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Tous les pièges de la Terre

Clifford Donald SIMAK

Titre original : All the Traps of Earth and Other Stories, 1962
Première parution : New York, USA : Doubleday, janvier 1962   ISFDB
Traduction de Denise ROUSSET

DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur précédent dans la collection n° 66 suivant dans la collection
Dépôt légal : 4ème trimestre 1971
Recueil de nouvelles, 240 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Format : 11,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
* Plus d'enfants délinquants chez les Terriens : d'étranges « Nounous » se chargent de leur éducation... mais s'approprient leur jeunesse en guise de salaire.

* « Larmes à gogo »... ou l'alcool des extra-terrestres. La révélation des malheurs des autres conduit à l'ivresse aussi sûrement que l'abus de whisky.

* Dans quel piège peut tomber un robot ? Dans celui de la sensibilité humaine, tout simplement.

* La publicité mène à tout... Même à une guerre interplanétaire, quand l'enjeu est un tranquilisant parfait.

* Passant du suspens policier au conte fantastique, du récit humoristique à la satire violente, Clifford Simak présente ici sept nouvelles d'une richesse et d'une diversité exceptionnelles.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Tous les pièges de la Terre (All the Traps of Earth, 1960), pages 9 à 56, nouvelle, trad. Denise ROUSSET
2 - Bonne nuit, Monsieur James ! (Good Night, Mr. James, 1951), pages 57 à 77, nouvelle, trad. Denise ROUSSET
3 - Raides mortes (Drop Dead, 1956), pages 78 à 115, nouvelle, trad. Denise ROUSSET
4 - Les Nounous (The Sitters, 1958), pages 116 à 142, nouvelle, trad. Denise ROUSSET
5 - Larmes à gogo (Crying Jag, 1960), pages 143 à 167, nouvelle, trad. Denise ROUSSET
6 - Planète à crédit (Installment Plan, 1959), pages 168 à 225, nouvelle, trad. Denise ROUSSET
7 - Le Nerf de la guerre (Condition of Employement, 1960), pages 226 à 237, nouvelle, trad. Denise ROUSSET
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, Présence du futur (1963)

    Tous les pièges de la Terre est un recueil dont la publication prête le flanc à certaines critiques. D’abord, la majorité des nouvelles qui le composent avaient déjà paru dans des revues françaises : ce qui ne serait pas grave, s’il n’y avait tant de textes fondamentaux qui attendent vainement leur traduction. Fait beaucoup regrettable, la traduction est quelquefois très mauvaise et, dans le cas des nouvelles déjà parues en France, presque toujours inférieure à la première traduction. Cette déficience, qui n’est malheureusement pas isolée, appelle plus d’une réflexion. D’abord, elle dénote un certain manque d’organisation, car visiblement la traductrice n’avait pas lu les travaux de ses devanciers. Ensuite, un rapide retour aux sources pratiqué à cette occasion m’a convaincu que non seulement les traductions de Fiction, mais encore celles de Galaxie surclassent nettement celle de Denise Rousset. Nous ne cessions de critiquer les méthodes en honneur à Galaxie au temps où cette revue existait ; depuis qu’elle a disparu, nous ne cessons de la regretter : ainsi va la vie. Quoi qu’il en soit de Galaxie, il est paradoxal que les traductions en revue soient plus soignées que les traductions en volume, mais le fait tend à devenir traditionnel, et semble prouver que la politique des éditeurs à cet égard est à revoir une bonne fois (notamment sous l’angle financier, mais aussi sous l’angle du choix des traducteurs et du contrôle du travail), sous peine de voir se perpétuer la cascade d’absurdités que nous avons essuyée depuis deux ans. Ceci est valable pour toutes les collections, mais il est spécialement surprenant qu’une collection comme Présence du Futur, qui se veut littéraire – et qui l’a souvent été jusqu’au passé le plus récent – tolère un jargon comme celui qu’on trouve dans certaines pages du présent recueil.

    Assez sur ce chapitre : une fois de plus, le volume vaut mieux que la traduction, à telle enseigne que son auteur est le grand Simak, qui en a vu d’autres. Tous les pièges de la Terre offre à tous, y compris ceux qui ont lu les nouvelles déjà traduites, une excellente occasion de réfléchir sur le cas Simak. Remarquable recueil de nouvelles (personnellement, je le trouve meilleur que La croisade de l’idiot), il est uniquement composé de longs récits (7 en tout) qui sont sans doute le meilleur cadre pour des histoires de SF, et assurément le cadre idéal pour notre auteur. Mais surtout, il illustre à merveille ce qu’on pourrait appeler le paradoxe de Simak : le grand poète de Demain les chiens est en même temps l’auteur d’une série de nouvelles qui ressemblent tellement à celles de Sheckley qu’on peut se demander lequel des deux a imité l’autre. C’est un cas exceptionnel, et presque un cas-limite, de dédoublement de la personnalité littéraire, et le fait qu’il concerne un des plus grands auteurs de SF ne fait qu’épaissir le paradoxe. Or le présent recueil illustre à merveille le conflit, puisqu’une nouvelle (celle qui précisément lui donne son titre) rappelle indiscutablement l’auteur de Demain les chiens, tandis que les six autres, publiées dans Galaxy, montrent souvent comment Simak a pu devenir un auteur maison de cette revue au cachet si particulier.

    Les vieux lecteurs de Fiction n’ont pas oublié Tous les pièges de la Terre, une des plus remarquables nouvelles publiées dans cette revue. Simak y fait preuve d’une générosité extraordinaire, mobilisant sur cinquante pages une bonne demi-douzaine de thèmes principaux. Ce robot familier qui vit depuis six cents ans dans la même famille, et qui en voit mourir les derniers représentants, c’est un personnage bien simakien, comme cet autre robot qui se demande s’il a une âme et s’enfuit pour empêcher les hommes de le priver de ses souvenirs, ou encore ce robot mutant, créature insolite entre toutes ; mais le plus impressionnant, c’est que les susnommés ne sont en fait qu’un seul et même personnage paradoxal de bout en bout, sorte de vieille gouvernante au cœur simple devenue tout à la fois héros de thriller et de roman picaresque, et qui trouve la paix après une longue quête du Graal. Je crois qu’on ne peut pas réussir une nouvelle qui soit à ce point naturelle et à ce point sophistiquée, à moins de s’appeler Simak.

    Les nounous, bien que publié dans Galaxie, reste un excellent représentant de l’orthodoxie simakienne. Sur un thème moins personnel, celui des extraterrestres mystérieux dont on ne sait s’ils sont un bienfait ou une menace, le Virgile de la science-fiction introduit son personnage favori de vieillard en paix avec lui-même et nous fait accéder à cette saveur d’éternité lyrique où la mélancolie de l’homme qui a vécu se dissipe sans heurts : « Dans l’air il y avait une sorte de miroitement, d’éclat à goût d’enfance. Il y avait cette saveur d’éternité depuis longtemps oubliée, quand les jours ne finissaient jamais, ne devaient jamais finir. Une brise de pays de cocagne soufflait, transportant une odeur de ruisseau jonché de feuilles mortes. Il y avait aussi la bonne odeur des couvre-lits de berceaux fraîchement lavés » (p. 132).

    Aux antipodes de cette recherche de l’état de grâce, il faut citer Larmes à gogo, nouvelle sardonique où Simak fait la preuve de son extraordinaire métier, mais qui au premier abord semble écrite par un autre, tant elle est éloignée du classicisme simakien. Une fois encore il s’agit de l’arrivée des extraterrestres, mais les personnages principaux sont ici un gardien alcoolique et, pour la race étrangère, une sorte de névrosé toxicomane. Sur cette rencontre peu banale, notre auteur construit un canular de haute volée, dont les nombreux rebondissements exploitent le thème à fond. Le style nerveux et pince-sans-rire ne recèle pas une once de lyrisme, et le jeu de massacre est conduit d’une main ferme jusqu’à une chute plaisamment impertinente.

    Dans un genre bien différent, mais tout aussi proche de l’orthodoxie « galaxienne », il faut citer Bonne nuit, Mr. James ! et Le nerf de la guerre, deux excellentes nouvelles sur le thème de l’aliénation. Le héros de la première est un double créé pour remplir une mission périlleuse, et qui doit être détruit par la suite ; il accomplit son exploit sans coup férir, puis se rend compte de ce qui l’attend… À partir de cette situation insolite, Simak développe une des plus éblouissantes histoires de doubles qu’il nous ait été donné de lire. Dans la deuxième nouvelle, il s’agit non plus d’un homme artificiel, mais d’un homme conditionné, ce qui pose le problème de la liberté dans des termes à peu près identiques : cette histoire, beaucoup plus courte, n’est pas moins remarquable, en raison surtout de l’idée très brillante qui est à sa base.

    Mais comment concilier la recherche d’un Éden de plénitude et de paix, qui apparaît dans les deux premières nouvelles citées, et la peinture sans pitié d’un enfer d’aliénation et de servitude, sujet commun des trois autres ? Quelquefois l’auteur les associe au niveau de la pure et simple coexistence, comme dans Planète à crédit : le scénario de cette nouvelle, histoire de gros sous interplanétaire, aurait pu inspirer Pohl ou Kornbluth (ou les deux à la fois) ; mais Simak se soulage en glissant au début quinze pages décrivant des rapports fraternels entre un homme et des robots qui travaillent ensemble, et toute la tonalité de la nouvelle en est bouleversée.

    Cependant la véritable unité de Simak est à chercher, semble-t-il, au niveau des intentions profondes. Un panthéisme optimiste inspire jusqu’à ses nouvelles les plus ironiques en apparence : les robots, les humanoïdes et même les hommes conditionnés sont conscients jusque dans l’illusion, et Simak respecte en eux la conscience ; les extraterrestres ont beau s’approprier nos émotions ou s’assimiler notre être, il n’y a pas là de quoi nous départir de notre sérénité, si nous y puisons la santé mentale et le bonheur souverain ou si nous nous survivons à travers leur forme, ou dans une quelconque cellule du Grand Tout. Ce qui lui est le plus étranger, c’est la notion de dérision, d’homme-pantin, de naufrage de la volonté : c’est pourquoi même Larmes à gogoBonne nuit, Mr. James ! et Le nerf de la guerre ne sont pas, tout compte fait, des nouvelles entièrement dans la ligne de Galaxy.

Jacques GOIMARD
Première parution : 1/12/1963
Fiction 121
Mise en ligne le : 23/5/2024


Edition DENOËL, Présence du futur (2001)

     Lire Tous les pièges de la Terre à la suite de La croisade de l'idiot ne donne pas l'impression d'avoir ouvert un nouveau livre, tant ce deuxième recueil provoque un indéniable sentiment de familiarité. Rien d'étonnant, bien entendu, à y retrouver un air de famille — il s'agit, en effet, de textes écrits à la même époque (les années 1950)... par la même personne ! Mais la recette est elle aussi inchangée : un peu de gravité, une touche de mélancolie, quelques pointes d'humour pour alléger le tout, et servez chaud au coin du feu. Comme le cuisinier, ainsi que je l'ai déjà dit, possède de solides capacités de conteur, le résultat est de qualité, et, s'il ne tire pas de cris d'admiration (j'ai préféré les textes de La croisade de l'idiot), s'apprécie sans arrière-pensées.
     Tous les pièges de la Terre, la nouvelle, est l'histoire d'un robot qui, d'un coup, au décès du dernier représentant de la famille à laquelle il appartenait et qu'il servait depuis si longtemps, se retrouve menacé par la loi terrestre de perdre tous les souvenirs qu'il a amassés. Souvenirs auxquels il a la faiblesse de tenir, car, comme il le dit, ce sont « ses seuls biens au soleil ». Après avoir cherché en vain secours et assistance auprès de la loi puis de la religion, il fuit la Terre, pour finir, après quelques péripéties, par retrouver un sens à son existence. Ce texte est le moins convaincant du recueil : les pérégrinations du robot sont trop longues, les ficelles un peu trop grosses, et la morale gentillette...
     Bonne nuit, Monsieur James : Henderson James reprend conscience. Il est dehors, dans la nuit, armé. Il se rappelle pourquoi : il lui faut abattre, avant qu'il ne soit trop tard, la créature la plus assoiffée de sang de la Galaxie, un monstre intelligent et implacable (qui ressemble fort à ceux du roman Les enfants de nos enfants) désormais en liberté sur Terre, par sa faute. Le face-à-face aura lieu... mais l'histoire, que le lecteur croyait terminée, rebondit alors dans une autre direction, l'enfermant dans un implacable enchaînement de faits jusqu'à une fin très noire. À la sortie, le dit lecteur s'aperçoit, admiratif, que l'auteur s'est joué de lui tout en le divertissant...
     La nouvelle qui suit fleure bon l'âge d'or, celui où l'on confrontait des humains à l'inconnu en les débarquant sur une planète étrangère peuplée des créatures les plus improbables. En l'occurrence, celles de Raides mortes sont de la corpulence d'une vache et peuvent fournir miel, légumes, viandes. De plus, l'une d'elles vient fort obligeamment chaque soir tomber raide morte aux pieds de nos vaillants explorateurs. Récit impeccablement mené, solide, l'auteur ne cherche qu'à apporter plaisir et évasion à son lecteur et y réussit parfaitement.
     Les nounous : un très très vieux directeur d'école de Millville se demande pourquoi ses élèves se sont peu à peu mis à acquérir de plus en plus jeunes une maturité d'adulte. La cause est vite identifiée : ce sont ces extraterrestres installés parmi eux, nounous si efficaces que tous les citoyens de Millville leur confient leurs enfants. Mais l'intrigue accroche moins que l'atmosphère. Revoilà le ton si particulièrement mélancolique de Simak, ce regard sensible sur l'humanité, le passé, la vieillesse et la jeunesse.
     Changement de ton radical avec Larmes à gogo, texte qui ne fait, lui, aucunement dans la mélancolie, puisqu'il vise plutôt le burlesque. Nous sommes toujours à Millville, archétype de la petite ville simakienne. Un « non-Terrien » débarque avec son robot pour collectionner les histoires tristes. Certains (comme le narrateur) se soûlent à l'alcool, d'autres à la tristesse. Qu'importe le flacon... Simak parvient à nous égratigner, nous autres ses congénères humains, mais aussi à nous faire rire, tout ça avec une histoire pittoresque basée sur la tristesse. Pas mal, non ?
     Planète à crédit : Un choc culturel, entre humains et extraterrestres. Classique en SF, certes, mais celui-ci est à la sauce Simak ! Voici donc une planète sur laquelle arrivent un humain et ses robots pour mettre en place un échange commercial entre les autochtones et la Terre. Mais « une planète vierge est toujours une planète vierge [[]...] Il y avait toujours ce facteur irréductible d'inconnu contre lequel on ne pouvait rien. » Les sympathiques terriens représentent des intérêts moins sympathiques, et on suit leurs efforts et leurs déboires avec un petit sourire aux lèvres.
     Le nerf de la guerre : un homme sans le sou, sur Terre, aspire à retourner chez lui sur Mars et laisser à « d'autres casse-cou le soin de batifoler dans le système solaire » ; le charme de l'espace n'agit plus sur lui. Comme le dernier texte de La croisade de l'idiot, celui-ci est court, puissant et traite des souffrances endurées par l'homme en assumant son destin de conquérant de l'espace, destin considéré comme une malédiction. « Pourquoi diable l'Homme s'était-il jeté dans l'espace ? »

Gilles GOULLET (site web)
Première parution : 1/4/2001
dans Bifrost 22
Mise en ligne le : 17/12/2002

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Denoël : Catalogue analytique Denoël (liste)

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Au-delà du réel ( Saison 2 - Episode 13 : Le Double ) , 1964, Gerd Oswald (d'après le texte : Bonne nuit, Monsieur James !), (Episode Série TV)

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