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La Fabrique d'Absolu

Karel CAPEK

Titre original : Továrna na absolutno, 1922
Traduction de Jean DANÈS & Jirina DANÈS
Illustrations intérieures de Josef CAPEK

La BACONNIÈRE , coll. Ibolya Virag
Dépôt légal : novembre 2014
Roman, 300 pages, catégorie / prix : 10 €
ISBN : 978-2-940431-24-3
Genre : Science-Fiction

Ce livre, paru en janvier 2015, contient les illustrations originales (de l'édition tchèque) de Josef Capek, frère de l'écrivain. Les passages qui avaient été francisés dans la traduction de Jean et Jirina Danès, ont été rétablis ici tels qu'ils apparaissent dans le texte original. Révision géographique de la traduction par André Ourednik. Couverture : Beenturong.



Quatrième de couverture
Dans les années 1940, l'ingénieur tchèque Marek invente une machine révolutionnaire, appelée Carburateur, capable de produire de l'énergie à peu de frais en fragmentant les atomes et sans générer de déchets. De quoi illuminer tout Prague avec une noix de charbon ! Mais en consumant entièrement la matière, l'engin libère l'essence divine, l'inquiétant Absolu !

Au contact du carburateur, commercialisé à travers le monde par l'industriel Bondy, on devient croyant partout. Le nouveau Dieu ne ménage personne : les hommes s'amendent jusqu'aux criminels les plus endurcis, les bourgeois nantis offrent leurs biens aux pauvres et l'on pourrait ainsi croire à l'avènement du meilleur des mondes.

Mais plus l'Absolu s'étend, plus les hommes se divisent, car tous souhaitent se l'approprier comme leur Dieu. Les conflits de religion se multiplient et deviennent la Plus Grande des Guerres.

Écrit en 1922 alors que l'atome vient d'être découvert, ce roman témoigne du génie prophétique de Karel Capek (1890-1938). En sus de cette intuition scientifique, il y tourne en dérision le fanatisme religieux, met en garde contre les dangers de la globalisation, nous confronte à l'imperfection morale de l'Homme et à l'absurdité de la guerre.

Comme dans La Guerre des salamandres (La Baconnière, 2012), Karel Capek se révèle à travers ce texte, un représentant original du roman utopique, un précurseur de la science-fiction, en même temps qu'un maître novateur de la prose tchèque moderne. Et comme dans tous ses écrits, on jouit à la fois de la vivacité du texte et de son humour ravageur.

Édition révisée et agrémentée des dessins de son frère, Josef Capek (1887-1945), peintre, photographe et illustrateur, parus dans l'édition originale.
Sommaire
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1 - (non mentionné), Notes, pages 291 à 294, notes
Critiques

            1er janvier 1943. L’industriel Bondy lit dans le journal une étrange annonce : « Découverte très lucrative, intéressant toute usine, à céder de suite pour motifs personnels. » Curieux, l’homme d’affaires se rend à l’adresse indiquée et y retrouve un ami depuis longtemps perdu de vue, l’ingénieur Ruda Marek. Celui-ci, à la fois exalté et abattu, a mis au point le Carburateur, un appareil révolutionnaire qui tire le maximum d’énergie d’un minimum de matière. En désagrégeant l’atome, il libère une formidable puissance du moindre électron. Une livre de charbons peut ainsi alimenter une usine durant des semaines.

            Seulement il y a un hic. La matière ainsi pulvérisée met au jour le divin qui y est enfermé puisque, comme chacun sait, Dieu est présent jusque dans la plus infime partie de sa création. Dieu devient un « sous-produit (…) sous une forme chimique parfaitement pure. » L’Absolu va bientôt se répandre. À son contact, toute personne est touchée par la grâce, se livre à un altruisme universel qui lui fait donner tous ses biens aux pauvres. La mystique plonge dans l’extase l’esprit sain. Au fur et à mesure l’effet augmente, occasionnant des prophéties qui se révèlent toutes exactes. Suivent très vite des miracles. L’Absolu est-il une force aveugle, ou Dieu voulant détruire sa création afin de retrouver le calme du commencement ?

            Karel Capek avoine large dans cette satire à la fois drôle et implacable. Chacun en prend pour son grade. Ainsi des athées qui n’adhèrent qu’à des valeurs matérielles. Suivent les différentes religions, bien embêtées que leur pouvoir terrestre soit confronté à la puissance céleste : « Ni les croyants, ni les athées, ne peuvent avoir besoin d’un Dieu existant et agissant réellement. » Particulièrement visée, l’église catholique convoque le divin devant une « commission de déification » qui a tout l’air d’un procès : « Messieurs, ne croyez pas, je vous en conjure, que l’Église fait pénétrer Dieu dans le monde. L’Église ne fait que le contenir et le canaliser. » La science n’est pas non plus épargnée, qui s’échine à rendre l’Absolu compatible avec la théorie de la relativité. Sans parler du communisme qui par un tour de passe-passe dialectique s’approprie « L’Ouvrier infini ». Capek s’en prend à tous, jusqu’au paysan tchèque dont l’âpreté au gain et l’individualisme terre à terre assure sa sur vie et celle des gens qui sont prêts à le payer.

            Cela, en première lecture. Plus étrange est l’adéquation entre la forme et le fond qui aboutit à une dimension pour le coup prophétique. Sachant que l’ouvrage date de 1922, et que Capek est mort en 1938, on ne peut qu’être admiratif de ses trouvailles, tel le nouvel évangile transmis par radio-télégraphe permettant sa discussion instantanée, qui a des airs d’Internet. Quant au monde décrit, il est semblable au nôtre d’une manière inquiétante : attaque des États-Unis par la flotte japonaise, effondrement bancaire, troubles sociaux, crise mondiale, déchirement de la communauté musulmane entre sunnites et chiites à propos du nouveau Califat (!)…

            La Fabrique d’Absolu assure le lien entre R.U.R. (1920) et La Guerre des salamandres (1936). Le récit adopte la même structure ternaire : 1) nouveauté qui apparaît tout d’abord comme bénéfique ; 2) conséquences inattendues entraînant une prolifération et un embrasement total ; 3) effondrement. De même que dans R.U.R, le salut d’une minorité viendra par le choix de l’isolement, du retour à la nature, à ceci près que R.U.R offrait l’espoir d’un nouveau commencement, tandis que La Fabrique d’Absolu s’achève sur un monde à bout de souffle et frappé de bêtise.

            Dans son traitement, le récit offre une sorte de régionalisme à valeur universelle, un peu comme Marcel Aymé, et rappelle souvent dans sa note humoristique un autre ouvrage de Capek : L’Année du jardinier (1929). Relevons enfin l’étonnante audace narrative du chapitre 13, qui voit Capek s’adresser au lecteur et congédier tous ses personnages pour s’intéresser au devenir collectif.

            Le volume, un joli format poche, reprend l’édition de 1999 déjà dirigée par Ibolya Virag. Un avertissement en fin de volume justifie la révision de traduction, puisque l’originale de 1945 avait francisé les noms afin de centrer l’action chez nous. Enfin, le texte de Karel Capek est tel que dans sa parution initiale, illustré par son frère Josef. Un apport sans doublon mais au contraire complémentaire. Preuve une nouvelle fois de la complicité qui existait entre eux, en témoigne l’anecdote maintenant historique : c’est bien Josef qui, pour R.U.R, avait suggéré à Karel l’emploi du terme « robot », à la fortune qu’on sait…

Xavier MAUMÉJEAN
Première parution : 1/4/2015 dans Bifrost 78
Mise en ligne le : 17/5/2020

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