Paris, 2063. Que s'est-il exactement passé durant la Grande Terreur primitive ? Cinquante ans après les événements, ce traumatisme majeur de l'histoire, sur lequel plane l'ombre de Lacan, tient encore en échec même les plus brillants métaphysiciens. C'est pourtant la question à laquelle doit aujourd'hui répondre Tem, le détective transparent, s'il veut se disculper du meurtre d'un de ses meilleurs amis...
Roland C. Wagner
C'est avec un humour tantôt grinçant, tantôt désopilant que Roland C. Wagner s'attache, depuis le début des années 1980, à dénoncer les dérives de l'impérialisme au travers de textes engagés comme La saison de la sorcière ou Pax Americana. Ce qui ne l'empêche ni de rêver à des mondes lointains (Le chant du Cosmos, Les aventuriers des étoiles), ni de s'amuser (Les futurs mystères de Paris, L.G.M.).
Prix Rosny Aîné 1998, meilleur roman
Prix Ozone 1998, meilleur roman francophone
Grand Prix de l'Imaginaire, pour l'ensemble de la série
Décidément, notre ami Temple Sacré de l'Aube Radieuse (Tem pour les intimes) n'a pas de chance : cette fois-ci encore, il suffit qu'il vienne faire un tour au Centre européen de recherches scientifiques pour y tomber sur un cadavre encore chaud. Mais le cadavre, ici, est celui de son ami Viard, et le policier qui l'accuse du meurtre semble imperméable à son Don de Transparence. Quant à Gloria, sa fidèle aya (Intelligence Artificielle), ses activités anarchistes l'ont mise en danger et elle est incapable de l'aider. Bien sûr, Tem va réussir à passer entre les mailles du filet et à se trouver de nouveaux alliés, mais la nature de l'ennemi qu'il doit affronter va se révéler des plus surprenantes...
Avec ce troisième volet des Futurs Mystères de Paris, on commence à entrevoir les ambitions de Wagner. Nous n'avons pas affaire ici à une simple série policière dans un contexte de SF, mais plutôt à un authentique projet science-fictif qui se sert comme d'un tremplin des codes et des clichés du genre policier. Ce n'est certes pas nouveau — Asimov, dans Les Cavernes d'acier et Face aux feux du soleil, adoptait une démarche similaire quoique plus discrète — , mais Wagner est sans doute le premier à manifester une telle ambition dans ce registre. Il serait difficile d'en dire plus sans déflorer l'intrigue, mais signalons quelques pistes ; tout d'abord, il est vivement conseillé de lire ou de relire Les Derniers Jours de mai, que l'auteur a publié au Fleuve en 1989 ; ensuite, on consultera avec profit l'ouvrage de Merritt Ruhlen, L'Origine des langues, qui vient de paraître aux éditions Belin (collection « Débats ») après avoir suscité de vives controverses aux Etats-Unis. Dans ce numéro de Galaxies, Paul J. McAuley nous confie qu'il ne puise pas seulement son inspiration dans les revues scientifiques, mais aussi dans The Economist ; Wagner nous montre ici que le dialogue de l'auteur de SF avec le réel peut aussi se faire par l'intermédiaire de la linguistique et de la psychologie des profondeurs. Le résultat est aussi étonnant que passionnant.
Signalons pour conclure que ce livre est le dernier de la collection « Anticipation » et qu'il inclut une liste complète de tous ses prédécesseurs. De quoi faire une nouvelle plongée dans la mémoire collective.
Le Fleuve noir, dans sa série « Métal » sous la direction de Daniel Riche, semble aimer les symboles. Le N°2000, Wonderland, a été confié à la star montante de la SF francophone, Serge Lehman. Il s'agit d'un épisode intéressant, à couleur dickienne par endroits, situé dans l'univers de F.A.U.S.T., avec une échappée vers Ganymède.
Le N°2001, au titre glorieux, ne pouvait que s'intituler L'Odyssée de l'espèce. Bien entendu, on ne voit que Roland C. Wagner, le magicien desFuturs Mystères de Paris, pour occuper ce créneau, où le prince Rodolphe et Nestor Burma fusionnent pour devenir le détective Tem, extrêmement « transparent ». Comme dans les deux premiers épisodes de ces mystères du futur, nous avons affaire à une enquête, menée par Tem, et qui prend en compte des hypothèses relevant de l'imaginaire pseudo-scientifique d'une part, et du matériau renvoyant à la SF classique. Le policier qui accuse (à tort bien évidemment) Tem, est nommé « Dénébien », et je me suis demandé pourquoi pendant un long moment. Puis, comme il s'agissait en fait d'une incarnation de l'esprit du Mal, j'ai traduit : « il est le brince des dénèbres ». Car cet ouvrage se présente aussi comme une réflexion sur la naissance de l'humanité depuis les origines (d'où le titre). Je soupçonne Roland C Wagner d'avoir voulu rivaliser (sur le mode humoristique) avec un texte connu et récemment publié. Celui dont Yves Coppens, le paléontologue bien connu et qui a intronisé Lucy comme notre Eve africaine, a fourni le matériau à Pierre Pelot et qui conte la vie de nos premiers ancêtres.
Cela étant on trouve dans cet ouvrage toutes les qualités qui font de Roland C. Wagner un auteur qui écrit avec la même aisance et la même rapidité que Pelot lui-même dans ses meilleurs jours. La composition est claire, les personnages aussi crédibles qu'on peut le souhaiter dans un univers de quasi stéréotypes.
Reste qu'on est frustré, comme très (trop) souvent devant les textes de Roland C. Wagner. Parce qu'on le voit capable d'une telle habileté, d'une telle aisance, qu'on se demande pourquoi il n'écrit pas un texte qui ne soit pas, comme ici et comme souvent ailleurs, une parodie, un remake, un « à la manière de ». Sans doute est-ce là sa manière à lui de faire dans le post-moderne, et après tout, Sheckley aussi faisait dans la déconstruction ironique des poncifs de la SF. Il n'empêche que j'aimerai bien lire un jour un authentique Roland C. Wagner.
Ozone, Roman de Science-Fiction francophone, 1998 Rosny aîné, Roman, 1998
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesAssociation Infini : Infini (3 - liste francophone) (liste parue en 1998) pour la série : Les Futurs mystères de Paris