Un jour, la mer s'était retirée et n'était pas revenue. C'était il y a deux ans. Elle s'était progressivement éloignée jusqu'à n'être plus qu'une ligne brillante à l'horizon, puis s'était évanouie.

     Plutôt que d'attendre désespérément son retour sur les quais asséchés du port de Sprague, Pip et Viv, des jumeaux avides d'aventures, décident d'affréter le Tapinoir, le bateau à roues de l'excentrique capitaine aveugle O'Norton et de partir à la recherche de l'océan disparu.

     Droit vers le levant, le Tapinoir fonce des jours durant sur la terre craquelée. La traversée ne manque pas de sel et si l'équipage fait d'effrayantes rencontres, il ne voit pas une goutte d'eau.

     Jusqu'au moment où...

     Voici un roman qui occupe une place à part dans la collection Autres Mondes. Plutôt que de privilégier la réflexion, en traitant d'un thème scientifique ou d'actualité, le premier roman de SF de Rodolphe (avant tout scénariste de bande dessinée) est résolument tourné vers l'aventure.

     « Un jour, la mer s'était retirée et n'était pas revenue. » Deux ans après ce dramatique événement, les jumeaux Pip et Viv décident de partir depuis la ville de Sprague à la recherche de l'eau disparue. Ils affrètent le Tapinoir, le bateau à roues du capitaine O'Norton, un vieux loup de mer aveugle, qui remplace ses yeux par un drôle d'artifice. En permanence perché sur son épaule, le « crack-up » est un oiseau intelligent, qui passe une grande partie de son temps à lire des romans à l'eau de rose pour faire plaisir au capitaine. Surréaliste, non ? Au fur et à mesure de l'avancée des héros sur une plaine interminable et surchauffée, le lecteur va faire plus ample connaissance avec cette planète qui n'est pas la Terre. Une planète qui a perdu sa mémoire. Très visuel, le récit délivre ses révélations au fur et à mesure que de nouveaux mystères se présentent. Comme si ces « Grands Anciens » à la science avancée dont parle le « livre des Dunes » étaient toujours présents quelque part. Les amateurs de classification pourront sans mal ranger ce livre sous la rubrique « aventures de pirates ». Sprague dégage un petit parfum de Peter Pan, à ce détail près qu'on n'y trouve pas de Wendy. La gent féminine, représentée par Mirouë et Serpentine, les fiancées de Pip et Viv, attend sagement le retour des héros à la maison. On est dans un monde d'hommes où l'on boit « sec de sec », où l'on n'hésite ni à mentir ni à tricher aux dés. On n'est pas des « gras-bedons » ni des « trembloteurs ».

     Si ce récit ne manque pas de charme, il souffre cependant de quelques imperfections. Un rythme un peu répétitif. Des rebondissements sans rapport les uns avec les autres. Des mystères qui restent non résolus, comme celui des barons-rostres, insectes humanoïdes géants, dont on ignore s'ils sont une seule et même créature et pourquoi ils se déplacent. L'auteur fourmille-t-il d'idées ou s'est-il retrouvé coincé par le nombre de pages disponibles ?

     En dépit de ces carences, le récit est plaisant à lire. Beaucoup d'humour, du suspense, des mystères. En somme, ce livre ne se sent pas obligé d'apporter un message autre que la satisfaction de découvrir ce qui se cache derrière ce gigantesque mur qui barre l'horizon et retient la mer derrière lui. Comme le répète à satiété un des personnages clés : « Je suis content que vous soyez revenu, commandant Swallow ». Car, sans vous, cette histoire n'aurait pas pu être basée sur une aussi excellente idée !