Une inquiétante malade réussit-elle à échanger sa santé déficiente contre celle, florissante, de son infirmière ? Une idole africaine, à une petite folle anglaise, peut-elle imposer sa domination sanglante aux blondes poupée de la chambre d'enfant ? une main embaumée est-elle devenue cette « bête à cinq doigts » qui sème la mort et la peur autour d'elle ? Voici quelques questions que suggère l'imagination débordante de William Fryer Harvey (1885-1937), le dernier des grands auteurs de la littérature fantastique anglaise à son apogée, dont l'œuvre était ignorée du public français. Avec un art diabolique, Harvey peut faire frissonner d'horreur son lecteur comme il peut faire naître en lui une sourde inquiétude. Jouant tour à tour des explications rationnelles et des hypothèses surnaturelles, il sait créer un climat apparemment banal. Quoi de plus rassurant que le tic-tac familier d'un réveil récemment remonté ? Mais quoi de plus angoissant s'il s'égrène dans une maison aussi hermétiquement close qu'inhabitée ?
Avec La bête à cinq doigts, considéré en Grande Bretagne comme un des classiques du genre, et avec ses vingt nouvelles, William Fryer Harvey apparaît comme un des « maîtres de la peur ».
La nouvelle titre traite évidemment un thème fantastique particulièrement en vogue au XIXème siècle, celui de la main coupée animée d’une volonté propre, qui aura inspiré des auteurs comme Maupassant (La main) ou Jean Ray (La main de Goetz von Berlinchingen).
Cette nouvelle la plus célèbre de Harvey, adaptée au cinéma en 1946 par Robert Florey , est probablement la plus effrayante de toutes celles qui exploitent ce thème du corps éclaté. Elle se déroule en deux parties : au début, la main d’un aveugle semble acquérir un talent d’écriture automatique, tandis qu’après la mort de son propriétaire, elle acquiert une autonomie totale et persécute le neveu du mort. Qu’est-elle ? Quels sont ses buts ? Cet Autre est d’autant plus terrifiant que nous n’en savons rien.
Harvey évite les effets saisissants. Ses histoires nous sont racontées de façon simple, comme si tout se déroulait le plus naturellement du monde, jusqu’au point de rupture. Le surnaturel s’installe alors de façon subtile et insidieuse, par petites touches, et le récit, à la limite du psychologique et du fantastique, bascule sans que l’explication surnaturelle soit toujours évidente.
William Fryer Harvey est un grand classique, injustement méconnu en France. Cette redécouverte ravira tous les amateurs de fantastique britannique et de Ghost stories.