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Les Quarante signes de la pluie

Kim Stanley ROBINSON

Titre original : Forty Signs of Rain, 2004
Cycle : Capital Code vol. 1 

Traduction de Dominique HAAS
Illustration de GETTY IMAGES

PRESSES DE LA CITÉ (Paris, France)
Dépôt légal : octobre 2006
Première édition
Roman, 398 pages, catégorie / prix : 21,50 €
ISBN : 2-258-06891-6
Genre : Science-Fiction


Autres éditions

Sous le titre Les 40 signes de la pluie   POCKET, 2011, 2021

Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     Demain, à Washington... Anna et Charlie Quibler œuvrent aux applications des découvertes scientifiques visant à améliorer la vie sur terre, Anna comme chef de projet à la National Science Foundation, Charlie au titre de conseiller pour l'environnement de Phil Chase, sénateur plein de bonne volonté mais d'une efficacité relative. Or l'enjeu est de taille : il s'agit d'alerter le monde sur les dangers du réchauffement climatique global et de convaincre une administration réticente de prendre les mesures qui s'imposent.
     L'urgence devient criante lorsque la banquise se délite au Groenland, empêchant le Gulf Stream d'exercer son action régulatrice. Dès lors, c'est la réaction en chaîne : de terribles tempêtes frappent la Californie, puis éclatent un peu partout dans l'hémisphère Nord ; des pluies torrentielles s'abattent sur Washington, qui est engloutie sous les eaux. Pour l'humanité, l'adoption des lois préparées par Charlie est désormais une question de vie ou de mort...

     Par l'auteur de la fameuse « trilogie martienne », un passionnant éco-thriller à mi-chemin entre fiction — Le jour d'après — et réalité — les inondations de La Nouvelle-Orléans — autour d'une catastrophe annoncée : les changements climatiques majeurs dus au réchauffement de la planète. Un roman prémonitoire ? Au lecteur d'en juger. Et d'agir...
Critiques
     Kim Stanley Robinson ose. Rares sont en effet les écrivains de SF à se lancer dans la science-fiction à court terme. C'est qu'il est délicat d'avancer des hypothèses qui risquent de se voir rapidement niées par l'évolution de la société.

     S'il ose, c'est sans doute parce qu'il adopte une démarche scientifique et se documente abondamment avant de se lancer dans l'écriture. Sa trilogie martienne, puis S.O.S. Antarctica, sont des romans solidement étayés par la connaissance. Il en va de même pour Les Quarante signes de la pluie, premier volume d'une trilogie consacrée au réchauffement climatique.

     Le récit démarre lentement. L'occasion de mettre en place divers personnages, tous actifs dans les milieux scientifiques. Il y a la famille Quibler. La mère, Anna, est chef de projet à la National Science Foundation (NSF), dont le rôle est de distribuer des financements aux laboratoires de recherche qui présentent des projets prometteurs. Son mari, Charlie, est conseiller pour l'environnement à mi-temps auprès d'un sénateur, plus intéressé par les voix des électeurs que par l'avenir de la planète. Son autre mi-temps, il le consacre à ses enfants en tant que père au foyer. Il y a le chercheur Frank Vanderwal, passionné d'escalade, qui déteste les compromis et se fâche de plus en plus contre la politique menée par la NSF. Et puis Leo Mulhouse, Brian, Marta et les autres, actifs dans une start-up de biotechnologies, qui sont sur le point de découvrir quelque chose, mais perdent leur job...

     Enfin il y a les Thibétains de Khembalung, une île soumise aux inondations à répétition et qui menace de s'enfoncer sous les flots. Rencontrés par Anna, qui prend fait et cause pour leur combat, les Khembalais tentent de faire comprendre aux américains la gravité de la situation.

     Une grande partie de ce récit est consacrée à la vie domestique de la famille Quibler, notamment des efforts de Charlie pour éviter que leur fils Joe, véritable tornade ambulante, ne déclenche des catastrophes. Pas folichonne, la vie d'un scientifique, partagée entre expériences d'une part et multitude de réunions de l'autre. Sauf lorsque l'ascenseur tombe en panne !

     Ce livre est bien sûr un roman à prendre au sérieux. Un éco-thriller qui délivre un message aux pays, notamment aux Etats-Unis, qui n'ont pas signé le protocole de Kyoto. Si l'on continue à attendre, il sera trop tard pour agir contre les catastrophes écologiques que le réchauffement de la planète entraînera. A la fin du récit, Washington est inondée. On ne peut s'empêcher de penser à la Nouvelle-Orléans, à la banquise qui se brise aux pôles, aux glaciers qui reculent.

     Kim Stanley Robinson ose défendre une cause importante pour l'avenir de l'humanité par le biais d'un récit de science-fiction. Preuve que l'auteur de SF, loin d'être un doux rêveur utopiste, est aussi parfois un écrivain engagé. Ecoutons-le.

Jean-François THOMAS (lui écrire)
Première parution : 15/10/2007 nooSFere


     Le titre est symbolique : les quarante signes renvoient aux quarante jours et quarante nuit du Déluge, avec une différence sensible néanmoins. Car où le châtiment divin marquait une rupture — la fin du Premier âge de l'humanité — , notre époque reste quant à elle suspendue à l'annonce de la pluie, comme figée dans l'attente de cet événement indicible. On en est là : Dieu est mort (remorqué par James Morrow, son cadavre croise au large des côtes néo-zélandaises, avec des morceaux de banquise gros comme dix cathédrales), homo sapiens travaille jour après jour à réunir les conditions pour s'auto-exterminer, les signes du désastre sont évidents, mais presque personne ne semble capable de les décrypter — ou pire, ne semble avoir la force d'en contrer les effets hypnotiques, lénifiants, paralysants. L'Occident est-il aveugle, simplement irresponsable, ou se sent-il si coupable que son inconscient collectif appelle un nouveau châtiment ? Las ! Le roman, en abordant de front le problème du réchauffement climatique, entend illustrer avec force cet inquiétant paradoxe.

     En s'emparant d'un tel sujet d'actualité, Kim Stanley Robinson s'inscrit dans une longue lignée d'écrivains catastrophistes (ou visionnaires, c'est selon) qui va de Restif de la Bretonne à Norman Spinrad en passant par Lester Del Rey et James Ballard. Il le fait à sa manière habituelle, documentée et sérieuse. Contrairement au spectaculaire film Le Jour d'après, qui choisit de montrer les conséquences d'une chute rapide et radicale du thermomètre, l'histoire de Robinson s'articule autour du concept de « changement climatique soudain », au cours duquel le climat de la Terre bascule entre deux équilibres, passant en l'espace de quelques années d'un régime général tempéré à un autre, plus brûlant et plus humide (avant peut-être de devenir beaucoup, beaucoup plus froid). Les climatologues savent que cela s'est déjà produit, et qu'il s'agit très probablement d'une occurrence que l'activité humaine pourrait déclencher.

     Le roman, donc, mêle crédibilité scientifique et message politique. L'histoire se déroule aux Etats-Unis, dans un avenir proche. On suit une poignée de personnages : Charlie Quibler, conseiller chargé des questions d'environnement d'un sénateur démocrate ; sa femme, Anne, chef de projet à la National Science Foundation (NSF), une agence qui attribue des budgets à des projets de recherche ; Frank, un sociobiologue détaché pour un an à la NSF ; Leo, qui travaille dans une start-up de biotechnologie ; et un groupe de tibétains ayant fondé une nouvelle nation dans une île à basse altitude, au large des côtes de l'Inde. Tous tentent de convaincre une administration réticente de lutter contre le réchauffement climatique, travaillant à créer, au cœur de la société civile et de la communauté politique, un environnement favorable qui permettrait d'adopter les mesures nécessaires pour prévenir un effondrement écologique global. Lobby contre lobby, science contre marché, intérêts supérieurs contre cause supérieure, Congrès contre Congrès, combat de l'homme contre lui-même. « Il combattait des menteurs, des gens qui mentaient sur la science pour le fric, occultant les signes manifestes de destruction du monde. » Le problème n'est pas tant de savoir décrypter les signes, mais de ne pas les instrumentaliser, de leur donner un sens juste (au sens de pratique, pertinent) ; partant, l'idée n'est plus d'adapter le monde aux besoins de l'homme, mais d'adapter les besoins de l'homme à un monde qui se modifie. L'urgence est là, la banquise se délite, empêchant l'action régulatrice de certains courants (dont le Gulf Stream), avec des conséquences incommensurables.

     La dernière partie du roman décrit Washington DC englouti sous les flots, annonçant de manière prémonitoire (le roman a été publié en 2004 aux USA) la dévastation causée par Katrina à la Nouvelle-Orléans. Cette fin apocalyptique résonne comme un constat d'échec désabusé sur la capacité de la seule science à améliorer l'état du monde. Robinson (scientifique de formation) stigmatise la toute-puissance du capitalisme — plutôt que celle de la science — sur nos existences, l'obsession de la croissance économique. Il semble vouloir nous dire que les découvertes scientifiques sont dorénavant utilisées à des fins seulement mercantiles et non pour rendre la vie meilleure ; qu'entre la survie de l'espèce et le profit, le capitalisme choisira toujours le profit. Mais Robinson est un positiviste, un utopiste qui croit que les hommes peuvent s'amender, qu'avec un juste choix les choses peuvent toujours s'améliorer. C'est grâce à ce facteur humain — le capital et l'énergie prodigieuse qu'il représente — que l'intrigue trouve son équilibre, sa touche émotive. Ce n'est pas un hasard si l'auteur s'attarde longuement sur le quotidien des personnages, la routine fastidieuse de leur travail, leur cheminement intellectuel et/ou amoureux. En définitive, il s'agit autant d'un roman de désapprentissage que d'apprentissage, vers plus de solidarité (une solidarité active, agissante), de spiritualité (c'est la seconde fois que Robinson s'intéresse d'aussi près au bouddhisme), de démocratie participative, d'investissements sociaux. Vers un monde plus humain, en somme. Cette note d'espoir, cette lueur dans la tempête qui s'annonce restera comme la marque principale d'un roman de grande qualité, en attendant de lire la suite, intitulée Fifty degrees below.

     Tout un programme...

Sam LERMITE
Première parution : 1/1/2007 dans Bifrost 45
Mise en ligne le : 24/5/2008

Critiques des autres éditions ou de la série
Critique de la série par René-Marc DOLHEN
Cité dans les pages thématiques suivantes
Dérèglements climatiques

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