« Le Golf n'est pas un sport mais un envoûtement... » disait Jean Ray. Et sous les touches hallucinées de sa machine à écrire, de singulières malédictions s'emparent des links : balles ensorcelées... clubs vengeurs et meurtriers... holes possédés par le Diable... Autant de phénomènes étranges entre greens et hazards ; de puissances redoutables aux bars très fermés de club-houses. Et qui sèment une délicieuse épouvante.
Autour du thème mythique d'un sport très particulier se développe tout un monde régi par des lois mystérieuses, souvent maléfiques, qui nous échappent. Nous envoûtent. Du pur Jean Ray.
Nouvelle édition des contes golfiques du célèbre auteur fantastique belge – partiellement restaurés à partir de manuscrits retrouvés –, complétée de plusieurs inédits.
1 - En guise de liminaire : Une demi-heure avec l'oldest-member, pages 7 à 10, nouvelle 2 - 72 holes... 36… 72, pages 11 à 18, nouvelle 3 - « Le Golfeur » de Mabuse, pages 19 à 25, nouvelle 4 - L'Oldest-member était seul..., pages 27 à 34, nouvelle 5 - Mademoiselle Andrette Froget, pages 35 à 39, nouvelle 6 - Influence, pages 41 à 47, nouvelle 7 - La Balle de l'engoulevent, pages 49 à 57, nouvelle 8 - La Parade des soldats de bois, pages 59 à 66, nouvelle 9 - Les Hazards du colonel Midgett, pages 67 à 72, nouvelle 10 - Le Swing, pages 73 à 78, nouvelle 11 - La Bête des links, pages 79 à 84, nouvelle 12 - Les Links hantés, pages 85 à 94, nouvelle 13 - La Grande Ourse, pages 95 à 113, nouvelle 14 - La Chance des « Aigles blancs », pages 105 à 112, nouvelle 15 - Le Plus ancien des membres, pages 113 à 118, nouvelle 16 - EG-1405, pages 119 à 125, nouvelle 17 - La Balle volée, pages 127 à 133, nouvelle 18 - La Forêt des Madrones, pages 135 à 141, nouvelle 19 - Hécate, pages 143 à 151, nouvelle 20 - Monsieur Ram, pages 153 à 161, nouvelle 21 - La Fin, pages 163 à 168, nouvelle 22 - Le Septième trou, pages 169 à 174, nouvelle 23 - Qui ?, pages 175 à 182, nouvelle 24 - La Belle partie, pages 183 à 186, nouvelle 25 - Le Driver doré, pages 187 à 193, nouvelle 26 - Le Vestiaire, pages 195 à 200, nouvelle 27 - Le Mystère du Dip Club, pages 201 à 214, nouvelle 28 - La Coupe bosselée du Wild Rose, pages 215 à 221, nouvelle 29 - Le Cas de Lady Stillington ou l'histoire d'un sortilège, pages 223 à 228, nouvelle 30 - Impondérables, pages 229 à 232, nouvelle 31 - Le Miracle du professeur, pages 233 à 237, nouvelle 32 - Henri VERNES, Postface, pages 239 à 243, postface 33 - ANONYME, Lexique, pages 247 à 247, lexique
Critiques
Le recueil, constitué après la mort de Jean Ray, regroupe des textes initialement parus dans la revue Golf. Exercices d’écriture sous contrainte, donc. Dans Les Contes du whisky, l’unité thématique donnait prétexte aux récits sans vraiment les influencer. Ici, le fond détermine les différentes variations formelles, et Jean Ray brasse large. « 72 holes… 36… 72 », « Seul dans le Club House » et « Mademoiselle Andrée Froget » traitent de tragédies amoureuses. « La Balle de l’engoulevent » s’intéresse à la sorcellerie, « Les Links hantés » et « La Chance des aigles blancs » sont des histoires de fantômes, « Hécate » et « EG-1405 » parlent de surnaturel exotique, tout comme le très beau « Monsieur Ram », histoire d’enfant martyr et de son ami pas si imaginaire que cela. « Le Mystère du dipclub » propose une vengeance à la Monte-Cristo. « La Grande Ourse » revisite l’un des thèmes classiques du fantastique, la boutique qui disparaît du jour au lendemain. « La Bête des links » offre un récit réaliste autour d’un tueur de femmes, tandis que « Le Plus ancien membre », « La Fin » et « Le Septième trou » relèvent du fait-divers. On retrouve aussi la parodie d’essai, exercice cher à l’auteur, avec « Le Vestiaire » et l’usage de références historiques, fausses ou avérées dans « Le Golfeur de Mabuse ».
On appréciera, à titre de clin d’œil, « La Balle volée », qui permet de retrouver le personnage de Si Triggs, héros malgré lui du roman La Cité de l’indicible peur (Alma, 2015), et surtout « Le Swing », récit d’une réjouissante méchanceté.
Un ensemble hétérogène, qui va de l’agréable à l’excellent, complété dans l’édition d’origine par une postface d’Henri Vernes.
Sans Maurice Renault, ce livre de Jean Ray fût demeuré inconnu. L'auteur n'en parlait à personne. Ses meilleurs amis l'ignoraient, et quand fut rédigée la bibliographie du n° 126 de Fiction, il n'en souffla mot. Heureusement, il en avait donné le manuscrit à Maurice Renault qui le sortit d'un tiroir et le fit publier.
C'est un ouvrage un peu particulier, ouvrage de commande, où Jean Ray se révèle virtuose du métier. Il lui était imparti à chaque parution une page de la revue Golf, pas une ligne de plus, pour entamer, conter et boucler son conte. Et il s'y plia avec une aisance stupéfiante, une maîtrise qu'on ne découvre qu'à la seconde lecture. C'est alors, avec étonnement, que nous découvrons que pas un personnage n'est décrit, et que si nous les avons vus, le dialogue seul en est la cause.
Encore n'avons-nous pas le Jean Ray pur, le rédacteur de la revue s'étant plu à le corriger, éteignant avec application ce que le style pouvait avoir de trop original et de trop coruscant, rabotant avec conscience quelques notations d'atmosphère et quelques dialogues. N'importe, Jean Ray l'a supporté, donnant un échantillonnage complet de toutes ses possibilités : fantastique, humour noir, récits cruels, tout ce qui est proprement le lieu géométrique de ses thèmes. Si mes préférence vont à Hécate ou au conte si féroce qu'est Leseptième trou, cela ne veut pas dire que les autres soient médiocres. C'est un Jean Ray mineur certes, mais qui écrase toujours bien des ouvrages similaires.
Et il y a encore ceci : dans aucun titre de ses ouvrages, Jean Ray ne s'est livré à ce point. Sans doute a-t-il déclaré vouloir se venger du golf, lui qui en était si médiocre joueur, et vouloir montrer que tous les joueurs de golf sont des intoxiqués, mais il était à l'âge également des confidences. Ainsi, le premier conte, « 72… 36… 72 », surprendra, car voici un récit purement sentimental, conté sans sécheresse comme sans mièvrerie. Jean Ray sentimental : voilà qui étonnera ceux ne connaissant l'auteur que par sa légende. Jean Ray avait une légende, et il était l'homme de sa légende, mais il n'était pas que cela.
Au travers de ces pages je retrouve sa voix rocailleuse, son rire franc et gai, je le retrouve avec sa gentillesse, son amour des bêtes et des enfants, qu'il apprivoisait pareillement, sa fidélité, son dévouement à ses amis, car lui qui nous dominait tous ne jouait pas au pontife ; il était toujours là pour un conseil, un coup d'épaule.
Tout cela transparaît dans ces contes, d'un ton plus apaisé, mais où vibre la haine de toute méchanceté, de la bêtise satisfaite, de ceux qui s'en prennent à l'enfance. Ouvrir les Contes noirs, c'est plus que lire un recueil de contes de Jean Ray, c'est aller à sa rencontre.
Jacques VAN HERP Première parution : 1/2/1965 Fiction 135 Mise en ligne le : 21/9/2023