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Le Don

Christopher PRIEST

Titre original : The Glamour, 1984
Première parution : Jonathan Cape, décembre 1984
Cycle : L'Archipel du rêve  vol. 2 

Traduction de Henry-Luc PLANCHAT
Illustration de Jackie PATERNOSTER

LIVRE DE POCHE (Paris, France), coll. SF (2ème série, 1987-) n° 7167
Dépôt légal : juin 1994
Roman, 320 pages, catégorie / prix : 10
ISBN : 2-253-07167-6
Format : 11,0 x 16,5 cm
Genre : Science-Fiction


Autres éditions

Sous le titre Le Glamour   DENOËL, 2008
   GALLIMARD, 2012
Sous le titre Le Don
   Robert LAFFONT, 1986

Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
Imaginez que vous puissiez aller partout sans être remarqué.
  Et vous servir à pleines mains, habiter chez des gens qui ne vous connaissent pas, pénétrer dans les chambres des femmes, ou des hommes. Vivre comme un roi secret. Ou comme un rat.
  C'est le Don.
  Sue l'a et en a peur. Richard découvre le Don.
  Mais Niall en est le maître incontesté, Niall l'invisible, qui joue avec leurs vies et leur amour comme un montreur de marionnettes.
 
  Christopher Priest, l'auteur du Monde inverti, nous donne avec Le Don l'un des romans les plus originaux et les plus fascinants de toute l'histoire de la science-fiction.
  C'est aussi une étrange histoire d'amour.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, Lunes d'Encre (2009)

     Il est des livres qui ont carrière éditoriale plus simple que celle du Glamour. Jugez-en plutôt : publié à l'origine en 1984, il fut traduit en 1986 sous le titre Le Don en Ailleurs & Demain. Mais, depuis, Christopher Priest, en perfectionniste qu'il est, s'est attelé plusieurs fois à réécrire le roman. La version publiée par Lunes d'Encre est celle de 2005 elle bénéficie de la traduction de Michelle Charrier - — qui s'occupe dorénavant de tous les livres de Priest publiés en France — — et retrouve son titre original du Glamour.
     Richard Grey se réveille, amnésique, dans une maison de rééducation. Il apprend qu'il a été victime d'un attentat à Londres, qui lui a enlevé la mémoire des dernières semaines ayant précédé l'événement. Aussi, quand Sue arrive à son chevet en prétextant être son ancienne amante, ne la reconnaît-il pas. Il entreprend alors un douloureux travail de réhabilitation, tant physique que mental, sans se douter qu'il n'est pas au bout de ses peines...
     Difficile de parler du roman sans déflorer une intrigue qui se dévoile petit à petit, mais après tout l'éditeur a déjà révélé le pot-aux-roses sur la quatrième de couverture : le Glamour du titre est un pouvoir classique, celui de devenir invisible. Mais Priest l'introduit ici avec une élégance certaine : il ne s'agit pas là d'une possibilité physique, mais bien mentale : ce n'est pas tant la personne qui se modifie que la perception qu'en a son entourage. Et chaque doué (chaque glam) sait se rendre à volonté visible ou non, même si pour cela il doit puiser dans ses réserves. Richard Grey - — qui, gros clin d'œil, exerce la profession de cameraman — — avait le glamour, mais l'a perdu à la suite de son accident. C'est tout l'enjeu de Sue : lui rendre son pouvoir, ce qui permettrait également au passage de la libérer un tant soit peu de l'emprise de Niall. Car il y a un troisième protagoniste dans ce roman : Niall, l'ancien amant de Sue, qui lui est complètement invisible en permanence. Au triangle amoureux classique se superpose ainsi un triangle glam, chaque pointe incarnant un rapport différent au pouvoir : il y a Niall qui l'utilise de manière forcenée et dévoyée, Sue qui hésite entre le monde visible et l'invisible, et Richard qui n'a plus le glamour. Les deux triangles vont se superposer, provoquant des luttes d'influence dont personne ne sortira indemne. Le glamour joue alors comme un révélateur de l'âme humaine dans toute sa complexité et, dans le cas de Niall, sa noirceur.
     S'il renouvelle adroitement le thème de l'homme invisible cher à Wells, ce roman le doit aussi à sa structure splendide : on lit au fur et à mesure la narration des événements par plusieurs protagonistes, à la première et à la troisième personne. Ce procédé classique trouve néanmoins toute sa force dans le fait que ce sont les mêmes événements qui sont narrés, mais de manière totalement contradictoire. On parle ici des fameuses semaines d'amnésie de Richard, véritable cœur de l'intrigue : Grey a des souvenirs, que l'on prend pour argent comptant, mais ils sont démolis par la narration de Sue. Le lecteur se retrouve alors dans la même position que Richard : il a cru trop vite des choses qui, sans doute, ne sont pas totalement vraies. Cette construction implacable trouvera son apothéose dans les dernières pages du livre, summum de manipulation de la part de l'auteur. On ajoutera que ce travail sur la perception de la réalité - — sans doute la thématique la plus importante dans toute l'œuvre de Priest — — est manié à la perfection, aucun détail n'étant laissé au hasard (pour preuve la fameuse carte postale), et se double d'un certain côté ludique qui n'est pas sans faire penser au David Lynch de Mulholland Drive : le lecteur pourra en effet comparer les différentes versions des événements pour y notera les passerelles
     En conclusion, l'auteur anglais montre une nouvelle fois l'étendue de son talent avec ce chef-d'œuvre subtil et dérangeant, qui malmène le lecteur. Ce talent qui fait sans doute de Christopher Priest l'écrivain le plus important du genre de ces dernières années.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 1/8/2009
nooSFere


Edition DENOËL, Lunes d'Encre (2009)

     Richard Grey a été soufflé par l'explosion d'une voiture durant un attentat à la bombe. Non lors d'une situation à risques qu'affectionne ce caméraman plusieurs fois primé pour l'audace de ses reportages, mais alors qu'il se rendait chez lui. Depuis, soigné dans un institut spécialisé, il réapprend l'usage de son corps, tente de recouvrer aussi bien sa mémoire physique que mentale, car Richard est devenu amnésique. Un matin, il reçoit la visite d'une jeune femme. Susan Kewley affirme être sa compagne, ou l'était plus ou moins, car leur relation se trouvait ternie par la présence de Niall, ancien amant de Sue. Toujours là sans véritablement l'être, il contrariait leurs rapports, sans que cela n'évoque rien à Richard. Jusqu'à ce qu'à l'occasion d'une séance d'hypnose conduite par le docteur Hurdis, les souvenirs affluent. Richard aurait bien rencontré Susan dans le train de Nancy en partance pour la Côte d'Azur, où ils auraient entamé leur relation. Partiels, partiaux, les fragments mémoriels se présentent en désordre, et non sans contradictions : Richard est persuadé à son retour chez lui qu'il manque une pièce dans son appartement. Susan affirme n'avoir jamais quitté la Grande-Bretagne. Cependant tous les souvenirs s'organisent autour d'une double constante : « La prétention répétée de Sue à l'invisibilité et sa relation obsessive, destructrice, à Niall. »

     Dans ses Nouveaux essais sur l'entendement humain, le philosophe Leibniz distingue l'identité personnelle de l'identité réelle. La première, assurée par la mémoire, suffit à garantir que l'on est soi, permanence du sujet à travers les modifications. Mon corps change, le contenu psychique évolue avec l'âge, mais je ne doute pas d'être moi. Pourtant, comme l'affirme Leibniz, la mémoire est imparfaite, sujette à l'oubli. De plus, incapable de se souvenir de notre propre naissance, il faut s'en remettre à la mémoire d'autrui pour s'assurer d'être soi, autrement dit faire confiance à d'autres. A l'inverse, l'identité réelle est assurée par la perception qui est ininterrompue tout au long de notre existence, y compris durant le sommeil.

     Cette évocation de Leibniz n'est en rien gratuite puisqu'elle contient les thèmes majeurs du roman de Christopher Priest, ainsi que l'affirme l'un des protagonistes : « Me crois-tu ? As-tu vraiment bonne mémoire ? Peux-tu te fier à ce dont tu te souviens, ou uniquement à ce qu'on te raconte ? » Reste donc la perception, mise à mal dans Le Glamour où il est question d'invisibilité. Mais comme souvent chez Priest, les énoncés se confirment ou se contredisent au fil de la narration. Ainsi par exemple des invisibles qui se nomment eux-mêmes « glams ». Pour glamour, de l'antique écossais « glammer », charme que lançait une sorcière à la demande d'un prétendant qui souhaitait ainsi soustraire sa fiancée aux yeux des hommes. Cette information nous est donnée par Sue qui la tient de Mrs Quayle, son initiatrice, femme d'âge mûr et spirite dont il nous est dit plusieurs fois qu'elle développe ses propres explications. Or, on retrouve exactement les mêmes termes de « nuages » et « vrilles » dans la bouche de n'importe quel invisible isolé. Car ceux qui possèdent le don forment davantage un agrégat qu'une communauté. Ils sont des marginaux, à l'espérance de vie réduite du fait de leur capacité.

     Plus étonnant encore est la nature de Susan. De son propre aveu, elle était une enfant terne, aux notes moyennes en classe, non pas transparente mais difficile à remarquer. « Je rôdais juste sous la surface de la normalité. » A ce point normale qu'elle en devient anormale pour la norme, les gens ordinaires. Ce que confirme point par point la mère de la jeune femme lors d'une visite impromptue de Richard : « Dites-lui, s'il vous plaît. Dites-lui exactement ça : j'aimerais la voir. » Sue qui, s'adressant à Richard dont elle connaît l'amnésie, lui dit : « Je n'aime pas que tu me regardes, tu le sais parfaitement. » A nouveau, mémoire et perception.

     Sans parler des souvenirs de Richard qui, d'après son médecin, pourraient relever de la paramnésie. Autrement dit d'une mémoire factice, dont les souvenirs seraient inventés. Deux éléments récurrents viennent rythmer le récit, que Priest éclaire à chaque fois d'un jour différent. Tout d'abord une carte postale où est écrit : « Dommage que tu ne sois pas là » et signée d'un X, dont l'envoyeur et le destinataire ne cessent de changer. Et puis la France, un pays de chromo où les gens se déplacent en vieille Citroën, dont les serveurs de restaurant portent cheveux gominés et fine moustache. Un dîner y coûte cher, trois mille anciens francs, trente francs français (p. 79) alors que plus loin dans le récit on paye un vin en euros (p. 241). Niall fume forcément des Gauloises, au paquet bleu timbré d'un Made in France destiné à l'export. Sachant que Priest connaît la France et qu'il a récrit son roman, tout cela sonne faux, et donc juste, ces éléments ayant pour but de déstabiliser le lecteur. Tout comme un pronom, un simple mot qui renverse le récit et nous invite à le relire aussitôt à l'aune de cette information. Ce tour d'escamotage réjouira ceux qui ont lu Le Prestige.

     Enfin, il y a Richard. Du fait de ses horribles cicatrices, son corps est, littéralement, non visible. Doutant du talent de Sue, il est lui-même départi de son physique. La scène, p. 262, où une strip-teaseuse exhibe ses vergetures sous son objectif fonctionne comme admirable contrepoint. C'est d'ailleurs un cliché, que n'a pas pris Richard, qui lui révèlera le prétendu physique de Niall. Mince, cheveux châtains, somme toute banal, à la fois « maussade et arrogant », l'invisible est capturé sur pellicule puisque l'appareil photo ne ment pas. C'est d'ailleurs là tout le problème de Richard, observer sans regarder, capturer sans comprendre, œil assisté par la machine, comme une prothèse dont il avait l'usage avant d'être handicapé. « L'œil pur et la caméra nous donnent les objets tels qu'ils existent dans le temps. Non falsifiés par le Voir », affirmait Jim Morrison dans Seigneurs et nouvelles créatures. L'œil projette toujours ses angoisses, ses désirs, sans jamais percevoir l'innocence du réel. En nous demeurant à jamais invisible, le monde ne manque pas de glamour.

Xavier MAUMÉJEAN
Première parution : 1/1/2009
dans Bifrost 53
Mise en ligne le : 26/9/2010


Edition Robert LAFFONT, Ailleurs et demain (1987)

     Christopher Priest, le merveilleux auteur de La fontaine pétrifiante, Le monde inverti et L'archipel du rêve nous revient enfin, après plusieurs années d'absence, avec Le Don, dédié à son ex-femme, Lisa Tuttle, et traduit de l'anglais par Henry-Luc Planchat.
     Issu des noces de la Spéculative et du Fantastique moderne, ce roman renouvelle brillamment un thème quelque peu usé, donnant désormais lieu à de ridicules historiettes destinées à un public adolescent : celui de l'invisibilité.
     Richard Grey, cameraman de renom, se retrouve amnésique, suite à un attentat à la voiture piégée auquel il échappe d'extrême justesse, malgré les nombreuses blessures qu'il lui occasionne. A l'hôpital, une femme lui est présentée. Elle dit être Susan Kewley, sa petite amie, dont il ne garde aucun souvenir. Petit à petit, il se remémore leur rencontre, leur voyage en France, leur amour passionné. Un amour sur lequel plane l'ombre de Niall, un ancien amant de Sue, ne semblant pas supporter sa séparation d'avec son aimée, et possesseur, lui dit-on, du Don. Quel est-il ? Cela il le saura bientôt, en même temps que Sue lui apprendra qu'ils ne se sont pas rencontrés dans un train mais dans un pub londonien, qu'ils n'ont pas traversé notre beau pays en une sorte de Lune de miel, et que sa « mémoire » retrouvée semble lui jouer des tours... Ceci n'est que le début d'une formidable histoire d'amour dont Richard et Sue ne sortiront pas indemnes, d'un grand livre se laissant lire à cent à l'heure et qui serait sur le point d'être adapté au cinéma, d'un roman capital, dense, plein de tendresse et de sentiments, traitant tout à la fois de la mémoire, de la réalité, du pouvoir, de la vie intérieure, de la marginalité, et qui n'aurait probablement jamais été publié dans cette collection s'il n'avait pas été signé par un des écrivains britanniques les plus doués et les plus prisés de ces dernières années : Christopher Priest.

Richard COMBALLOT
Première parution : 1/2/1987
dans Fiction 383
Mise en ligne le : 19/1/2003

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