NITCHEVO FACTORY
(Montpellier, France) n° (7) Dépôt légal : avril 2017 Réédition Recueil de nouvelles, 304 pages, catégorie / prix : 23,99 € ISBN : 979-10-94902-07-3 Format : 17,0 x 22,0 cm Genre : Fantasy
« Dans les failles du béton, dans les craquelures de l’asphalte, une fleur barbelée a pris racine.
Sans vertige du haut des immeubles, et sans peur dans l’ombre des ruelles, les étrangers se lèvent. Ils viennent de nos rêves les plus insensés ou du plus sombre de nos cauchemars. Aigus, affutés, drapés d’altérité et de symboles, armes murmurantes au poing, et infusés tout entiers de cette menace majeure à l’ordre établi des hommes : le glamour. Un enchantement si ancien qu’il frappe de terreur les uns et fait battre à nouveau le cœur lassé et assoupi des autres.
Chez les ‘regs’, on les surnomme changelings, coucous ; on prétend qu’ils ont été abandonnés dans les demeures des hommes par des créatures légendaires, hostiles, sans âme, aux desseins insondables.
Mais entre eux, dans les Centres d’internement, les squats dans les replis aveugles des villes et l’enclave de leurs meutes, ils se donnent à eux-mêmes le nom de ‘fay’.
Au bout de leur route vers la liberté, et l’accomplissement de leur inaliénable identité, attend Frontier, la cité hors-le-monde, que les Cours de féerie, jadis, appelaient Seuil.
C’est ce périple, et tout autant celui des regs qui leur font face, que narre le premier opus du Dit de Frontier, en douze arcanes tissés de coups du sort, de sang, de feu, et de foudre.
Les textes de ce volume ont été nominés cinq fois aux Prix Merlin et Rosny-Aîné ; le recueil entier a été nominé au Grand Prix de l’Imaginaire et a reçu, en 2005 le Prix Imaginales.
Léa Silhol, pionnière de la Fantasy Urbaine, continue depuis à ajouter, pierre à pierre, romans et nouvelles à la citadelle des fay. »
Cri du cœur. Ecorchés vifs. Tels sont les mots qui viennent à l'esprit en lisant Musiques de la Frontière, le nouveau recueil de nouvelles de Léa Silhol, entièrement consacré à son cycle des fay, et dont la version Fission est proposée avec un CD de six morceaux composés par PFR d'après les nouvelles, elles-même écrites en musique. La couverture de cette version, signée Sébastien Bermès, montre un visage plus doux que celle de la Régular, signée Amar Djouad. Toutes deux sont très belles, mais ce sont les illustrations intérieures (présentes dans les deux éditions) de Frédérique Berthon qui exaltent le mieux les nouvelles de Léa Silhol.
Aux textes déjà publiés, viennent s'ajouter six inédits qui donnent un nouvel éclairage sur l'histoire de ces mutants-fées. Les fay sont apparus, tels des changelings, dans les berceaux humains. Quand ceux-ci n'ont plus pu supporter leur étrangeté, ils les ont abandonnés dans des Centres. Shade fut le premier à s'enfuir ; des rêves le guidèrent vers la ville que les regs appellent Frontier, mais que les fay nomment Seuil.
En une douzaine de nouvelles, Léa Silhol campe une histoire impossible qui pourtant résonne dans le quotidien de tous les opprimés, de tous les laissés-pour-compte de notre monde. Elle dénonce aussi bien le racisme que l'esclavage des enfants, tout en offrant au lecteur des œuvres d'une grande beauté. D'un style incisif et poétique à la fois, ses histoires nous introduisent dans un univers d'autant plus terrifiant qu'il sonne vrai.
Runaway train, par exemple. Cette histoire de deux enfants qui fuient et se cachent est terriblement émouvante, comme l'est aussi La Ballade des égarés, où il est question d'une enfant disparue, ou encore Vado Mori ou Faire Surface. Mais attention, je ne vous parle pas d'une émotion mièvre et sirupeuse, pas du tout ! Je parle de colère et de chagrin, de désespoir et de larmes salvatrices. De feu purificateur, aussi, ce feu qui réduit en cendres les erreurs du passé, parce que si les abcès ne sont pas crevés, on en souffre éternellement.
Au fil des nouvelles on retrouve parfois quelques fay déjà rencontrés, Shade et Ash que suivent les autres, Gift, Jay, Fallen... Entre A bout de course et Comme une balle, on les voit changer, ou plutôt se révéler tels qu'ils sont réellement. Tout comme on voit évoluer la ville, Frontier, entre Encordés à la Nuit et Voix de Sève. Mais les humains aussi changent, ou plutôt, tous ne haïssent pas les fay, car dès l'origine, il s'en trouve pour les protéger, comme, dans Le Magicien, Alicia, qui a pourtant tout à y perdre, ou même pour les aimer, comme Lauren dans Il ne neige pas à Frontier.
En fin de recueil, comme déjà dans La Tisseuse, une postface de Natacha Giordano analyse l'œuvre de Léa Silhol et aide le lecteur à relier sa fiction au réel qui l'a inspirée. C'est particulièrement bienvenu ici, où chaque mot est significatif.