William T. VOLLMANN Titre original : You Bright and Risen Angels, 1987 Première parution : Londres, Royaume-Uni : Andre Deutsch, avril 1987 Traduction de Christophe CLARO Illustration de Jamie BALDRIDGE
ACTES SUD
(Arles, France), coll. Exofictions Date de parution : 20 janvier 2016 Dépôt légal : janvier 2016, Achevé d'imprimer : décembre 2015 Première édition Roman, 832 pages, catégorie / prix : 26,00 € ISBN : 978-2-330-03909-7 Format : 14,5 x 24,0 cm Genre : Fantasy
Dans les jungles d’Amérique du Sud, les glaces de l’Alaska, les plaines du Midwest et les rues de San Francisco, la bataille fait rage. Les insectes mènent une lutte impitoyable pour la domination. Face à eux, un sinistre groupe chargé d’électrifier le monde. Mais un jeune homme, Bug, va trahir les siens pour rejoindre le camp des insectes. Wayne, une vilaine brute, se rallie aux forces maléfiques de l’électricité et fait le serment d’assassiner la mante religieuse qui tient un bar dans l’Oregon. Quant à Milly Dalton, la Marchande d’allumettes, elle conduit une bande de révolutionnaires intrépides…
Fourmillant de personnages touchants, terribles, improbables, inclus dans un casting dirigé en coulisse par un énigmatique démiurge du nom de Big George qui rivalise avec l’auteur dans l’art de la manipulation, truffé d’épigraphes politiques, assorti de listes diverses, doté d’une table des matières truquée qui prolonge le récit, illustré de dessins, écrit dans une langue incroyablement précise et colorée où les images se livrent à une surenchère synesthésique, Les Anges radieux est un roman d’une magnifique générosité et d’une indéniable truculence. Dans cette fresque survoltée où se mêlent roman d’apprentissage, charge incendiaire contre les ambitions impérialistes et certains “idéaux” révolutionnaires, et méditation épique sur la violence, la rébellion et le rôle de la technologie dans l’aventure humaine, William T. Vollmann joue à fond, pour la première (et sans doute la dernière) fois, la carte de l’imaginaire et de la fantasy. Pour cela, Les Anges radieux s’affirme comme un moment indispensable dans la perpétuelle découverte de ce colosse de la littérature américaine contemporaine.
Né en 1959, William T. Vollmann est l’auteur d’une œuvre aussi protéiforme qu’ambitieuse. Actes Sud a publié La Famille royale (2004), Central Europe (2007), roman qui a obtenu le National Book Award 2005 ; Les Fusils (Babel n° 832), Pourquoi êtes-vous pauvres ? (2008), prix du Meilleur Livre étranger — Essai 2008 et Le Grand Partout (2011). Paru aux Etats-Unis en 1986, Les Anges radieux est son premier roman.
Critiques
On ne plaisante pas avec William T. Vollmann. Atypique, obsédé, fouineur, démesuré, provocateur, ce globe-trotter d’origine californienne est sans doute l’écrivain le plus titanesque de la littérature occidentale actuelle, le genre de type rare qu’on imagine bien laisser une empreinte forte sur plusieurs générations, l’éternité n’existant pas.
Il suffit de se plonger dans Les Anges radieux pour comprendre pourquoi ce mastodonte de 830 pages n’a été publié en France que vingt-neuf ans après sa parution initiale. Outre les problèmes de traduction, maintenant résolus par un Claro qui se révèle l’homme de la situation (comme avec Pynchon), on peut comprendre que nos éditeurs hexagonaux aient paniqué en découvrant ce pavé couvert d’encre où l’on cherche encore les dialogues, les phrases courtes, les retours à la ligne et, de manière générale, tout ce qui aère un tant soit peu la lecture. Ah, si ! Il y a des illustrations de l’auteur !
Pour être honnête, Les Anges radieux peinera à séduire un lectorat en quête d’évasion, même si une partie de celui-ci retrouvera des éléments qui lui sont familiers. Car ce premier opus de Vollmann est bel et bien une féérie, un ouvrage régi par les (non-)règles du merveilleux, comme le déroutant Féérie pour une autre fois de Louis-Ferdinand Céline, qui, lui aussi, pourrait être classé dans deux rayons différents d’une même librairie.
Au travers d’un patchwork de scènes éparpillées sur un siècle et demi s’affrontent trois factions : les réactionnaires, maîtres des mystérieux globes bleus, conquérants de l’espace qu’ils marquent en créant leur réseau électrique tentaculaire ; les révolutionnaires, qui s’opposent à eux et à cet american way of life courant du massacre des Amérindiens à l’administration Reagan, du télégraphe aux satellites ; les insectes, qui représentent la nature et toutes les minorités qui subissent plus qu’elles ne s’expriment.
Si les insectes s’allient très vite aux révolutionnaires, Vollmann ne manque pas de détailler à quel points ces factions sont à géométrie variable : rivalités entre réactionnaires, trahisons chez les révolutionnaires qui concluront une étrange alliance avec des insectes aux intentions hermétiques… Même la narration de Bug, le chef révolutionnaire modèle et expérimental, se fait régulièrement parasiter par le dangereux Big George. On l’aura compris, Burroughs n’est pas loin non plus, pas plus que Dick (mais comme Dick est toujours partout…).
Contenant les ferments de l’œuvre à venir, et notamment de ce chef-d’œuvre sans pareil qu’est Central Europe, Les Anges Radieux est un bouquin riche et difficile, la mauvaise porte d’entrée sur l’univers de Vollmann, un passage obligé pour qui y est déjà installé, un roman qu’il faudra savoir digérer longtemps. Mais comme tout travail mérite salaire…