Jack VANCE Titre original : The Five Gold Bands, 1950 Première parution : Startling Stories, novembre 1950ISFDB Traduction de Dominique HAAS Illustration de Rodolfo REYES
ActuSF
, coll. Perles d'Épice Dépôt légal : janvier 2013 Roman, 232 pages, catégorie / prix : 14 € ISBN : 978-2-917689-45-5 ✅ Genre : Science-Fiction
Pour libérer la Terre du joug de l’empire des Cinq Mondes, Paddy Blackthorn se retrouve à courir l’espace afin de découvrir le secret de l’ultrapropulsion spatiale. Ses seuls indices : quelques bribes de données codées sur cinq rubans d’or.
Heureusement, il pourra compter sur l’aide de l’énigmatique Fay car tout l’Empire est à ses trousses.
Et pour cause, Paddy a causé la mort de ses cinq plus grands princes...
Conteur inlassable, Jack Vance n’a cessé tout au long de sa carrière de nous emmener vers des galaxies et des planètes lointaines.
Parmi ses succès, on compte quelques monuments de la science fiction comme Le Cycle de Tschaï, La Geste des Princes-Démons ou encore La Terre mourante. Avec Les Cinq rubans d’or, il nous propose un space opera, picaresque et exotique comme lui seul sait les écrire.
Critiques
La couverture ne ment pas sur la marchandise, on lui reconnaîtra au moins ça : Les Cinq rubans d'or, c'est vieux, antédiluvien même (on peut semble-t-il le considérer comme étant le premier roman de Jack Vance), et c'est kitsch. Ce qui, après tout, peut avoir son charme, et un peu de régression, de temps à autre, ça ne fait pas de mal... Tout cela sent fort le space op' à la papa, qui a ses aficionados. Et Vance s'est montré à bien des reprises un conteur palpitant, doué pour l'exotisme, voire « l'ethno-SF », livrant des récits enjoués pas forcément très cérébraux, mais peu importe...
Dans un futur que l'on supposera passablement lointain, l'humanité a essaimé à travers la galaxie grâce à la découverte par Sam Langtry de l'ultrapropulsion spatiale. Mais ce précieux savoir a été confisqué par les cinq Fils de Langtry et leurs descendants, qui le gardent jalousement, et ne distribuent qu'au compte-goutte, en fonction de quotas draconiens, les ultrapropulsions aux divers représentants de l'humanité (qui s'est adaptée aux différentes planètes, et présente de fait bien des variétés).
Vingt générations après cette découverte fondamentale, du coup, les Terriens font figure de laissés pour compte. Situation intolérable pour l'Irlandais jusqu'au bout des ongles Paddy Blackthorn. Aussi cet aventurier (ce « pirate de l'espace », pour reprendre un autre titre du roman) tente-t-il de voler des ultrapropulsions... et, bien évidemment, se fait prendre la main dans le sac. Suite à un concours de circonstances passablement invraisemblable — c'est rien de le dire — , notre (insupportable) héros, acculé, cause cependant la mort des cinq Fils de Langtry, et leur prend leurs cinq rubans d'or contenant des indications permettant de retrouver les tablettes conservant le secret de l'ultrapropulsion. Ce qui fait de lui l'homme le plus recherché de la galaxie, en toute logique. Mais ne l'empêche pas, secondé par la belle Fay, de l'Agence Terrienne, de se lancer dans la quête des cinq tablettes...
On nous promet du « fun », ou, pour reprendre les termes de la quatrième de couverture, qui s'appliquent certes souvent à l'œuvre de Vance, du « picaresque ». Admettons. On a cependant un peu envie d'y voir un euphémisme : Les Cinq rubans d'or, ça va à fond la caisse, ne s'embarrassant guère de choses aussi superflues que les descriptions ou la psychologie, pour se concentrer uniquement sur les dialogues et une action hystérique, enchaînant les rebondissements à vitesse grand V.
Et, hélas, ça ne passe pas.
Il n'y a en effet pas de mystère : oui, Les Cinq rubans d'or, c'est bien du space op' à la papa, mais du genre qui a vraiment très mal vieilli. Oui, Les Cinq rubans d'or, c'est régressif, mais à tel point que c'en est devenu illisible pour quiconque a plus de treize ans.
Le début du roman, parfaitement calamiteux, donne le ton : c'est insupportable, écrit avec les pieds, d'un ridicule achevé ; ça ne tient pas la route deux secondes, et on prend peur, très vite, de ce qu'on va devoir s'infliger par la suite (heureusement sur une courte distance, c'est un très bref roman). L'arrogant Paddy Blackthorn est systématiquement à baffer ; comme un Cugel, certes : sauf que le héros de « la Terre mourante » gagne en fin de compte la sympathie du lecteur du fait de son côté loser magnifique. Loin de là, Paddy, qui bénéficie de la bonne étoile des Blackthorn, réussit tout ce qu'il entreprend avec une facilité déconcertante, collecte les tablettes comme s'il faisait son marché, et se sort des nombreux pièges dans lesquels il tombe malgré tout avec une petite pirouette, pour la forme. Aussi le récit de ses aventures ne se montre-t-il guère palpitant... Quant à ses répliques censément gouailleuses et enjouées, elles ont tôt fait de lasser le lecteur. A fortiori quand la (nécessairement) belle Fay y participe : les rapports bien vite amoureux qu'entretiennent les personnages ne séduiront vraisemblablement que les lecteurs prépubères. L'immaturité est en effet le trait essentiel de ce roman qui accuse son âge.
Certes, tout n'est peut-être pas à jeter. A titre documentaire, un lecteur de bonne volonté pourra relever de temps à autre dans Les Cinq rubans d'or quelques thèmes ou procédés qui deviendront caractéristiques de l'œuvre de Vance, en science-fiction comme en fantasy. Outre le parallèle avec Cugel, ses races humaines évoluées parallèlement auraient ainsi pu aboutir à quelque chose d'intéressant... Mais non. Pas pour l'instant, en tout cas.
Un roman ennuyeux malgré son caractère frénétique, lourdingue dans sa légèreté supposée, aux personnages navrants et au style qui ne mérite même pas ce qualificatif, donc. Etrange idée, aussi, que de rééditer cette antiquité : on aurait pu (dû ?) l'oublier, probablement... Et Vance a fait tellement mieux !
La plupart des grands romans de Jack Vance étant disponibles en Français, on voit maintenant traduire ceux, plus courts, grâce auxquels cet auteur s'est « fait la main » dans le début des années cinquante. Ainsi, après nous avoir proposé La Planète des Damnés (Slaves of the KIau in Space Stories de déc. 1952) dans la collection « Superlight », Les Presses de la Cité viennent de traduire Les Cinq Rubans d'Or, qu'on peut considérer être le premier roman de Vance et qui fut publié à l'origine dans le numéro de novembre 1950 de la revue Startling Stories sous le titre de The Five Gold Bands.
Voilà donc un texte qui tient une place importante dans l'œuvre de l'auteur, les grandes lignes directrices de ses écrits futurs s'y trouvant déjà inscrites en clair...
Bien que visiblement destiné avant tout à divertir le lecteur friand d'aventures spatiales (ce qu'il réussit parfaitement), Les Cinq Rubans d'Or peut être perçu également comme un début de réflexion sur le thème du pouvoir, thème récurrent dans les œuvres importantes de Vance. Ici le pouvoir est détenu par cinq familles régnant sans partage sur la galaxie habitée car possédant le secret de la propulsion hyperspatiale. Périodiquement, des Terriens tentent de voler ce secret et c'est l'un d'eux (le héros de l'histoire) qui va mettre véritablement le feu aux poudres en tuant, pour échapper lui-même à la mort, les cinq possesseurs du secret. Ceci pour découvrir que chacun d'entre eux n'en possédait qu'une partie rédigée sous forme de rébus galactique... La quasi-totalité de l'histoire sera donc réservée, comme on peut s'en douter, à la recherche de la solution finale de l'énigme. Cette quête passant par les cinq mondes dirigés par les Fils de Langtry, Vance va en profiter pour laisser courir sa fertile imagination et créer l'un de ces univers exotiques dont il a le secret.
La trame à consonances policières est elle aussi typique de l'auteur qui y trouve sans doute un moyen efficace pour lever un à un les masques de la réalité et du pouvoir qui se dissimule derrière elle. Ici, chose intéressante, il suggère que le pouvoir peut être quelque chose d'indépendant de ceux qui croient le posséder, quelque chose qui profite du manque de confiance existant entre les principaux intéressés pour acquérir une vie propore au fil des ans. Bien sûr, on pourra alors trouver un peu simpliste la réussite du Terrien qui, en 150 pages, va réussir à récupérer toutes les pièces du puzzle technique de la propulsion hyperspatiale mais il ne faut pas oublier que Jack Vance écrivait depuis peu et pour un public un peu allergique à la sophistication littéraire. Mais, dissimulés sous le vêtement élimé d'un petit Space Opera bien mené, on trouve déjà les ingrédients de cette fine cuisine littéraire où l'intelligence se pare des plus beaux atours exotiques et qui a donné une place à part à Jack Vance dans le firmament de la SF anglo-saxonne.
Richard D. NOLANE (site web) Première parution : 1/11/1984 L'Ecran fantastique 50 Mise en ligne le : 17/7/2003