Ce livre vous propose un parcours dans le temps à la rencontre des fées, des plus célèbres aux plus inattendues. Attrapez les fées là où elles se cachent ! Des territoires littéraires aux oeuvres cinématographiques en passant par la BD et la peinture, les reines du merveilleux ont investi tous ces champs au fil des siècles. La lecture du guide est aussi un voyage qui tente de révéler la profusion des regards portés sur la figure féerique, ainsi que son évolution, riche et complexe au fil des époques traversées.
Scénariste et écrivain, Audrey Cansot explore l’Invisible et la pensée du « Nouveau Monde ».
Virginie D’Avray-Barsagol est professeur certifié de Lettres modernes.
Toutes deux collaborent à divers sites internet et revues.
Reconnaissons-le d’emblée : je suis ignare en fées. J’ai peu arpenté les sentiers de la Faërie (un peu quand même), et n’en ai pas souvent rencontré. Après tout, les fées, c’est bon pour les femmes et les enfants, non ? Bref, c’est dire si un essai sur le sujet, a fortiori sans illustration de Sandrine Gestin, se révèle intrigant et intéressant.
Bon, redevenons sérieux, parce que l’ouvrage le nécessite. Virginie Barsagol et Audrey Cansot ont donc entrepris de nous raconter par le menu détail le développement de la figure de la fée, de son apparition jusqu’à aujourd’hui, et au gré de ses métamorphoses.
Tout commence à l’antiquité, par la figure emblématique de la Fileuse, incarnée par les trois Moires – Atropos, Clotho et Lachésis – qui tissent la destinée de l’Homme. Bien loin de l’image de la fée Clochette popularisée ces derniers temps, l’on découvre que la fée ne naît pas uniquement sous des auspices chaleureux : en témoignent Lilith, et certaines œuvres qui font des fées les sœurs des vampires.
L’ouvrage retrace les siècles, à commencer par le Moyen-Âge, au cours duquel les fées, considérées comme des survivances païennes, sont condamnées par le christianisme ; le personnage de la fée marraine apparaît, avec ses dons parfois encombrants, voire néfastes. C’est aussi à cette époque-là qu’arrive l’écriture, qui va servir de principal vecteur de diffusion de l’image féérique. Après un XVIe siècle marqué par les premières lettres de noblesse (Shakespeare s’y intéresse à son tour), le conte de fées proprement dit fait son apparition au XVIIe ; la fée s’érige alors en contre-pouvoir, en moyen de critiquer la société. Le XVIIIe verra l’émergence du luxe et du sexe ; le XIXe, un retour à la nature et au nationalisme. Enfin, le Xxe sera l’occasion pour la fée de passer au crible de la psychanalyse et d’investir d’autres domaines : cinéma, bande dessinée...
Ce qui frappe dans cet essai, c’est la multitude des figures de la fée, tantôt bienveillante, tantôt mauvaise, et tour à tour mère, enjôleuse, sage, éprise de luxure, pure invention ou figuration de personnages réels (comme la reine Elizabeth Ire), bâtie sur les canons de Morgane – ravisseuse d’hommes – ou de Mélusine – celle qui vient dans le mondes des humains... On constate que les images populaires de la fée ne rendent que peu justice à cette complexité. On saura donc gré aux auteurs de la réhabiliter dans toute sa diversité ; mais, après tout, le sous-titre de l’ouvrage n’est-il pas « Regards sur la femme », ce qui implicitement sous-tend que la fée n’est rien d’autre qu’une incarnation de la figure féminine, donc par nature forcément multiple ?
Ce livre prend la forme de fiches dédiées à chacune des émanations de la fée, avec les principales œuvres à lire sur le sujet, et renvoi vers des fiches connexes. Ce principe permettra au lecteur d’orienter sa lecture vers les sujets l’intéressant davantage, voire de naviguer dans cet ouvrage de manière non nécessairement chronologique. On signalera également l’imposante bibliographie, toutefois quasi-exclusivement tournée vers les ouvrages classiques – on aurait pu imaginer avoir une liste d’œuvres plus récentes où apparaissent les fées, comme La compagnie des fées, de Gary Kilworth. Ou Les jeux étranges du Soleil et de la Lune, de Lisa Goldstein, mais cela eût sans doute conduit à une bibliographie vertigineuse. Enfin, on ne saurait taire l’absence d’un index et les trop nombreuses coquilles (mention spéciale à ce pauvre Edmund Spenser, tour à tour orthographié correctement et Spencer).
Au final, cet ouvrage s’avère une parfaite introduction pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire de la fée, et donne envie de se plonger dans la lecture des multiples œuvres citées, histoire de vérifier qu’on a eu tort jusque là de ne se fier qu’à son incarnation la plus populaire, Clochette, qui est malheureusement la moins intéressante des figures de la fée.
Quand on se penche sur les livres disponibles en France sur les fées (laissons de côté la bande dessinée), on trouve vraiment de tout : le faux carnet d'une jeune fille qui communique prétendument avec les fées (Le Livre des fées séchées, attribué à Lady Cottington), plusieurs beaux livres (Les Fées de Brian Froud et Alan Lee, La Grande encyclopédie des fées de Pierre Dubois, illustrée par Claudine et Roland Sabatier), des études (Le Monde des fées dans l'Occident médiéval de Laurence Harf-Lancner par exemple), des divagations (Les Fées sont parmi nous de Sir Arthur Conan Doyle)... et même des livres de cuisine (La Cuisine des fées et autres contes gourmands), sans parler des innombrables romans (Le Parlement des fées de John Crowley, pour n'en citer qu'un). Alors quand ActuSF publie son Guide des fées, la méfiance est de mise, même si le sous-titre, « Regards sur la femme », laisse supposer que Virginie Barsagol et Audrey Cansot ont trouvé un (trop grand ?) angle.
A la lecture de l'ouvrage (qui complète plutôt bien l'encyclopédie susnommée de Pierre Dubois), on est surpris non pas par son fond (c'est diablement intéressant, tout ça) mais par une forme, qui oscille entre le foutraque trop succinct et la bouillie pour chat du Cheshire : « Tout comme l'Autre Monde, comme est souvent nommé le monde des fées, fourmille en passerelles avec le monde rationnel, celui des mortels, le pôle des forces obscures et celui de l'énergie bienveillante ne sont pas étanches. » lit-on page 9. Ah bon... Mais ça veut dire quoi ? Ah oui, en lisant trois fois la phrase dans son contexte on comprend qu'il y a parfois des passerelles entre la magie noire et la magie blanche.
Une forme qui n'est pas à la hauteur de l'érudition du fond. Dommage. Mais ce qui est surtout regrettable, c'est que les auteurs vont trop vite et considèrent comme évidents/acquis des éléments, des détails historiques inconnus du commun des mortels.
Si vous cherchez un livre pas cher sur les fées, un amuse-gueule, ce petit ouvrage fera l'affaire (toutefois une édition augmentée, un poil réécrite ne serait pas du luxe), mais si vous voulez de la saveur, de l'érudit et/ou du rêve à l'état brut, je ne peux que vous conseiller un cocktail La Grande encyclopédie des fées de Pierre Dubois chez Hoëbeke / Les Fées de Brian Froud et Alan Lee, chez Albin Michel. 10 euros d'un côté, 49 de l'autre.
Fée selon ton désir, cher lecteur.
Thomas DAY Première parution : 1/7/2009 dans Bifrost 55 Mise en ligne le : 29/10/2010