DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 109 Dépôt légal : août 1985, Achevé d'imprimer : août 1985 Retirage Recueil de nouvelles, 322 pages, catégorie / prix : 7 ISBN : 2-207-30109-5 Format : 10,8 x 17,8 cm✅ Genre : Science-Fiction
Le roi Clapaucius est nommé à tort Klapaucius dans le résumé. Les nouvelles N° 4 à 12 sont regroupées sous le (sur)titre : "Les sept croisades de Trurl et Clapaucius". Cette édition contient trois nouvelles supplémentaires par rapport à l'édition originale en VO de 1965, et de la VF (Denoël) de 1968. Ces trois nouvelles, les premières du sommaire, sont d’abord parues dans le recueil "Bajki robotów", Pologne, 1964 (VF : "Contes inoxydables", 1981, Denoël, où elle n'apparaissent pas). La nouvelle "Le Prince Ferrice et la princesse Cristalie" a disparu de cette édition, elle se trouve dans le recueil "Contes inoxydables".
1 - Comment le monde échappa à la ruine (Jak ocalal swiat, 1964), pages 11 à 17, nouvelle, trad. Dominique SILA 2 - La Machine de Trurl (Maszyna Trurla, 1964), pages 19 à 31, nouvelle, trad. Dominique SILA 3 - La Grande rossée (Wielkie lanie, 1964), pages 33 à 40, nouvelle, trad. Dominique SILA 4 - Première croisade ou le piège de Gargancien (Wyprawa pierwsza, czyli pułapka Gargancjana, 1965), pages 41 à 55, nouvelle, trad. Dominique SILA 5 - Croisade No 1 bis ou l'électrouvère de Trurl (Wyprawa pierwsza A, czyli Elektrybałt Trurla, 1965), pages 56 à 71, nouvelle, trad. Dominique SILA 6 - Seconde croisade ou l'offre du roi férotien (Wyprawa druga, czyli oferta króla Okrucyusza, 1965), pages 72 à 103, nouvelle, trad. Dominique SILA 7 - Troisième croisade ou le dragon des probabilités (Wyprawa trzecia, czyli smoki prawdopodobieństwa, 1965), pages 104 à 123, nouvelle, trad. Dominique SILA 8 - Quatrième croisade ou comment Trurl recourut au féminotron dans le but de délivrer le prince Pantarctique des tourments de l'amour et comment l'on en vint subséquemment à faire usage du lance-mômes (Wyprawa czwarta, czyli o tym, jak Trurl kobietron zastosował, królewicza Pantarktyka od mąk miłosnych chcąc zbawić, i jak potem do użycia dzieciomiotu przyszło, 1965), pages 124 à 134, nouvelle, trad. Dominique SILA 9 - Cinquième croisade ou les tours du roi Jambonnier (Wyprawa piąta, czyli o figlach króla Baleryona, 1965), pages 135 à 154, nouvelle, trad. Dominique SILA 10 - Croisade No 5 bis ou la consultation de Trurl (Wyprawa piąta A, czyli konsultacja Trurla, 1965), pages 155 à 164, nouvelle, trad. Dominique SILA 11 - Sixième croisade ou comment comment Trurl et Clapaucius conçurent un démon de seconde espèce afin de terrasser l'infâme Grandgueulier (Wyprawa szósta, czyli jak Trurl i Klapaucjusz demona drugiego rodzaju stworzyli, aby zbójcę Gębona pokonać, 1965), pages 165 à 186, nouvelle, trad. Dominique SILA 12 - Septième croisade ou comment la perfection de Trurl fut à la source de bien des maux (Wyprawa siódma, czyli o tym, jak własna doskonałość Trurla do złego przywiodła, 1965), pages 187 à 198, nouvelle, trad. Dominique SILA 13 - Histoire des trois machines à raconter du roi Genialain (Bajka o trzech maszynach opowiadających króla Genialona, 1965), pages 199 à 280, nouvelle, trad. Dominique SILA 14 - L'Altruizine ou l'histoire véridique de l'ermite Bonnas lequel voulut faire le bonheur de l'univers et ce qui s'ensuivit (Altruizyna, czyli opowieść prawdziwa o tym, jak pustelnik Dobrycy Kosmos uszczęśliwić zapragnął i co z tego wynikło, 1965), pages 281 à 314, nouvelle, trad. Dominique SILA
Ce sont des contes. Avec monarques, cours et royaumes, armes et édits, monstres et dragons, et même vœux à exaucer. De la fantasy, donc. Un prince est amoureux de l'héritière de l'empire ennemi, un roi n'aime rien tant que jouer à cache-cache, un autre cherche désespérément un monde à opprimer, un démon dévide tous les secrets de l'univers devant un pirate aux cent yeux et, de façon générale, les souverains essaient d'échapper à leurs obligations pécuniaires. Et si les machines sont omniprésentes, beaucoup seraient remplaçables par des enchantements façon Mille et Une Nuits, depuis les cormes à échanger les personnalités jusqu'au royaume lilliputien contenu dans une boîte, en passant par la machine à versifier sapant le moral de tous les poètes, le conseiller mécanique par ailleurs télépathe ou des juristes verbeux.
Reste qu'il s'agit de machines. Y compris les personnages récurrents, Trurl et Clapaucius, constructeurs de ces invraisemblables machineries, vieux amis se détestant cordialement, et dont on apprend petit à petit (ou dès la quatrième de couverture) la réalité mécanique et l'appartenance à une de ces civilisations robotiques se succédant tous les 50 000 ans depuis la disparition des blafards (nous, quoi...). On ne s'étonnera pas que l'électrorimeur soit équipé d'égocentriseurs à introversions, avec leurs compresseurs narcissiques, que le rendement effectif du féminotron atteigne 96% dans le spectre voluptuaire pénétrant, ni que la théorie générale des dragons ait été élaborée à l'École supérieure de néantologie, qu'iceux dragons soient (im)probabilistes, ou que les démons soient magiques mais aussi thermodynamiques, anticlassiques et statistiques (et aient quelque lien avec celui de Maxwell).
Ces machines d'avant l'électronique généralisée (l'ouvrage est de 1965) relèvent donc du n'importe quoi systématique. On le sait dès le début, dès qu'une machine haute de huit étages ne s'avère capable que d'additionner deux et deux en se trompant et en se fâchant contre qui en fait la remarque, ou qu'une autre, pouvant créer tout ce qui commence par un « n », produise du néant et prive l'univers des merveilles que sont les baillons et les scontrelles. On ne peut que se réjouir. Et admirer le travail du traducteur, entre néologismes, approximations, jargons, noms de royaumes en avalanche, vers canularesques ou grandiloquents, etc. etc. etc. Le tout pour la jubilation du lecteur, qui a bien le droit de ne pas être sérieux. Et de se délecter de cette fantasy à réserver aux amateurs de SF...
Stanislas Lem est un auteur aimant l’humour et l’ironie. Il connaît également ses classiques et aime beaucoup les contes philosophiques tels que pouvaient les écrire Rabelais, Montesquieu ou Voltaire. La preuve ? La Cybériade, recueil de quatorze nouvelles de taille variable. Toutes mettent en scène Trurl, souvent accompagné de son confrère, ami et rival, Clapaucius. L’un et l’autre sont des constructeurs de machines plus étranges les unes que les autres. Et avec à chaque fois une bonne leçon de morale qui peut leur être infligée ou réservée à leurs clients indélicats. Comme nous sommes dans un livre de science-fiction, au moins dans la forme (dans le fond, la science y est très farfelue), les différents personnages sont eux-mêmes des robots ou des machines même s’ils se comportent parfois comme des êtres de chair et de sang.
Au fil des nouvelles, Lem va en profiter pour raconter les travers de ses concitoyens, mais également en filigrane ceux de la société dans laquelle il vit, à savoir la Pologne des années 60, sous la coupe de l’URSS et d’un communisme autoritaire. Il choisit pour ce faire d’utiliser tous les registres possibles de l’humour : de l’absurde aux jeux de mots en cascade en passant par le comique de situation, mais jamais le graveleux. La conception même des machines (dont un lance-bébés !), les problèmes à résoudre et même la description de l’univers (avec une population d’un État entier tenant dans une boîte à chaussures) relèvent du loufoque, et c’est ce qui fait une grande partie de la séduction de ces textes. Admirons au passage le travail de Dominique Sila, qui, dès la première nouvelle, a dû se livrer à des contorsions linguistiques pour restituer la saveur du texte original en restant compréhensible.
En revanche, gare à l’indigestion, mieux vaut picorer dans cette Cybériade plutôt que la dévorer d’une traite. Elle est peut être savoureuse, mais les aventures de Trurl et Clapaucius finissent par écœurer à être consommées d’un coup, et par barbouiller le lecteur au point qu’il ne se souviendra plus des différents événements et mélangera les noms et les péripéties, comme une Forêt noire trop riche et trop sucrée.