Contrairement à ce que peut faire croire la lecture du résumé,
Le gène maudit n'est pas un simple roman catastrophe. Sa principale conclusion témoigne d'ailleurs de l'actualité de ce récit de 1973 : «
Nous ne devons pas être des jouets entre les mains de ces dieux de fer-blanc que sont les biologistes. »
(p.202).
Boyd dresse tout d'abord un portrait saisissant d'une Amérique marquée par l'Holocauste de 2034, conséquence du déchaînement brutal de la violence urbaine au-delà d'un seuil de surpopulation devenu intolérable. En quelques jours, la population mondiale a chuté de 75% !
Cette évolution dramatique a entraîné une modification radicale des mœurs : contrôle rigoureux des naissances, pratiques sexuelles alternatives (homosexualité, partenaires androïdes…), disparition de la notion traditionnelle de famille… La chasse à l'homme est même devenue une mesure légale qui permet de vider les prisons.
Dans cet univers redevenu serein, Lyn, étudiante en psychologie et américaine-type du XXIème siècle, rencontre Amal, un copte venu de Bagdad. Ces deux personnages ont des facultés inhabituelles. Lyn possède certains dons de télépathie et de clairvoyance, tandis qu'Amal est obsédé par les souvenirs d'un homme du XXème siècle.
Nous sommes tous deux des monstres à la recherche du Frankenstein qui nous a créés, conclut Lyn
(p.97).
Mais ce qu'ils ignorent, c'est qu'Amal est le prototype d'une « expérience itinérante d'eugénisme » et qu'il serait atteint du « syndrome de Thanatos », sorte « d'aspiration à une mort prématurée », dont l'origine pourrait être héréditaire…
En marge de la vie moderne, des enclaves ont été fondées. Certaines refusent toute technologie, comme celle des Skinheads. D'autres recréent des modes de vie du passé et servent de sujets d'études, mais aussi de loisirs ou de refuges. Lyn et Amal, sous l'influence des étranges souvenirs de ce dernier, se rendront à Dotham, où l'on vit à l'heure des années 1930. Ainsi, après la découverte de l'Amérique par Amal, nous assisterons également à la confrontation amusante et enrichissante entre des époques différentes.
A côté de cette remarquable peinture, l'intrigue proprement dite, centrée sur l'annonce d'un tremblement de terre, paraît faible. Les agissements d'Amal sont peu convaincants et l'aspect roman catastrophe est peu crédible. Dans cette veine, on préférera le roman de McQuay et Clarke :
10 sur l'échelle de Richter.
Le gène maudit s'achève en un thriller efficace mais un peu décevant car Boyd n'y exploite pas à fond les passionnants thèmes qu'il a initialement introduits. L'ensemble forme néanmoins un roman suffisamment lucide, riche et captivant pour faire pardonner les quelques faiblesses mentionnées.
Pascal PATOZ (lui écrire)
nooSFere