John BOYD Titre original : The Doomsday Gene, 1973 Première parution : New York, USA : Weybright and Talley, 1973ISFDB Traduction de Jane FILLION Illustration de Stéphane DUMONT
DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 219 Dépôt légal : 4ème trimestre 1976, Achevé d'imprimer : 14 octobre 1976 Première édition Roman, 256 pages, catégorie / prix : 2 ISBN : néant Format : 10,8 x 17,9 cm✅ Genre : Science-Fiction
Las de vivre sur une Terre surpeuplée, les habitants du globe se sont entre-tués au cours du Grand Holocauste.
Et les survivants veillent à juguler la croissance démographique.
Mais, à l'époque où celle-ci posait encore un problème, des savants avaient tenté une expérience : introduire dans le patrimoine génétique de fœtus-cobayes un "gène de mort" qui les pousserait à s'auto-détruire très tôt dans leur vie.
À présent, ces cobayes sont parvenus à l'âge adulte. Et ils s'auto-détruisent, en effet.
Mais toujours en provoquant, inconsciemment, des catastrophes qui entraînent avec eux dans la mort des dizaines de milliers d'hommes.
Et voilà qu'arrive à Los Angeles l'un de ces cobayes, Amal, un jeune sismologue arabe qui prédit un tremblement de terre…
N'est-ce pas son "gène maudit" qui le pousse à provoquer un désastre ? Et comment l'en empêcher ?
L'auteur.
De son vrai nom Boyd Upchurch, John Boyd est né en 1919 à Atlanta (Georgie).
Présence du Futur a publié de lui cinq romans, dont la célèbre Planète-fleur.
Il nous donne ici une fable inquiétante sur les dangers que des manipulations génétiques imprudentes pourraient faire courir à l'humanité.
Critiques
Récemment, plusieurs milliers de chercheurs avaient demandé un moratoire (finalement repoussé) concernant certaines recherches du domaine de la génétique, jugée dangereuses pour l'espèce humaine. The doomsday gene,publié aux US en 1973, semble un écho anticipé à ces inquiétudes ; pour réagir contre le surpeuplement, des généticiens essayent de créer une nouvelle race d'hommes portant en eux une tendance à l'autodestruction. Ils sont pris de cours par l'Holocauste de 2034 (la population des grandes cités, soumise au stress, est décimée dans une série de convulsions sanglantes), mais sept mutants n'en sont pas moins créés, porteur du « gène maudit ». C'est le destin de l'un d'eux, un sismologue qui a prédit un tremblement de terre en Californie (et qu'il va peut-être aider à se produire), que l'auteur nous invite à suivre, dans un récit où l'émotion (l'amour de Lyn pour le porteur du gène de mort) et le sentiment de la fatalité (« Mais pourquoi poursuivre cette expérience alors que l'Holocauste l'avait rendue inutile ?... Tout simplement par routine. ») sont conjugés par habileté. Certes les problèmes idéologiques sont occultés, et cette Terre à demi-dépeuplée de la fin du XXIe siècle reste bien floue (ce qui permet sans doute à certaines notations d'acquérir du relief : usage sexuel de « gynodrones » dans une ère de néo-puritanisme, zones réservées où l'on vit à la mode 1930, parc de chasse où l'on peut traquer des criminels pour se défouler), mais le roman, grâce surtout à son réalisme psychologique, fonctionne bien et se lit avec plaisir. Oublié son insignifiant Quotient intellectuel à vendre, Boyd revient au premier plan des auteurs de second rang.
Contrairement à ce que peut faire croire la lecture du résumé, Le gène maudit n'est pas un simple roman catastrophe. Sa principale conclusion témoigne d'ailleurs de l'actualité de ce récit de 1973 : « Nous ne devons pas être des jouets entre les mains de ces dieux de fer-blanc que sont les biologistes. » (p.202).
Boyd dresse tout d'abord un portrait saisissant d'une Amérique marquée par l'Holocauste de 2034, conséquence du déchaînement brutal de la violence urbaine au-delà d'un seuil de surpopulation devenu intolérable. En quelques jours, la population mondiale a chuté de 75% ! Cette évolution dramatique a entraîné une modification radicale des mœurs : contrôle rigoureux des naissances, pratiques sexuelles alternatives (homosexualité, partenaires androïdes…), disparition de la notion traditionnelle de famille… La chasse à l'homme est même devenue une mesure légale qui permet de vider les prisons.
Dans cet univers redevenu serein, Lyn, étudiante en psychologie et américaine-type du XXIème siècle, rencontre Amal, un copte venu de Bagdad. Ces deux personnages ont des facultés inhabituelles. Lyn possède certains dons de télépathie et de clairvoyance, tandis qu'Amal est obsédé par les souvenirs d'un homme du XXème siècle. Nous sommes tous deux des monstres à la recherche du Frankenstein qui nous a créés, conclut Lyn (p.97). Mais ce qu'ils ignorent, c'est qu'Amal est le prototype d'une « expérience itinérante d'eugénisme » et qu'il serait atteint du « syndrome de Thanatos », sorte « d'aspiration à une mort prématurée », dont l'origine pourrait être héréditaire…
En marge de la vie moderne, des enclaves ont été fondées. Certaines refusent toute technologie, comme celle des Skinheads. D'autres recréent des modes de vie du passé et servent de sujets d'études, mais aussi de loisirs ou de refuges. Lyn et Amal, sous l'influence des étranges souvenirs de ce dernier, se rendront à Dotham, où l'on vit à l'heure des années 1930. Ainsi, après la découverte de l'Amérique par Amal, nous assisterons également à la confrontation amusante et enrichissante entre des époques différentes.
A côté de cette remarquable peinture, l'intrigue proprement dite, centrée sur l'annonce d'un tremblement de terre, paraît faible. Les agissements d'Amal sont peu convaincants et l'aspect roman catastrophe est peu crédible. Dans cette veine, on préférera le roman de McQuay et Clarke : 10 sur l'échelle de Richter.
Le gène maudit s'achève en un thriller efficace mais un peu décevant car Boyd n'y exploite pas à fond les passionnants thèmes qu'il a initialement introduits. L'ensemble forme néanmoins un roman suffisamment lucide, riche et captivant pour faire pardonner les quelques faiblesses mentionnées.