Un objet, sphérique. Un nuage interstellaire, bombe gazeuse à l'échelle du système solaire fonçant droit sur nous et à toute vitesse. Menaçant de sa seule présence toute vie sur Terre.
Quand autour de Chris une poignée d'astronomes aussitôt réunie l'ausculte, observe son approche, c'est pire. Le Nuage déjoue toutes les prévisions. Il est contrôlé. Vivant, peut-être ? Conscient ?
Que faire ? Et que faire contre la menace, non moins redoutable, de l'incurie politique ? Machiavélisme et culot sidérant ne seront pas de trop face aux politiciens, Premier ministre en tête... Chasser le Nuage. Stopper l'extinction de l'humanité.
Ce roman de 1957, dû à la plume alerte et visionnaire de l'astronome mondialement connu qu'était Fred Hoyle (c'est à lui qu'on doit le terme « Big Bang » !), nous met dans l'intimité du monde nocturne et en trépidation intellectuelle insatiable des astronomes. Et nous régale sans retenue d'un humour féroce aux dépens de nos politiciens, qui dans ces pages trouvent leur maître.
L'enquête
Professeur émérite de l'Observatoire de Paris, spécialiste de la matière interstellaire, James Lequeux non seulement ausculte la plausibilité de l'hypothèse de Fred Hoyle, qu'il a connu, mais aussi jauge, admiratif, ses facultés d'anticipation, tant la connaissance des nauges interstellaires a évolué depuis les années 50. Mais aussi, comment s'y prend un scientifique pour imaginer une forme de vie aussi différente de la nôtre que le Nuage noir ?
1 - James LEQUEUX, Et si c'était possible..., pages 293 à 303, postface 2 - James LEQUEUX, Notes, pages 305 à 311, notes
Critiques
Après leur réédition du Formidable événement de Maurice Leblanc (cf. critique de Laurent Leleu dans le Bifrost n° 70), les éditions de l’Évolution poursuivent leur travail d’exhumation de vieux romans d’anticipation avec Le Nuage noir, signé Fred Hoyle. Auteur aujourd’hui quelque peu tombé dans l’oubli, Hoyle est surtout connu comme astronome et cosmologiste, voire comme défenseur de la théorie de la panspermie, et a comme principal fait d’arme d’avoir forgé – par dérision – le terme « Big Bang ».
Écrit en 1957, avec une action située sept ans plus tard, ce Nuage noir fait désormais figure de rétro-SF. Tout commence donc en 1964, lorsqu’un astronome du mont Palomar découvre une anomalie en observant le ciel du côté de la nébuleuse d’Orion : quelque chose occulte une minuscule partie de la voûte céleste. Quelque chose bientôt baptisé le Nuage noir. Et ledit Nuage semble grossir. Dans le même temps, des astronomes anglais remarquent des perturbations dans l’orbite de Jupiter et Saturne que rien ne paraît expliquer, si ce n’est l’influence d’un objet externe au Système solaire. La mise en commun des découvertes amène à penser que le Nuage noir, d’une taille non négligeable (une UA), fonce droit vers la Terre, avec une arrivée prévue dans une quinzaine de mois. Si tout se déroule comme les scientifiques le craignent, le Nuage provoquera l’extinction de toute vie sur Terre. Son approche n’est pas sans provoquer des désastres : fortes chaleurs, puis obscurité et froid polaire… Les morts se comptent par millions. Sans compter que certaines bizarreries dans le comportement du Nuage laissent supposer qu’il est vivant. Intelligent. Reste à savoir s’il est possible de comprendre une telle entité, ou de s’en faire comprendre.
Récit de pure hard science, Le Nuage noir fait la part belle aux réflexions et débats scientifiques. Allant à contre-courant de théories aujourd’hui communément admises (un univers stationnaire : paradoxalement, Hoyle ne croyait pas au Big Bang), il n’en introduit pas moins des idées qui seront reprises plus tard par des auteurs tel que Stephen Baxter – notamment celle d’une vie qui se développe partout où elle le peut. Quitte à délaisser les personnages. Ainsi, de la galerie de scientifiques, protagonistes du roman, n’émerge guère que la figure de Chris Kingsley, brillant astronome mais tête de mule, qui ne dissimule guère son mépris envers les politiciens. La médiocrité et l’étroitesse de vue de ces derniers s’avèreront désastreuses, et un humour féroce imprègne les pages concernées.
Enfin, à la manière de notre bon professeur Lehoucq et sa rubrique « Scientifiction », James Lequeux remet en perspective, dans une postface hélas trop courte, les aspects scientifiques du Nuage noir – et démontre que Hoyle a commis peu d’erreurs dans son roman. Un peu vieilli, celui-ci n’en demeure pas moins une lecture digne d’intérêt.
Fred Hoyle est une « tronche », comme on disait au lycée, un de ces curieux et vieux petits bonhommes portant barbiche et lorgnons, bourré de diplômes jusqu'au ras des oreilles.
Par ailleurs, comme d'autres, il s'intéresse à la science-fiction, en tant que roman-extrapolation à base scientifique, et il en écrit, seul ou en collaboration avec Geoffrey Hoyle.
Le résultat, on s'en doute, est une forme de S.F. plus tellement en odeur de sainteté chez nous : la hard science, ces récits bourrés de démonstrations, formules et calculs illisibles...
Cela se faisait beaucoup à une époque, et aux U.S.A. Et on y revient, sous l'influence d'auteurs comme Jerry Pournelle, d'associations pro-colonisation spatiale, comme « L 5 », et de la revue Analog.
Ça fait « vrai », « sérieux », parce que « scientifique » et à peine « extrapolé ».
Jules Verne aurait aimé, Bernard Blanc non, ce qui ne l'a pas empêché de signer la préface, marrante mais sans grand intérêt.
Le nuage noir est tout de même un livre intéressant, puisque réunissant tous les ingrédients de base, bon suspense, action, détails marrants (comme cette tentative d'invasion de l'Afghanistan par les Russes), servis par une bonne traduction. Et si, ma foi, on y fait l'apologie du preux et valeureux scientifique, tant pis, ce n'est jamais que de la science-fiction !
Conseillé bien entendu à tout lecteur possédant bonnes connaissances scientifiques.