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Dreamericana

Fabrice COLIN


Illustration de Vincent MADRAS

J'AI LU (Paris, France), coll. Science-Fiction (2007 - ) n° 9104
Dépôt légal : octobre 2009
Roman, 544 pages, catégorie / prix : 8,40 €
ISBN : 978-2-290-02107-1
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     Écrivain de renom, Hades Shufflin est l'auteur d'une immense fresque consacrée à un XIXe siècle alternatif. Mais en cette année 2012, alors que son nouvel opus est attendu de tous, Shufflin peine à retrouver l'inspiration ; or, le roman en devenir représente un jalon crucial dans sa carrière. Il doit en effet mettre en scène le dénouement d'une partie d'échecs cosmique que se livrent les Gardiens et les Voyageurs, deux entités qui ont façonné l'Univers.
     Mais alors, l'écrivain voit peu à peu son environnement se transformer, acquérir une nouvelle dimension. Et si le conflit opposant Gardiens et Voyageurs se jouait à plus grande échelle et dépassait les frontières de la fiction ? Et si Hades Shufflin n'était plus maître de son propre esprit... ou ne l'avait jamais été ?

     FABRICE COLIN
     Né en 1972, Fabrice Colin fait partie de cette génération d'enfants terribles (David Calvo, Johan Heliot...) qui, au début des années 2000, ont marqué la science-fiction de leur empreinte. II s'est illustré depuis dans la littérature pour la jeunesse (La fin du monde, La malédiction d'Old Haven) et il collabore aujourd'hui avec Serge Lehman à la bande dessinée La brigade chimérique.

     « Fabrice Colin joue désormais, avec des oeuvres de ce calibre, dans la cour des grands. »

     Bifrost
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition J'AI LU, Millénaires (2003)

     Après avoir publié l'essentiel de son œuvre dans les collections dirigées par Stéphane Marsan, successivement chez Mnémos et Bragelonne, Fabrice Colin commence à s'émanciper, peu à peu, professionnalisme oblige, en diversifiant sa production — deux ouvrages pour la jeunesse publiés, trois autres à paraître — et surtout en allant frapper à d'autres portes. C'est ainsi qu'on l'avait vu faire son apparition à l'Atalante avec Or not to be, il y a un an, puis au Bélial' avec l'iconoclaste Atomic Bomb, écrit en collaboration avec son complice David Calvo.
     Le voici désormais chez J'ai Lu, d'abord pour la réédition de son « back catalogue », à commencer par Winterheim, puis pour Dreamericana dans la collection « Millénaires ».

     Tout démarre sous le signe de l'uchronie, sur un mode puzzle, autour d'Hades Shufflin, célèbre écrivain de S-F dont le prochain roman à paraître, accessoirement le vingt-et-unième volet du cycle « d'Antiterra », doit être porté à l'écran par Stanley Kubrick... après A.I. ! Seulement voilà... Shufflin est en panne d'inspiration et, plus largement, en crise. Et nous sommes conviés à le rencontrer, au long d'une multitude de fragments divers : approches biographiques, interviews, articles de journaux, extraits de précédents romans, croquis, etc. Structure éclatée, donc, conférant à l'ouvrage une aura de mystère, puisqu'on y avance à petits pas et dans le désordre chronologique, ainsi qu'un dynamisme et un pouvoir de séduction certains. On se laisse prendre au jeu des bonds dans le passé, on goûte la conception de Shufflin de la littérature, sa relation avec le réalisateur de Dr Folamour, 2001 : l'Odyssée de l'espace et Orange mécanique, ses problèmes affectifs ou ses frasques sexuelles.

     Dreamericana est de ce point de vue-là passionnant. Car tout « percute ». Pas vraiment de temps morts même si on se demande à l'occasion comment Colin va parvenir à nouer les fils de son intrigue et du même coup retomber sur ses pattes. Le propos est constamment intéressant, les personnages vrais et touchants — certaines scènes sont franchement émouvantes — , l'écriture belle sans jamais sombrer dans la préciosité ou la mièvrerie. L'équilibre est maintenu.
     Mais au bout de cent cinquante pages, Colin en termine avec le patchwork pour nous proposer à la place et d'une seule traite... « Dreamericana »... le roman qu'Hades Shufflin a fini par écrire et publier. Un roman d'espionnage, steampunk pur jus, racontant les aventures du héros, Erik Suncliff, censé sauver la planète en « arbitrant » le conflit opposant les Voyageurs aux Gardiens. Entendez par Voyageurs : lointains descendants des humains remontant le temps afin de percer les secrets de la création... et par Gardiens : entités détenant lesdits secrets et chargées de les protéger... « capables d'accélérer ou de décélérer le cours du temps ».
     Là encore, tout fonctionne parfaitement, souvent au troisième degré, le pastiche n'étant jamais loin. Les personnages sont attachants, je pense particulièrement au majordome sioux Takoda et à son chien parlant, Script, et l'on assiste à nombre de scènes tordantes.

     Seulement, c'est un peu finalement comme s'il y avait deux livres sous une même couverture : un premier, éclaté, sur l'acte créatif ; un second, linéaire, sur le produit de cet acte. Et du coup, il y a rupture. Au niveau du ton et de l'intensité. Une rupture qui m'a quelque peu perturbé. Et me fait penser que je suis peut-être passé à côté de la clé du livre, laquelle m'aurait fait dire : « Bon sang, mais c'est bien sûr ! »
     On aura beau jeu de faire remarquer que Fabrice Colin, conscient du côté ambitieux de son projet et du risque de désappointement du lecteur, a adroitement laissé traîner les phrases suivantes : « Je crois que les critiques passent à côté d'un aspect essentiel des romans, qui est justement son côté pararéel. Où sommes-nous ? La théorie des mondes infinis rend tous les vertiges possibles. »
     D'accord. Mais j'aurais néanmoins tendance à dire, à la fois, que Colin s'est frotté à un sujet costaud, qui lui a fait écrire de très belles pages — au demeurant, les belles pages, chez lui, il faut bien dire qu'on y était déjà habitués ! — mais que ledit sujet ne s'est pas laissé dompter.

     En clair, pour conclure : un roman recommandé mais à lire peut-être, ceci étant dit en toute subjectivité, après un petit avertissement destiné à gommer par anticipation l'éventuel sentiment de frustration susceptible de naître.
     Quoi qu'il en soit, Fabrice Colin joue désormais, avec des œuvres de ce calibre — que je qualifierai sans prendre trop de risques « de transition », pour les différencier de ses œuvres de jeunesse — , dans la cour des grands. Nul doute que le jour où l'un de ses éditeurs le convaincra de se lancer dans une vaste fresque, une série par exemple, tout en renouant avec une forme d'évidence, nul doute qu'il fera ce jour-là très, très mal !

Richard COMBALLOT
Première parution : 1/1/2003
dans Bifrost 29
Mise en ligne le : 1/3/2004


Edition J'AI LU, Millénaires (2003)

     Que peut bien faire de son talent un jeune écrivain au style virtuose et à l'imagination débridée ? Côté style, une prose ludique, jouissive, dynamisée par le mélange de l'écrit et de l'oral, un jonglage désinvolte et maîtrisé avec la composition en puzzle, puis en miroir, puis en abyme, bref un vrai bonheur d'écrire ; côté imagination, des villes sub-arctiques steampunk, un chien prosélyte convertissant un taciturne amérindien au christianisme, une Tour Eiffel baladeuse, des ballons dirigeables luxueux comme des Titanic volants. Que faire de tout cela ? Un roman d'aventures, par exemple ; sinuant entre deux mondes parallèles, pour pimenter l'exercice ; et, avec encore un peu plus de talent (et Fabrice Colin en a à revendre), un roman du roman, le fameux coup du livre dans le livre, « l'aventure de l'écriture d'une aventure » !
     Dreamericana raconte comment Hades Shufflin, écrivain de science-fiction, peine à finir, en 2012, une célèbre série romanesque qu'il a commencée en 1982 : le cycle d'Antiterra. Comme son nom l'indique, ce cycle compose une histoire parallèle où s'affrontent tout ce qu'il faut de puissances cosmiques, héros aventureux, jeunes femmes sublimes et/ou perverses et scénarios cataclysmiques. Mais cela, c'est l'invention de Shufflin (lui-même invention de Fabrice Colin) ; Dreamericana est censé être le roman qui clôt le cycle, et il a bien du mal à l'écrire. Le livre de Colin est donc en deux parties : d'abord une sorte de puzzle narratif qui présente en désordre soigneux l'écrivain Shufflin, sa vie (qui contient notamment une histoire d'amour malheureuse et un probable fils jamais connu), sa célébrité, son contrat d'adaptation avec un Stanley Kubrick opportunément pas mort, sa panne d'inspiration ; puis un roman, intitulé Dreamericana (avec sa page de titre, sa page de garde, ses titres de chapitres, etc.), dans lequel le héros combat, pour le compte des « Gardiens », les puissances appelées « Voyageurs » : sur une Terre alternative très steampunk, il doit leur subtiliser une arme de destruction totale, ramener à domicile un président américanien kidnappé (Americana est le résultat de la fusion entre les USA et la Russie), le tout filmé par un Kubrick providentiellement expédié aussi sur Antiterra, avec un objectif simple et limpide : sauver le monde. « Oui mais... lequel ? » demandera un lecteur attentif, et il aura parfaitement raison : Dreamericana (le roman de Shufflin et le livre de Colin) se termine abruptement sur une réponse au moins aussi ambiguë que le stratagème utilisé pour sauver l'inspiration défaillante de Shufflin, laquelle joue ostensiblement avec le parallèle entre création poétique et création filiale, engendrement d'un monde et engendrement du fils.
     Bien maîtrisé, ce type d'histoire est éblouissant ; Borges en est le maître absolu, et plus près de nous Michaud et Carré, par exemple, en ont proposé une BD somptueuse, Le Pays Miroir (Dargaud, 1992-1993), où l'on trouvait déjà (alimenté par d'autres images) ce jeu entre création et enfantement, amour et inspiration, monde de l'ici et monde de l'ailleurs. Le plaisir de ces romans-là tient d'ailleurs beaucoup à l'art du tissage, aux glissements progressifs du décrochage de mondes (ou de l'accrochage, selon les cas). C'est pourquoi je serais tentée de dire que c'est la première partie du roman de Colin qui séduit le plus ; la seconde enchaîne les péripéties avec moins de profondeur que de virtuosité. L'effet réflexif n'est plus porté que par des échos thématiques, et essentiellement déporté aux mots de la fin, travaillés pour prendre une valeur de sidération très cinématographique (évidemment). Sans doute n'est-il pas pertinent de poser à ce roman la question « Mais pourquoi diable (et où donc, en vérité...) la science-fiction ? » — pas plus, en fait que « Pourquoi l'aventure ? » ou « Pourquoi l'Amérique ? » : dans tous les cas, le flottement de lecture ne vient pas tant de la cohérence de l'imaginaire que de son raccord un peu décevant (pas vraiment motivé narrativement) avec le grand thème du livre dans le livre. Les mondes parallèles et les retournements incessants d'alliances du roman d'aventures-espionnage suffisent-ils à écrire la valse-hésitation de l'écrivain tiraillé entre ce monde-ci et les autres ? À moins qu'ils ne se gênent mutuellement, et que Fabrice Colin en ait mis... un peu trop ?
     Un roman à lire pour son humour, sa vigueur, et la générosité de son ambition ; et un style à suivre, assurément.

Irène LANGLET
Première parution : 1/6/2003
dans Galaxies 29
Mise en ligne le : 21/1/2007

Prix obtenus


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