Bonne idée de consacrer un dossier à Charles Stross (on attend d'ailleurs toujours la traduction française de ses deux meilleurs romans : Glasshouse et Halting State), malheureusement le résultat final ne convainc guère : les articles sont anecdotiques, l'interview est illisible tant elle est mal traduite, la nouvelle « Une guerre encore plus froide » est une sorte de Dr Folamour avec du Cthulhu dedans ; on pense évidemment à la trilogie de « La Laverie » du même Charles Stross, mais c'est nettement moins bon/jouissif que Le Bureau des atrocités. Dans le même genre, « Missile Gap » (2005) est beaucoup plus réussie.
Le reste du sommaire se révèle particulièrement hétéroclite. Philippe Curval propose une autofiction vénitienne qui devient une nouvelle fantastique à la toute fin ; c'est hors-propos, impeccablement écrit, mais beaucoup trop long. Camille Alexa décrit une société future où la mort de chacun est connue à l'avance et où les gens ont tendance à se regrouper en fonction de leur trépas : les suicidés avec les suicidés, les alcoolos avec les toxicos, etc... étrangement, le tout évoque surtout deux obsessions du monde adolescent : la perte du pucelage et Facebook. Aussi vite oublié que lu. Yann Minh est un très gentil garçon (je l'ai rencontré plusieurs fois en vrai, mon témoignage est au pire valable), mais son texte « Egregore 2050 », farci de notes de bas de page, de clitoris implantés et de zizis dressés tel le drapeau yankee sur Iwo Jima est d'une nullité qui semble, dès février, insurpassable pour tout le millésime 2012. Il est toutefois permis de trouver cette régression façon choucroute (platée de poils pubiens pixelisés et de saucisses sextoys) follement amusante.
Reste « Le Hamsty » de Leonid Kaganov. J'ai vécu avec ce texte exactement ce que Pierre Gévart décrit dans sa présentation (comme quoi, on ne peut pas se tromper à tous les coups). Au début, cette histoire d'amitié entre un petit garçon et une petite fille, bon, oui, c'est gentil, on a déjà lu ça cent fois... Jusqu'à ce que les deux garnements fassent joujou avec la couveuse (génétique) familiale et là, je n'en dis pas plus. Uppercut à l'estomac pour cette seule nouvelle vraiment convaincante du numéro (nouvelle qui aurait d'ailleurs gagné à être relue avec un tout petit peu plus d'attention).
On va être gentil (pour une fois) et dire que la nouvelle de Kaganov vaut à elle seule l'achat du numéro...
Thomas DAY Première parution : 1/4/2012 dans Bifrost 66 Mise en ligne le : 17/5/2013