[Critique commune aux numéros 8, 9 et hors-série mundanes de Galaxies. Seule la portion consacrée au hors-série est reproduite ci-dessous.]
[...] l'équipe de Galaxies a publié un hors-série mundanes nettement plus intéressant, du moins par les questions qu'il appelle (ce numéro est une reprise partielle du numéro 216 de la revue britannique Interzone, à laquelle a été ajoutée un éditorial pour l'édition française et une interview de Geoff Ryman, le maître d'œuvre du projet anglais.
Et j'en vois déjà qui ouvrent grand les yeux et se demandent : c'est quoi la S-F mundane ? Kézaco un auteur mundane ? C'est, si on en croit Geoff Ryman, un auteur de S-F qui refuse le côté abracadabra de la S-F, c'est-à-dire les pouvoirs psi, le voyage dans le temps et les vitesses supérieures à celle de la lumière (et même les extraterrestres, si j'ai bien compris). Dans son plaidoyer qui a le bon goût de ne pas être totalement sérieux, Ryman fait même un parallèle saisissant avec le Dogme95 des cinéastes danois Lars Von Trier et Thomas Vinterberg. De la S-F sans effets spéciaux, pour simplifier (on pense alors évidemment à de la fiction spéculative aride, mais sans doute à tort) et on voit alors Mars dessinée à la craie dans l'entrée de la Nasa, ou un truc du même acabit.
Mais jugeons sur pièces...
Sept nouvelles, pas moins, illustrent (et défendent ?) cette S-F mundane. Les deux premières sont formidables : Lavie Tidhar nous propose une jolie tranche de littérature générale, carte postale d'une île perdue du Pacifique, très dépaysante (le lecteur courageux essayera sans doute de déterminer en quels points ce texte relève de la S-F — un crayon, Google, du temps libre et un bloc-notes lui seront alors nécessaires). Le second texte est une histoire d'amour qui utilise comme décor celui de Waterworld (ça tombait bien, Hollywood cherchait à s'en débarrasser). Une très belle romance signée Chelsea Quinn Yarbro, une fantasy maritime qui se passe dans un futur englouti (le mundane comme ça, moi je suis pour à 100%). Les choses se gâtent ensuite avec Billie Aul qui nous refait Woodstock façon Gossip Girl et on s'en serait bien passé ; R. R. Angell qui gâche une idée formidable en écrivant comme un sagouin (cela dit, son texte est le plus mundane de tous) ; Elisabeth Vonarburg pour un texte déjà lu deux fois, mal écrit et sans grand intérêt ; Anil Menon qui nous refait le coup du choc culturel en brouillon et en ultra chiant (lisez plutôt Cyberabad Days de Ian McDonald) ; et enfin Geoff Ryman qui piétine un tantinet son postulat de départ avec une poésie plus pénible que réussie (on l'a connu nettement plus inspiré). Est-ce que les nouvelles, seules, de Lavie Tidhar et Chelsea Quinn Yarbro méritent un investissement de onze euros ? Pas sûr... Mais le lecteur passionné par tout ce qui est définition(s) de la S-F, avenir du genre, etc, ne pourra pas passer à côté de ce hors-série mundanes, pas vraiment convaincant dans son choix de fictions, mais passionnant par son côté micro-Dangereuses Visions. [...]
Thomas DAY Première parution : 1/10/2010 dans Bifrost 60 Mise en ligne le : 6/1/2013