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Le Temps n'a pas d'odeur

Gérard KLEIN

Première parution : Paris, France : Denoël, 1er trimestre 1963


DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur précédent dans la collection n° 63 suivant dans la collection
Dépôt légal : 1er trimestre 1963, Achevé d'imprimer : 23 février 1963
Première édition
Roman, 208 pages, catégorie / prix : 6,15 FF
ISBN : néant
Format : 12,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
     • Ils étaient sept qu'Altaïr avait délégués dans le temps.
     • Sept, entraînés à toutes les formes de combat, porteurs de toutes les armes concevables, virtuellement invincibles.
     • Sept, orgueilleux et inquiets, qui maintes fois avaient déjà affronté ensemble le Passé et ses pièges.
     • Leur mission ? Stériliser un monde. Changer l'Histoire d'Ygone, petite planète, grande menace.
     • Leurs adversaires ? Ils devaient les découvrir dans un miroir.
     • Leur destin ? La défaite...
Critiques

    Voilà que la signature de Gérard Klein réapparaît, après une assez longue éclipse, dans une collection de science-fiction. Le thème de ce nouveau roman est, comme son titre l'implique, celui du temps. Ce temps qui n'a pas d'odeur n'est pas, non plus, immuable. Telle est l'idée sur laquelle se développe le récit.

    Il est difficile d'en résumer l'action sans dévoiler la chute en vue de laquelle le livre a été construit, mais l'esquisse du fond sur lequel l'action est menée peut servir à indiquer quelques éléments de l'architecture de l'ensemble.

    Au quatrième millénaire, la toute-puissante Fédération contrôle l'espace et le temps, les galaxies et leur histoire. Pour assurer sa stabilité, elle envoie dans le passé des équipes chargées d'effectuer des « redressements historiques » ; cet euphémisme désigne la suppression ou la correction de tendances dont le développement ultérieur pourrait menacer le pouvoir de la Fédération. C'est une de ces missions de redressement qui est présentée dans ces pages, une mission dont les conséquences historiques seront considérables.

    Telle qu'elle est discrètement suggérée à l'arrière-plan, la Fédération n'exerce pas un pouvoir totalitaire ; mais sa stabilité même l'oblige à faire respecter certaines limitations. Les membres de l'équipe, que Gérard Klein place au centre de son roman, réalisent-ils ces dernières ? La plupart d'entre eux, à dire vrai, ne se posent guère de questions, bien qu'ils ne soient ni soldats de métier ni politiciens. À des degrés divers, et pour des raisons variables, ces sept redresseurs d'histoire sont des aventuriers : l'auteur montre clairement qu'ils obéissent aux ordres de la Fédération sans passion ni conviction véritable. Amenés à un point de l'espace-temps qu'on leur a imposé, ils acceptent de faire un travail qui, tout compte fait, paraît les intéresser.

    L'exécution de ce travail, en dépit des obstacles qui s'y présentent et des changements d'attitude que ces derniers inspireront aux membres de l'équipe, fait que le récit se développe de façon tout à fait linéaire et simple. Assurément, Gérard Klein connaît suffisamment son métier pour y ménager d'adroits coups de théâtre, et la tension croît régulièrement durant le premier tiers du roman : les envoyés de la Fédération découvrent que la planète Ygone, dont ils doivent redresser l'histoire, ne correspond pas du tout aux renseignements qu'ils possèdent sur elle, et surtout qu'elle abrite des adversaires aux pouvoirs redoutables. L'origine de ces pouvoirs, la révélation de l'identité des adversaires, et la réalisation d'une optique plus large que celle imposée par la Fédération, tels seront les stades par lesquels passeront les redresseurs avant que l'Histoire ne soit refaite – ou faite, simplement.

    Tout cela est adroitement présenté, les descriptions possédant de la couleur, et les dialogues étant fréquemment rythmés par ces petites phrases brèves qu'affectionne Gérard Klein, et où la proposition nouvelle renchérit sur la précédente en la complétant. Mais on a l'impression que l'auteur est resté un peu en-deçà de ses moyens. La conclusion du roman – son dernier tiers, pratiquement – représente une sorte de grand crescendo, où les difficultés soulevées par le début sont méthodiquement mises en place avec leur explication.

    Après une mise en train aussi vigoureuse que celle du commencement, cela produit un déséquilibre, une discontinuité que d'adroits points de soudure ne suffisent pas à dissimuler. Chacun de ces deux rythmes est absolument valable en lui-même, mais la succession du rapide par le lent est malencontreuse, car l'appétit du lecteur, énergiquement réveillé au début, risque de demeurer insatisfait. La révélation finale est sans aucun doute ingénieuse, mais elle ne se prête pas à une présentation-éclair. Ce qui tendrait à suggérer que le départ vigoureux est destiné à placer le récit sur le plan du roman d'aventures.

    Une confirmation de ce point est indirectement apportée par le caractère des personnages. Les membres de l'équipe sont au nombre de sept, mais un seul parmi eux, Jorgenssen le coordinateur, possède un relief véritable. Chacun des autres est présenté au départ en une sorte d'« instantané » vigoureux et assez évocateur, mais leurs individualités ne ressortent guère durant leurs aventures sur Ygone. Si l'on note au passage que Shan d'Arg a un physique d'Asiatique, que Mario est brun et trapu et qu'Arne Cnossos aime la mer, on ne trouve rien de vraiment personnel dans leur comportement sur Ygone, aucune action que leur caractère rendrait inévitable ou, au contraire, inattendue. Gérard Klein est capable de donner un tel relief aux individus qu'il met en scène, mais il a manifestement sacrifié ce côté de son récit, en pensant surtout aux amateurs d'aventures. Ses personnages en sont devenus de simples silhouettes, ce qui est regrettable.

    Ce désir de s'adresser à un large public peut également être distingué dans l'utilisation somme toute assez limitée qui est faite du paradoxe temporel : le point de départ scientifique est valable, et riche de possibilités, mais Gérard Klein tient apparemment à ne pas effaroucher son lecteur par ses résonances. Cependant, la confiance de l'auteur dans la science se manifeste dans la conclusion optimiste du roman ; ce qu'une connaissance mal utilisée a fait, une science plus humaine pourra le défaire, et l'orienter vers la recherche du progrès.

    Si ce récit ne donne pas une idée complète des grandes possibilités de son auteur, il est du moins révélateur de ce que Gérard Klein peut faire de son talent lorsqu'il décide de l'utiliser pour l'édification d'un pur récit d'aventures. Mais est-ce véritablement la direction dans laquelle il pourra s'exprimer le plus pleinement ? La chose n'est pas certaine ; et il y a gros à parier que la preuve en sera apportée par Gérard Klein lui-même, le jour où il s'attaquera à cette épopée scientifique qu'il est capable de nous donner. En attendant, et les réserves précédentes ayant été faites, on lira avec agrément les aventures de ces sept faiseurs d'Histoire.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/6/1963 dans Fiction 115
Mise en ligne le : 25/8/2024

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition LIVRE DE POCHE, SF (2ème série, 1987-) (2005)

     Ce volume, c'est un peu un objet à la Orson Welles. Vous savez, avec un générique du genre : « J'ai écrit ce livre. J'en ai signé la préface, et je l'ai édité. Mon nom est Gérard Klein. »
     Décortiquons cela dans l'ordre inverse : Gérard Klein qui édite (ou plutôt réédite) Gérard Klein, le fait en lui-même n'a rien de surprenant, car il n'est pas spécialement nouveau ; de surcroît, les mérites littéraires de l'auteur ne sont plus à démontrer. La chose est cependant assez piquante pour qui connaît la position de l'intéressé sur la production hexagonale de science-fiction : il n'en édite jamais, au motif qu'elle ne serait pas au niveau de ses collections. Il faut donc que Gérard Klein puise dans ses propres écrits de jeunesse les rarissimes entrées francophones de son catalogue au Livre de Poche (L'œil du fouinain, de Roland C. Wagner, constitua une entorse notable — et justifiée — à ses habitudes, mais elle remonte déjà à mars 2002). Sourions...
     La préface, ensuite. Dans cet authentique exercice de style asimovien, Gérard Klein aborde un unique sujet : Gérard Klein (l'homme, l'économiste, le romancier), en faisant alterner sur son propre épiderme, à l'instar de l'auteur de Fondation, petites piques et généreuses couches de pommade (dans une proportion approximative d'une pour trois). Mais ce témoignage, outre qu'il est extrêmement plaisant à lire, apporte avant tout un éclairage intéressant sur l'une des figures incontournables du genre dans notre pays... De fait, nul doute que ses fans s'en délecteront, et peut-être même certains frôleront-ils la crise de tachycardie en apprenant au détour d'un paragraphe que l'homme pourrait bien avoir un manuscrit de roman sur le feu, le premier depuis plus de trente ans (« Il vous est permis d'espérer », laisse-t-il planer).

     Le roman, enfin. Écrit selon l'auteur en 1960, il connaîtra sa première publication trois ans plus tard dans la collection Présence du futur. L'histoire est celle d'un commando temporel de sept hommes (Erin, Arne Cnossos, Mario, Livius, Shan d'Arg, Nanski, et leur chef, Jorgenssen), chargé par la Fédération galactique de se rendre sur la planète Ygone, pour modifier le cours de son histoire. Même s'ils ignorent les implications réelles de leur mission, les sept voyageurs de l'espace-temps sont au moins sûrs d'une chose : Ygone, malgré son apparence inoffensive, doit constituer une menace à long terme pour la Fédération — sinon, ils n'auraient jamais été envoyés en mission sur place. Mais ce qui s'annonçait comme un petit réglage de routine tourne au vinaigre lorsque les sept équipiers sont attaqués par un adversaire invisible, doté d'un matériel au moins aussi perfectionné que le leur, qui parvient à détruire leur unique moyen de rentrer chez eux. Et lorsqu'ils arrivent enfin à dessouder un de leurs assaillants, il se trouve être le sosie parfait de l'un d'entre eux, Mario. Dans quel piège sont-ils tombés ? Et arriveront-ils à quitter ce monde étrange ? Jorgenssen espère élucider une partie de ces mystères en allant, seul, à la découverte de cette planète et de ses indigènes...
     Roman court et bien rythmé, Le temps n'a pas d'odeur est d'une lecture très agréable. Malgré sa brièveté, on y rencontre nombre de bonnes idées (écologie, sociologie, paradoxes temporels...), qui, évidemment, auraient pu être développées davantage pour donner un roman plus épais. Mais la mode n'était alors pas aux pavés, et il est plutôt rafraîchissant de nos jours de redécouvrir de tels textes, qui nous rappellent qu'ont peut très bien être aussi inventif que divertissant en moins de deux cents pages. Le chroniqueur conseille donc ce roman à tous les lecteurs familiers de la collection SF du Livre de Poche : non seulement, en dépit de la nationalité de son auteur, il ne dépare pas le catalogue (le texte aurait été signé Silverberg que je n'y aurais vu que du feu), mais en plus, cela fera sans doute plaisir au préfacier, qui a manifestement très envie qu'on (re)découvre la fiction d'un auteur dont l'éditeur a, par chance, les moyens de ses ambitions !

Julien RAYMOND (lui écrire)
Première parution : 3/1/2005
nooSFere


Edition LIVRE DE POCHE, SF (2ème série, 1987-) (2005)

     C'est un classique de la science-fiction française que publie, après Denoël et la collection Présence du futur, le Livre de Poche. Une occasion, pour ceux qui ne l'auraient pas encore lue, de découvrir cette subtile variation sur le voyage dans le temps. Les héros sont sept membres d'une police temporelle, au service de La Fédération Conquérante qui règne sur six mille systèmes planétaires. Leur mission, lorsqu'ils quittent Altaïr, est très simple : modifier l'histoire d'Ygone, une planète sur laquelle ils ne savent pas grand-chose sinon qu'elle ne dispose que d'une technologie rudimentaire. Pourtant la mission ne tarde pas à mal tourner. Des inconnus lourdement armés attaquent les sept. Ces derniers tuent l'un des agresseurs qui s'avère être le double parfait de l'un des leurs, Mario. Autre sujet d'angoisse pour Jorgenssen, le chef de la mission, Ygone se révèle être une société idéale, vivant en harmonie avec la nature, et plus précisément avec les arbres qui fournissent aux habitants tout ce dont ils ont besoin, y compris leurs rêves. Une telle sérénité en émane que Jorgenssen, chargé de les faire disparaître, se sent une âme de criminel.

     Avec ce roman, écrit en 1963, Gérard Klein propose à la fois une intrigue haletante et un conte philosophique. Aux thèmes classiques (le paradoxe temporel, la police du temps, l'empire galactique et la manipulation de l'histoire), il superpose une vision du monde très proche des idéaux de nos contemporains mais novatrice pour l'époque. En 1963, en effet, l'écologie n'était pas encore devenue une force politique et peu de gens se préoccupaient de l'environnement. La description d'Ygone, société utopique, renvoie vers Jean-Jacques Rousseau et le mythe du bon sauvage que la civilisation et la science ne peuvent qu pervertir. Mais le roman n'est pas à retenir simplement pour son caractère précurseur. Sur un thème toujours d'actualité, Gérard Klein offre un roman humaniste, subtilement construit. Un roman que tout amateur de science-fiction se doit de posséder, et surtout de dévorer.

Gilbert MILLET (site web)
Première parution : 1/3/2005
dans Galaxies 36
Mise en ligne le : 15/1/2009

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Association Infini : Infini (3 - liste francophone) (liste parue en 1998)

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