« Le golf n'est pas un sport, mais un envoûtement », dit Jean Ray et il faut avouer qu'il en persuade aisément son lecteur...
Sous sa plume, les moindres objets s'enrobent de mystère, de puissance redoutable : un club de golf retrouvé dans une nécropole égyptienne, une balle qui se dirige seule, des arbres qui bougent et qui tuent, obligeant les joueurs à abandonner le terrain... Avec ce recueil, Jean Ray nous introduit de force dans un monde dangereux, régi par des lois maléfiques où hommes et femmes sont les jouets fragiles du Destin.
1 - 72 holes... 36… 72, pages 5 à 17, nouvelle 2 - "Le Golfeur" de Mabuse, pages 18 à 27, nouvelle 3 - Seul dans le club-house, pages 28 à 38, nouvelle 4 - Mademoiselle Andrette Froget, pages 39 à 45, nouvelle 5 - Influence, pages 46 à 56, nouvelle 6 - La Balle de l'engoulevent, pages 57 à 68, nouvelle 7 - La Parade des soldats de bois, pages 69 à 78, nouvelle 8 - Les Hazards du colonel Midgett, pages 79 à 86, nouvelle 9 - Le Swing, pages 87 à 94, nouvelle 10 - La Bête des links, pages 95 à 103, nouvelle 11 - Les Links hantés, pages 104 à 117, nouvelle 12 - La Grande ourse, pages 118 à 129, nouvelle 13 - La Chance des aigles blancs, pages 131 à 140, nouvelle 14 - Le Plus ancien membre, pages 141 à 148, nouvelle 15 - EG-1405, pages 149 à 158, nouvelle 16 - La Balle volée, pages 159 à 168, nouvelle 17 - La Forêt de Madrones, pages 169 à 177, nouvelle 18 - Hecate, pages 178 à 189, nouvelle 19 - Monsieur Ram, pages 190 à 201, nouvelle 20 - La Fin, pages 202 à 209, nouvelle 21 - Le Septième trou, pages 210 à 218, nouvelle 22 - Qui ?, pages 219 à 229, nouvelle 23 - La Belle partie, pages 230 à 234, nouvelle 24 - Le Driver doré, pages 235 à 244, nouvelle 25 - Le Vestiaire, pages 245 à 251, nouvelle 26 - Le Mystère du Dip-Club, pages 252 à 270, nouvelle 27 - Henri VERNES, Postface, pages 271 à 277, postface 28 - (non mentionné), Lexique, pages 279 à 282, lexique
Le recueil, constitué après la mort de Jean Ray, regroupe des textes initialement parus dans la revue Golf. Exercices d’écriture sous contrainte, donc. Dans Les Contes du whisky, l’unité thématique donnait prétexte aux récits sans vraiment les influencer. Ici, le fond détermine les différentes variations formelles, et Jean Ray brasse large. « 72 holes… 36… 72 », « Seul dans le Club House » et « Mademoiselle Andrée Froget » traitent de tragédies amoureuses. « La Balle de l’engoulevent » s’intéresse à la sorcellerie, « Les Links hantés » et « La Chance des aigles blancs » sont des histoires de fantômes, « Hécate » et « EG-1405 » parlent de surnaturel exotique, tout comme le très beau « Monsieur Ram », histoire d’enfant martyr et de son ami pas si imaginaire que cela. « Le Mystère du dipclub » propose une vengeance à la Monte-Cristo. « La Grande Ourse » revisite l’un des thèmes classiques du fantastique, la boutique qui disparaît du jour au lendemain. « La Bête des links » offre un récit réaliste autour d’un tueur de femmes, tandis que « Le Plus ancien membre », « La Fin » et « Le Septième trou » relèvent du fait-divers. On retrouve aussi la parodie d’essai, exercice cher à l’auteur, avec « Le Vestiaire » et l’usage de références historiques, fausses ou avérées dans « Le Golfeur de Mabuse ».
On appréciera, à titre de clin d’œil, « La Balle volée », qui permet de retrouver le personnage de Si Triggs, héros malgré lui du roman La Cité de l’indicible peur (Alma, 2015), et surtout « Le Swing », récit d’une réjouissante méchanceté.
Un ensemble hétérogène, qui va de l’agréable à l’excellent, complété dans l’édition d’origine par une postface d’Henri Vernes.
Xavier MAUMÉJEAN Première parution : 1/7/2017 Bifrost 87 Mise en ligne le : 12/1/2023
Sans Maurice Renault, ce livre de Jean Ray fût demeuré inconnu. L'auteur n'en parlait à personne. Ses meilleurs amis l'ignoraient, et quand fut rédigée la bibliographie du n° 126 de Fiction, il n'en souffla mot. Heureusement, il en avait donné le manuscrit à Maurice Renault qui le sortit d'un tiroir et le fit publier.
C'est un ouvrage un peu particulier, ouvrage de commande, où Jean Ray se révèle virtuose du métier. Il lui était imparti à chaque parution une page de la revue Golf, pas une ligne de plus, pour entamer, conter et boucler son conte. Et il s'y plia avec une aisance stupéfiante, une maîtrise qu'on ne découvre qu'à la seconde lecture. C'est alors, avec étonnement, que nous découvrons que pas un personnage n'est décrit, et que si nous les avons vus, le dialogue seul en est la cause.
Encore n'avons-nous pas le Jean Ray pur, le rédacteur de la revue s'étant plu à le corriger, éteignant avec application ce que le style pouvait avoir de trop original et de trop coruscant, rabotant avec conscience quelques notations d'atmosphère et quelques dialogues. N'importe, Jean Ray l'a supporté, donnant un échantillonnage complet de toutes ses possibilités : fantastique, humour noir, récits cruels, tout ce qui est proprement le lieu géométrique de ses thèmes. Si mes préférence vont à Hécate ou au conte si féroce qu'est Leseptième trou, cela ne veut pas dire que les autres soient médiocres. C'est un Jean Ray mineur certes, mais qui écrase toujours bien des ouvrages similaires.
Et il y a encore ceci : dans aucun titre de ses ouvrages, Jean Ray ne s'est livré à ce point. Sans doute a-t-il déclaré vouloir se venger du golf, lui qui en était si médiocre joueur, et vouloir montrer que tous les joueurs de golf sont des intoxiqués, mais il était à l'âge également des confidences. Ainsi, le premier conte, « 72… 36… 72 », surprendra, car voici un récit purement sentimental, conté sans sécheresse comme sans mièvrerie. Jean Ray sentimental : voilà qui étonnera ceux ne connaissant l'auteur que par sa légende. Jean Ray avait une légende, et il était l'homme de sa légende, mais il n'était pas que cela.
Au travers de ces pages je retrouve sa voix rocailleuse, son rire franc et gai, je le retrouve avec sa gentillesse, son amour des bêtes et des enfants, qu'il apprivoisait pareillement, sa fidélité, son dévouement à ses amis, car lui qui nous dominait tous ne jouait pas au pontife ; il était toujours là pour un conseil, un coup d'épaule.
Tout cela transparaît dans ces contes, d'un ton plus apaisé, mais où vibre la haine de toute méchanceté, de la bêtise satisfaite, de ceux qui s'en prennent à l'enfance. Ouvrir les Contes noirs, c'est plus que lire un recueil de contes de Jean Ray, c'est aller à sa rencontre.
Jacques VAN HERP Première parution : 1/2/1965 Fiction 135 Mise en ligne le : 21/9/2023