Apollo 1977.

     DEUXIEME ROUND :

     Côté Andrevon : Candidat : Christine Renard. Récit : Entre parenthèses.
     Voilà un texte que j'aime énormément, comme du reste la plupart des nouvelles de Christine Renard. Je ne sais pas vraiment pourquoi. L'année passée, j'avais osé considérer Les Mondes Intérieurs comme la meilleure nouvelle française de l'année. Il parait que j'avais tort. Peut-être qu'une fois de plus la “façon” de Christine provoque en moi une sorte de réaction pavlovienne. De toute façon, voilà exactement le genre de récit que j'aurais aimé écrire. L'histoire est fort belle ; belle et simple ; évidente, dirais-je, de la manière dont elle est développée. Elle est aussi destructrice que les récits qui la côtoient. Mais. comme chez Dorémieux, la violence perce entre les lignes ou derrière les images. Puzzle, jeu de miroirs, pièges gigognes, les paragraphes se substituent pour ainsi dire les uns aux autres pour faire basculer les “réalités” les unes après les autres ; réalités voulues/non voulues d'un quotidien confortablement nôtre, enfin je veux dire banal, douillet, avec boulot-dodo, parties de cartes et juke-box... Le bonheur pour tous en définitive puisque déterminé, révélé, imposé enfin. Fin du monde par la programmation ? Plus exactement, fin des rêves vrais, des rêves faux : cauchemars roses.

     Côté Demuth : Candidat : Katia Alexandre et Michel Jeury. Récit : L'adieu aux lucioles.
     Malgré Katia, on reconnaît Michel où qu'il soit, et ce n'est pas cette nouvelle qui me contredira. Ballet d'amour, ballet de mort, à moins que le temps ne s'emmêle... Un récit qui coule comme une symphonie, nous imprègne comme une chanson ; avec intrigues, spectres en robes blanches : et toujours cette inquiétude du jour et de la nuit qui se succèdent inlassablement, sans possibilité d'interrompre le mécanisme. A moins que la mort... Jouer avec elle, la tromper, tirer sa révérence au monde sans pour autant le quitter. Mais ici, étrangement, le remède n'est plus l'ennemi. Il devient le complice. Pris en flagrant délit de détournement d'anthologie, Michel-Katia s'en prend alors au docteur inconscient ou irresponsable. Et le punit d'un sort identique à celui de la victime consentante/aimée. Belle histoire d'amour au-delà du temps. Du Jeury, quoi ! (qu'en dise Katia).

     Pause : Après consultation, le jury est d'accord pour un partage des points. A ce stade de la compétition, il n'est pas possible d'accorder un avantage à l'un des adversaires. Trois points pour Andrevon et trois points pour Demuth.

     TROISIEME ROUND :

     Côté Andrevon : Candidat : Pierre Pelot. Récit : Un amour de vacances.
     Pelot : on connaît. C'est un nom, un label, une garantie. La certitude avant de commencer que l'on va passer un bon moment, que ça pourrait faire mal, que... Ouverture — crochet du droit — upercut à la face — break — direct au foie... Tout cela dans la foulée. Car Pelot a un truc ! Et à tous les coups, il gagne. Il se bat pour ce but unique. Il se bat avec les mots, avec lui-même. C'est pourtant limpide, frais et vivant. Ici, l'aventure est toute simple : un amour de vacances, au cours d'une cordée durant laquelle, peu à peu, lui et elle, jusqu'à ce que... Bref ! Une histoire d'amour au cours d'une escalade. L'astuce, c'est que le groupe ne se lance pas dans la conquête des Grandes Jorasses mais tout simplement d'un “ding” (lisez : building), en un futur où il fait meilleur vivre sous terre parce que l'atmosphère est mélasse et que ses rares occupants n'y font pas de vieux os. Buildings en ruines donc, avec façades défoncées, “charognards” aux aguets, pastilles-filtre à la bouche des conquérants. Mais tout en haut, il y a le vent, le clair de lune et deux jeunes gens qui vont s'aimer, hors du futur. Comme par le passé. Le passé du futur dont rêvent nos auteurs écologistes.

     Côté Demuth : Candidat : Daniel Walther. Récit : Tango : nécrose lente.
     Futé. au fond, notre D.W.. en s'adjoignant, manière de rien, les services de Michaèl Sarne 3 et en oblitérant celui qui aurait dû figurer au sommaire de ce Toxico : le Dr Ruelstein soi-même dont le Manuel du Savoir-Mourir a servi de guide au héros de cette étrange histoire. Je me demande encore en parcourant à nouveau les lignes si j'ai parfaitement saisi toutes les intentions. Mais cela a-t-il tellement d'importance ? Je me suis laissé emporter par un jeu bizarre d'un personnage psychique. Qui n'aimerait succomber aux charmes vénéneux de Myra, pardon, Raquel Brokenbridge, au risque de rejoindre l'enfer ? A moins que le côté Jekyll de ce monsieur Erdocrian/Hyde ne soit pas celui que l'on croît. Et je m'en f... Après sa “Canonnière Epouvante”, Walther nous est revenu, et. sens en avoir l'air, plus efficace que jamais.

     Avis des commissaires : après ce troisième round, égalité des points maintenue.


     QUATRIEME ROUND :

     Côté Andrevon : Candidat : Andrevon lui-même. Récit : La futur t'attend.
     Et voici donc Andrevon en lice. Apres Walther. c'était dans la norme, et cinéma pour cinéma, passons de l'autre côté de la caméra. Décor : un studio de tournage en l'an deux mille et quelque représentant un petit coin du Périgord (près d'Issigeac, vous connaissez ?) de l'an mille neuf cent et des poussières. Sujet : la traversée du miroir. Prétexte : batifoler comme au bon vieux temps dans la luzerne. Mais oui ! Ça arrive à n'importe qui de se souvenir qu'on a été jeune dans les années quarante, alors .qu'il y avait du pain blanc dans les campagnes, qu'on pouvait boire le lait à peine tiré, que la grande pièce, à la ferme, était éclairée à la lampe à pétrole. Donc, Andrevon rêve, galope, écologise, bucolique, tendre et nostalgique. Pas un texte fracassant, non ! Juste quelques pages de bonheur tranquille qui s'effiloche au fil d'années coulant de plus en plus vite, plus vite, vite... Un instant : celui d'un souvenir, d'un rêve. Fondu au noir. Out !

     Côté Demuth : Candidat : Bernard Mathon. Récit : Rond et lisse comme le désespoir.
     Et si les remèdes-drogues pouvaient permettre de se refaire le portrait ?
     Encore une histoire d'amour, à une époque où les hommes vrais se font de plus en plus rares. Elle aime Lui. Lui aime Elle. Il lui fait un enfant mais suscite la jalousie de l'Autre, la femme fatale des laboratoires tout-puissants. Emasculation. Avortement : NON ! Bernard Mathon n'atteint pas ici les flamboiements d'autres nouvelles où il déployait plus de verve. Pourtant, ce rêve fou que caressait Icare, ce rejet inconscient d'ersatz phalliques ou vaginaux, cette haine de tout ce qui vient troubler les doux élans : II y a beaucoup de tendresse sous la violence — un cœur sous le cuir. Les Jeunes loups reliraient-ils Lamartine ou Musset leurs soirs d'insomnie ? Je ne saurais que les en féliciter. Tant qu'il restera une seule fleur dans l'océan de fange, on aura le droit d'espérer.

     CINQUIEME ROUND : et dernier.

     Côté Andrevon : Phi — Durand — Blanc — Cheinisse.
     Côté Dernuth : Da Fast — Daniel Klein — Barlow — Houssin — Demèze — Leriche et Fontana.
     Au poids, net avantage pour Demuth.
     Pour une simple question d'équité et de fausse modestie, je retirerai ma candidature (et, bien sûr, j'écarterai également celle de Daniel Klein). Enfin, J'enlèverai le récit d'Yves Dermèze qui peut fort bien se passer de louanges ou de coups de bâton. Voici donc à égalité de chances nos deux adversaires. En place pour le final.

     Epluchons le camp Andrevon.
     Phi = Un si bel I.M.P. : Je lui accorderai le bénéfice du courage et d'un tonus bien venu qui rachètent un manque de métier que l'on oublie peu à peu au fil des pages. Voici cependant une apocalypse qui révèle un auteur plus virulent que ne le laissaient supposer sa mine de gentil garçon et ses écrits antérieurs. Un étalage de tripes qui tendrait à prouver que la fiction spéculative peut être considérée comme une radiographie de l'âme de ceux qui l'utilisent.
     Fidèle à lui-même, René Durand se rentre dedans avec Petits moments exquis... Rien d'autre qu'un flash : éclair éblouissant et douloureux. Un homme, une femme et entre eux le coucher, le manger coûte que coûte. Une journée en fin de compte avec l'amertume au réveil, la faim sur le midi et la copulation dans les broussailles. Deux animaux humains acharnés à survivre malgré TOUT. Sans autre commentaire.
     Les fœtus ne passeront pas retrouve une idée déjà évoquée par Bernard Mathon et qui sert aussi de support à la mienne. Je veux parler de la stérilisation ou de l'avortement obligatoires. Les motifs de Blanc sont plus noirs que les miens en ce sens qu'à mes motivations “esthétiques” il a substitué un prétexte industriel. On retrouve aussi les bonnes obsessions de notre “militant” : flics, manifs, racistes, des chatons ou des bébés qu'on écrase, du travail LipLipLip à la chaîne, super-bombe-H, S.O.S., C.R.S.... Style à l'emporte-pièce, sujet un peu forcé. Bernard en fait trop en voulant trop bien faire. Défaut de Jeunesse, dirait ma longue barbe.
     Et pour finir Cheinisse, celui que l'on ne lit pas très souvent et c'est dommage. Il nous cumule ici deux poncifs pour une amusette dont la férocité n'a pas d'égale dans les pages qui précèdent. Juste trois petits mots : les trois derniers. Pour démontrer que le voyage vers l'avenir ne démantèlera pas le mythe errant du Juif (je n'allais pas rater celle-là !). Voilà un modèle de nouvelle à chute sur laquelle méditer. Un retour à la terre brutal, comme l'ensemble de ce troisième recueil d'excellente cuvée.
     Conclusion des experts : Les anthologies d'Andrevon, comme les vins de Romanée, se bonifient avec l'âge. Il sera fichtrement difficile de faire mieux.

     Voyons les derniers champions de Michel Demuth à présent. Jan de Fast : Mens sana in corpore sano. Dommage ! Dommage que la nouvelle ne s'achève pas à l'histoire de Martin-Dubois. Non que la suite offre peu d'intérêt  ; seulement celui-ci décroît au fur et à mesure des pages et de la conviction du lecteur que tout va finir par s'arranger. Cette substitution d'un pseudo-bien pour un mal — du moins à mon sens — relève davantage d'une certaine collection que pratique l'auteur. Je préfére donc ne retenir que la première partie qui introduit fort bien le volume à couverture pelliculée aux gélules rigolardes et aux suppositoires en goguette. Ne pas dépasser le dose prescrite, d'accord, mais au moins s'y conformer.
     L'écheveau embrouillé de G.W. Barlow est tout à la fois un exercice de style, un monologue intérieur, une expérience, un désarroi. En la circonstance, le récit importe donc moins que le cheminement d'une pensée, déroutée d'abord vers un autre univers puis perturbée par le choc en retour. Rien de neuf, rien de génial. Là encore, l'efficacité toute simple. (Je me sens en veine de sympathie aujourd'hui.)
     Houssin Joël nous donne avec Cinq cents milligrammes d'enfer la franche révolution qui fait éclater les viscères et les cervelles. Après tout ce qu'on a pu lire précédemment, je pourrais dire que trop c'est trop. Je me montrerai une nouvelle fois condescendant (en un seul mot s.v.p.) : là encore il y a trop de bonnes idées pour qu'on ne trouve pas de quoi planer. Seulement, attention les gars !, c'est un peu facile les résolutions à coup de guéguerre et ça pourrait finir par fatiguer.
     Michel Leriche (tiens ! connais pas) nous dit : Soyez patients. Et on l'est, parbleu ! Son récit en vaut la peine. Il est peut-être dommage que la fin soit un peu tirée par les cheveux car les avatars du personnage central paraissaient vouloir entraîner une autre conclusion. Mais comme notre nouveau (je suppose) Michel en est encore aux coups d'essai, attendons qu'il transforme (re-dixit Roger Couderc) avec plus de métier. Un conseil à retenir : se méfier des vaccins, des vagues sains, saints, sains, ceints... Tiens ! voilà que j'ai la fièvre.
     Conclusion des experts : L'anthologie de Demuth forme un tour d'horizon très varié des périls que les laboratoires pharmaceutiques nous proposeront sans tarder. Une potion à douze ingrédients agréables à avaler. On redemande une autre dose.

     Décision de l'arbitre : Compte tenu des éléments et des systèmes employés, je déclare la match nul.
     La date du prochain combat sera fixée ultérieurement.

Notes :

1. Comme dirait Roger Couderc
2. L'auteur qui le précède dans le recueil
3. Pour les néophytes, réalisateur de Myra Breckenridge (Hermaphrodite) — 1970 — avec Raquel Welch et John Huston entre autres.

Jean-Pierre FONTANA (site web)
Première parution : 1/12/1977 dans Fiction 286
Mise en ligne le : 15/12/2001

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