Fred HOYLE Titre original : The Black Cloud, 1957 Première parution : Portsmouth, Royaume-Uni : William Heinemann, 1957ISFDB Traduction de Jean QUEVAL Illustration de Jean-Michel NICOLLET
Un nuage de gaz interstellaire va pénétrer dans le système solaire et détruire toute vie sur Terre... Déjà son approche y bouleverse les équilibres électromagnétiques et écologiques : c'est le début de l'Apocalypse !
Puis les savants découvrent avec stupeur qu'il n'obéit pas aux lois de la mécanique céleste, qu'il est donc... vivant !
Ils trouveront même le moyen d'entrer en contact avec cette forme de vie si différente de la nôtre, venue chercher dans notre soleil un aliment. Et une communication — vitale pour les Terriens — s'établira...
Dans ce pur roman de « hard science », la perfection scientifique des démonstrations et extrapolations du grand astronome rendent presque totalement plausible, et d'autant plus passionnante et terrifiante, l'intrigue à suspense du grand romancier.
Né dans le Yorkshire en 1915, professeur de mathématiques à l'université de Cambridge, professeur d'astrophysique, Fred Hoyle, qui a fait partie des équipes de l'Observatoire du mont Palomar et du mont Wilson, est un astronome mondialement connu. Ses écrits les plus importants sont des traités d'astronomie, mais il est aussi l'auteur de plusieurs romans de science-fiction, qu'il signa seul ou en collaboration avec son fils Geoffroy, où la base scientifique est toujours impeccable. Les plus intéressants sont Le Premier Octobre il sera trop tard, Inferno (Denoël) et Le nuage noir qui est son premier ouvrage d' « imagination ».
1 - Bernard BLANC, Au secours, la science-fiction en danger, pages 5 à 6, introduction 2 - (Préface) (1957), pages 7 à 7, préface, trad. Jean QUEVAL
Critiques
Fred Hoyle est une « tronche », comme on disait au lycée, un de ces curieux et vieux petits bonhommes portant barbiche et lorgnons, bourré de diplômes jusqu'au ras des oreilles.
Par ailleurs, comme d'autres, il s'intéresse à la science-fiction, en tant que roman-extrapolation à base scientifique, et il en écrit, seul ou en collaboration avec Geoffrey Hoyle.
Le résultat, on s'en doute, est une forme de S.F. plus tellement en odeur de sainteté chez nous : la hard science, ces récits bourrés de démonstrations, formules et calculs illisibles...
Cela se faisait beaucoup à une époque, et aux U.S.A. Et on y revient, sous l'influence d'auteurs comme Jerry Pournelle, d'associations pro-colonisation spatiale, comme « L 5 », et de la revue Analog.
Ça fait « vrai », « sérieux », parce que « scientifique » et à peine « extrapolé ».
Jules Verne aurait aimé, Bernard Blanc non, ce qui ne l'a pas empêché de signer la préface, marrante mais sans grand intérêt.
Le nuage noir est tout de même un livre intéressant, puisque réunissant tous les ingrédients de base, bon suspense, action, détails marrants (comme cette tentative d'invasion de l'Afghanistan par les Russes), servis par une bonne traduction. Et si, ma foi, on y fait l'apologie du preux et valeureux scientifique, tant pis, ce n'est jamais que de la science-fiction !
Conseillé bien entendu à tout lecteur possédant bonnes connaissances scientifiques.
Après leur réédition du Formidable événement de Maurice Leblanc (cf. critique de Laurent Leleu dans le Bifrost n° 70), les éditions de l’Évolution poursuivent leur travail d’exhumation de vieux romans d’anticipation avec Le Nuage noir, signé Fred Hoyle. Auteur aujourd’hui quelque peu tombé dans l’oubli, Hoyle est surtout connu comme astronome et cosmologiste, voire comme défenseur de la théorie de la panspermie, et a comme principal fait d’arme d’avoir forgé – par dérision – le terme « Big Bang ».
Écrit en 1957, avec une action située sept ans plus tard, ce Nuage noir fait désormais figure de rétro-SF. Tout commence donc en 1964, lorsqu’un astronome du mont Palomar découvre une anomalie en observant le ciel du côté de la nébuleuse d’Orion : quelque chose occulte une minuscule partie de la voûte céleste. Quelque chose bientôt baptisé le Nuage noir. Et ledit Nuage semble grossir. Dans le même temps, des astronomes anglais remarquent des perturbations dans l’orbite de Jupiter et Saturne que rien ne paraît expliquer, si ce n’est l’influence d’un objet externe au Système solaire. La mise en commun des découvertes amène à penser que le Nuage noir, d’une taille non négligeable (une UA), fonce droit vers la Terre, avec une arrivée prévue dans une quinzaine de mois. Si tout se déroule comme les scientifiques le craignent, le Nuage provoquera l’extinction de toute vie sur Terre. Son approche n’est pas sans provoquer des désastres : fortes chaleurs, puis obscurité et froid polaire… Les morts se comptent par millions. Sans compter que certaines bizarreries dans le comportement du Nuage laissent supposer qu’il est vivant. Intelligent. Reste à savoir s’il est possible de comprendre une telle entité, ou de s’en faire comprendre.
Récit de pure hard science, Le Nuage noir fait la part belle aux réflexions et débats scientifiques. Allant à contre-courant de théories aujourd’hui communément admises (un univers stationnaire : paradoxalement, Hoyle ne croyait pas au Big Bang), il n’en introduit pas moins des idées qui seront reprises plus tard par des auteurs tel que Stephen Baxter – notamment celle d’une vie qui se développe partout où elle le peut. Quitte à délaisser les personnages. Ainsi, de la galerie de scientifiques, protagonistes du roman, n’émerge guère que la figure de Chris Kingsley, brillant astronome mais tête de mule, qui ne dissimule guère son mépris envers les politiciens. La médiocrité et l’étroitesse de vue de ces derniers s’avèreront désastreuses, et un humour féroce imprègne les pages concernées.
Enfin, à la manière de notre bon professeur Lehoucq et sa rubrique « Scientifiction », James Lequeux remet en perspective, dans une postface hélas trop courte, les aspects scientifiques du Nuage noir – et démontre que Hoyle a commis peu d’erreurs dans son roman. Un peu vieilli, celui-ci n’en demeure pas moins une lecture digne d’intérêt.
Erwann PERCHOC Première parution : 1/1/2015 Bifrost 77 Mise en ligne le : 3/5/2020